Anxiété et maladies du cœur : un sujet pressant à creuser en recherche

27 novembre 2024
Ce que nous savons de l’anxiété n’est en fait que la pointe de l’iceberg, disent les scientifiques.
Ce que nous savons de l’anxiété n’est en fait que la pointe de l’iceberg, disent les scientifiques.

L’anxiété est un problème très courant chez les patientes et patients cardiaques.

En effet, jusqu’à 4 personnes sur 10 souffrant de la maladie coronarienne disent avoir ressenti des symptômes d’anxiété pendant leur hospitalisation ou juste après une crise cardiaque.

Heather Tulloch, Ph.D., Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa
Dans son laboratoire à l’ICUO, Heather Tulloch, C.Psych., Ph.D., étudie le rôle des interventions et des mécanismes comportementaux, cognitifs, psychologiques et sociaux chez les personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire et leurs partenaires de vie dans le but d’améliorer la santé cardiovasculaire, la santé mentale et la qualité de vie.

Heather Tulloch, C.Psych., Ph.D., est psychologue clinicienne spécialisée en santé et réadaptation cardiaque, et scientifique à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). L’anxiété après un diagnostic de maladie cardiovasculaire, dit-elle, est une chose tout à fait normale.

« L’anxiété est une réaction humaine à ce qui, pour beaucoup, est un événement très inquiétant », explique Heather Tulloch, qui dirige le Laboratoire de psychologie de la santé cardiovasculaire et de médecine comportementale à l’ICUO.

« L’humain recherche la sécurité, et un diagnostic de maladie cardiovasculaire fait émerger des choses qui nous forcent à réfléchir à notre santé. »

Mieux comprendre l’anxiété

En général, l’anxiété est décrite comme un état de tumulte intérieur causé par l’appréhension de certains événements qui pourraient se produire.

Cette émotion pénible, affirment Heather Tulloch et ses collègues, peut s’infiltrer à différents niveaux dans la vie des patients et patientes.

Des inquiétudes exagérées et difficiles à contrôler associées à au moins trois symptômes comme l’agitation, la fatigue, les problèmes de concentration, l’irritabilité, les tensions musculaires et les troubles du sommeil peuvent être le signe d’un problème plus grave.

« Si l’un ou l’autre de ces symptômes nuit à votre capacité de fonctionner au quotidien, ça devient problématique », dit Heather Tulloch.

L’anxiété et les maladies cardiovasculaires

Les mécanismes comportementaux et physiques de l’anxiété pourraient avoir des effets nuisibles sur la santé cardiovasculaire, croient les psychologues.

C’est dans le but de creuser cette question que Heather Tulloch et ses collègues de l’ICUO ont recensé les écrits portant sur l’influence de l’anxiété sur le pronostic des femmes atteintes d’une maladie cardiaque. Un article qui résume leurs observations a été publié dans le European Journal of Preventative Cardiology (EJPC).

Des études réalisées sur des personnes ayant subi une crise cardiaque ont conclu que l’anxiété post-événement était associée à une augmentation de 71 % du risque de nouvelle crise cardiaque et à une augmentation de 23 % de la mortalité cardiaque.

Un sujet à creuser, surtout chez les femmes

« Notre synthèse met en lumière le besoin de mieux comprendre les liens entre l’anxiété et les maladies cardiovasculaires, surtout chez les femmes, indique Karen Bouchard, Ph.D., scientifique associée, directrice du Laboratoire de promotion, d’éducation et des déterminants sociaux de la santé cardiovasculaire à l’ICUO, et co-auteure de l’article publié dans l’EJPC.

Karen Bouchard, Ph.D., Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa
Karen Bouchard, Ph.D., Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. La chercheuse Karen Bouchard met à profit sa formation en éducation et sa formation postdoctorale dans le domaine des relations sociales et de la santé pour comprendre et promouvoir la santé cardiovasculaire chez les patients et les membres de leur famille.

« La prévalence de l’anxiété chez les femmes est de deux à trois fois plus élevée que chez les hommes, dit-elle. Toutefois, nous commençons à peine à en comprendre les effets. De plus, les échantillons sont trop petits et disproportionnés pour bien comparer ces effets chez les deux sexes. »

C’est pourquoi il est important, selon elle, de pousser la recherche : « Notre compréhension des liens entre la santé mentale et le risque de maladie cardiovasculaire vient surtout d’études qui ont été réalisées chez les hommes. Je pense que ce que nous savons de l’anxiété chez les femmes n’est en fait que la pointe de l’iceberg. L’analyse de données recueillies auprès de grands échantillons de femmes pourrait nous en apprendre beaucoup plus. »

L’équipe de Heather Tulloch et Karen Bouchard a récemment reçu une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada pour étudier l’impact de l’anxiété sur l’évolution de la santé des femmes atteintes d’une maladie cardiovasculaire.

Selon Karen Bouchard, une analyse sexospécifique des données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement aidera à déterminer les effets de l’anxiété au sein de cette population particulière.

Dans un autre projet financé par Cœur + AVC, Heather Tulloch étudiera la relation entre la détresse psychologique et les événements cardiovasculaires indésirables majeurs chez les personnes atteintes de dissection spontanée de l’artère coronaire afin de mieux comprendre l’influence de la santé mentale sur l’issue de la maladie.

La santé mentale : un facteur crucial

« Une chose est sûre : il faut se pencher davantage sur la santé mentale en tant que facteur crucial pouvant influencer la santé des gens, en bien ou en mal », dit Karen Bouchard.

« Les connaissances acquises par la recherche guideront la création de programmes innovants et de nouvelles approches pour améliorer cet aspect de la vie des gens et leur état de santé. »

À l’ICUO, le dépistage de l’anxiété et de la dépression est inclus dans le programme de réadaptation cardiaque. Les personnes qui obtiennent des scores élevés aux tests de dépistage obtiennent un rendez-vous avec une psychologue pour déterminer quelles ressources pourraient leur être utiles.

Par exemple, l’ICUO offre un atelier en ligne sur les signes et symptômes de stress et les différentes stratégies pour bien le gérer. Les patients et patientes ont aussi accès à un programme de gestion du stress et à un programme de gestion des émotions pour apprendre à composer avec l’anxiété liée à leur santé et autres émotions difficiles. Enfin, la série 10 conseils donne différentes astuces, notamment pour améliorer la santé émotionnelle, mieux dormir et faire de l’exercice en toute sécurité.

De petites choses, rappelle Heather Tulloch, peuvent faire toute la différence.

« En posant des gestes pour réduire son stress et l’anxiété au quotidien, on se sentira mieux outillé pour composer avec le stress et les événements stressants qui pourront survenir plus tard. Les exercices de respiration et de pleine conscience peuvent aider, de même qu’un discours positif envers soi-même », dit-elle.

« Tout le monde est à une étape différente de sa propre vie. Qu’on réponde ou non aux critères diagnostics de l’anxiété, tout le monde ressent du stress ou de l’anxiété de temps à autre, et c’est tout à fait normal, poursuit Heather Tulloch. Il y a de l’aide pour les personnes qui en ont besoin. »

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