Recherche en génétique à l’ICUO : l’acquisition d’un statut international

13 mars 2014
En haut : Avec les membres du personnel du Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy; En bas : Avec ses confrères découvreurs du variant 9p21, le premier facteur de risque génétique de maladie cardiovasculaire : Dre Ruth McPherson et Alexandre Stewart.

Lorsque le Dr Robert Roberts est entré au service de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) à titre de président-directeur général en 2004, il avait un mandat : positionner l’ICUO comme chef de file mondial en recherche en génétique cardiovasculaire.

« Au cours des cinquante dernières années, les données sont restées assez stables, établissant à environ 50 p. 100 la proportion de maladies du cœur liées à une prédisposition génétique, expliquait le Dr Roberts en 2010. Si nous voulons vraiment déployer de vastes efforts de prévention, nous devons connaître les facteurs de risque liés tant au mode de vie qu’à la génétique. Et pour le volet génétique, il nous faut découvrir les gènes. »

À l’issue de près de 10 années d’efforts soutenus sous la gouverne du Dr Roberts, l’ICUO a réussi à mettre au jour un grand nombre de gènes associés à un risque de maladie cardiovasculaire et à devenir un chef de file reconnu dans le domaine. Dès son arrivée, le Dr Roberts était déterminé à renforcer l’appui philanthropique, un engagement actif qui a permis la création du Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy, le seul au Canada – et l’un des rares centres de recherche dans le monde – à explorer les mécanismes de la génétique de la maladie du cœur.

Le Centre, qui a ouvert ses portes en 2005, a été fondé grâce à un don de 5 millions de dollars de John et Jennifer Ruddy et à des dons additionnels de plusieurs autres donateurs de la région d’Ottawa s’élevant à 1,7 million de dollars. Le Dr Roberts a en outre obtenu une subvention de 10 millions de dollars de la Fondation canadienne pour l’innovation – et un montant égal octroyé par le gouvernement provincial –, ce qui a permis de consacrer 4,7 millions de dollars au recrutement du personnel et à l’acquisition des équipements requis pour permettre au Centre de mener des études d’associations pangénomiques, des recherches de pointe réalisées à très grande échelle.

Les études d’associations pangénomiques visent à repérer des variations génétiques courantes qui peuvent augmenter la protection ou la susceptibilité à l’égard d’une maladie. Comme l’influence de ces variations sur le risque, quoique bien réelle, est très faible, il est nécessaire d’étudier de très vastes populations pour élucider leurs effets – un processus coûteux qui prend du temps.

Le Centre a apporté son aide au laboratoire de la Dre Ruth McPherson , ce qui a rapidement porté des fruits, puisque le laboratoire a pu confirmer en 2007 qu’une variante du gène 9p21 est à l’origine d’une augmentation allant jusqu’à 40 % de la prédisposition aux maladies du cœur, sans égard aux autres risques connus, comme l’hypercholestérolémie, l’hypertension et le diabète.

La découverte du gène 9p21 a été marquante pour plusieurs raisons : il s’agit du premier facteur de risque génétique courant de maladie du cœur jamais découvert, mais aussi du premier facteur de risque courant de maladie du cœur a être mis au jour depuis l’hypercholestérolémie. De plus, ses effets sur le risque individuel de maladie sont substantiels. Cette découverte a lancé l’ICUO dans la recherche d’autres gènes courants ayant une influence sur le risque de maladie du cœur; une quête d’ampleur mondiale.

Alexandre Stewart , Ph. D., chercheur principal au Centre Ruddy, se rappelle la réunion de l’American Heart Association lors de laquelle il a présenté les résultats de l’étude sur le gène 9p21. Ce jour-là, des représen-tants d’un groupe allemand l’ont approché pour lui proposer de former un consortium international pour mettre en commun les ressources permettant de réaliser des études d’associations pangénomiques.

« En rentrant, j’en ai tout de suite parlé au Dr Roberts, et sans aucune hésitation, il a déclaré : “Il faut absolument que nous prenions part à un consortium. À ce rythme, nous n’avançons pas assez rapidement. Pour accélérer le processus, nous devons unir nos forces”, se réjouit Alexander Stewart. J’aime croire que sa réaction a un lien avec ses ori-gines texanes, c’est tout à fait dans l’esprit de la mégascience, selon laquelle nous devons travailler ensemble pour pouvoir répondre à de grandes questions. »

Le consortium créé, CARDIoGRAM (Coronary Artery Disease Genome-Wide Replication and Meta-Analysis), regroupe des établissements de recherche de premier plan, d’Europe et d’Amérique du Nord. CARDIoGRAM a permis d’identifier 13 nouvelles variations génétiques associées à la maladie du cœur. L’étude a aussi confirmé l’association de 10 variantes identifiées précédemment, dont seulement 6 se sont révélés en lien avec des facteurs de risque connus.

« Il s’agissait d’une étude déterminante dont les implications sont doubles, explique le Dr Robert Roberts. La première, c’est qu’il existe un ensemble de mécanismes non identifiés derrière la progression de la maladie coronarienne qui deviennent des cibles potentielles pour le développement de médicaments. La seconde, c’est que nous avons maintenant un nombre intéressant de gènes à passer au crible pour déterminer les risques en situation de prévention primaire. »

Pour ce qui est du repérage des gènes associés au risque de coronaropathie, « ce que nous cherchions à faire a fonctionné, se féli-cite Alexander Stewart. Ce qui ne veut absolument pas dire que le travail du Centre est terminé. Le processus le plus ardu, qui réside dans la compréhension du fonctionnement de ces gènes, de leur action sur l’organisme et de la façon dont ils influent sur le risque de maladie, ne fait que commencer, et c’est maintenant le principal objectif du Centre. »

Dans une percée majeure en 2011, le consortium international CARDIoGRAM a découvert 13 nouveaux variants génétiques associés au risque accru de cardiopathie. Cette image montre une sortie produite par l’appareil GeneTitan, utilisé par l’Institut de cardiologie lors de sa participation à CARDIoGRAM. Chaque carré figurant dans l’agrandissement représente un des 1,1 million de variants génétiques auxquels chaque échantillon est comparé. Le noir indique que l’échantillon n’a pas de copie du variant donné, le jaune indique la présence de deux copies du variant, tandis que les autres couleurs indiquent la présence d’une seule copie.

« Cartographier l’emplacement des gènes n’est qu’un moyen de parvenir à nos fins, précise le Dr Roberts. Et la fin consiste à trouver ces gènes et à déterminer ce qu’ils font, pour ensuite trouver comment neutraliser ou stimuler leur effet. »

Le consortium CARDIoGRAM, qui se nomme aujourd’hui CARDIoGRAMplusC4D en raison de son association avec un autre groupe d’établissements, a récemment permis d’éclaircir une partie du mystère. Une récente étude montre en effet que parmi ces variations génétiques, nombreuses sont celles qui pourraient contribuer à générer une réponse inflammatoire excessive aux infections ou à d’autres affections, laquelle pourrait être à l’origine de lésions aux vaisseaux sanguins et du développement de la plaque. Les chercheurs de l’ICUO prévoient poursuivre leurs travaux, tant au sein du consortium qu’à l’interne, pour déterminer les meilleures façons d’utiliser les données génétiques recueillies entre autres par le Centre Ruddy durant la dernière décennie, et ce, afin d’améliorer la prévention, le dépistage et le traitement de la maladie du cœur.

« Grâce au Dr Roberts, la région d’Ottawa est une référence dans le domaine de la recherche en génétique cardiovasculaire, conclut Alexander Stewart. Il nous laisse en héritage le Centre Ruddy qu’il a fondé et dont il a bâti la renommée, et pour lequel il a consenti des efforts exceptionnels en particulier au cours des dernières années. C’est un legs inestimable. »