À l’époque où elle étudiait pour devenir infirmière spécialisée en soins cardiaques, Nazli Parast était étonnée du peu d’attention accordé dans ses cours à la santé cardiaque des femmes et aux facteurs de risque propres aux femmes.
Aujourd’hui, une quinzaine d’années plus tard, Nazli détient une maîtrise en sciences infirmières et est l’une des rares infirmières de pratique avancée au Canada à posséder une expertise en santé cardiovasculaire des femmes.
À l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), où elle travaille à la Clinique de santé cardiaque des femmes, Nazli tient passionnément à ce que ses patientes soient bien informées et à ce que ses collègues aient accès aux connaissances qu'elle aurait voulu apprendre à l’école.
J’étais déçue qu’il y ait si peu de contenu [sur la santé cardiaque des femmes] dans la formation infirmière.
- Nazli Parast, infirmière spécialisée en soins cardiaques
« J’étais déçue qu’il y ait si peu de contenu [sur la santé cardiaque des femmes] dans la formation infirmière, dit Nazli. Il est important que les futures infirmières et les futurs infirmiers aient des occasions d’étudier la santé cardiaque des femmes, ce qui leur permettra de mieux défendre les intérêts de leurs patientes. »
« Toutes nos connaissances dans une seule ressource »
Il y a deux ans, Nazli a commencé à remarquer certains sujets récurrents dans ses conversations avec les patientes de la Clinique de santé cardiaque des femmes.
« Beaucoup de femmes qui avaient subi un incident cardiovasculaire me demandaient la même chose, dit-elle. Elles se posaient beaucoup de questions importantes et me demandaient souvent de leur suggérer une ressource qui pourrait les aider à comprendre ce qu’elles vivaient et à faire des liens. »
Il n’existait alors aucune ressource brossant un portrait complet des besoins et du vécu particuliers des femmes atteintes d’une maladie du cœur. Nazli y a vu une occasion de combler une lacune.
Né dans l’enthousiasme, son projet a rapidement pris de l’ampleur. Avec le soutien de ses collègues, les encouragements et le leadership de sa gestionnaire, Bonnie Quinlan, l’appui des médecins responsables de la clinique à l’époque, Thais Coutinho, M.D., et Michele A. Turek, MDCM, et l’aide considérable de l’étudiante bénévole Ana Spasojevic, Nazli a rédigé le premier guide complet conçu spécifiquement pour les femmes atteintes d’une maladie du cœur. Offert en français et en anglais, ce guide rassemble l’expertise de plusieurs disciplines en une seule source fiable d’information médicale pour les femmes.
Des cardiologues, membres du personnel infirmier, psychologues, physiothérapeutes et autres membres du personnel médical ont contribué à l’élaboration du guide. Ce dernier a aussi bénéficié de la perspective de patientes partenaires, ce qui, pour Nazli, en fait une ressource unique d’une grande pertinence.
« Nous avons recruté trois patientes partenaires pour commenter le guide à diverses étapes de son développement, poser des questions, demander des éclaircissements et confirmer la pertinence de l’information pour les utilisatrices », explique Nazli. Le guide comprend aussi des témoignages de patientes dont le nom n’est pas indiqué pour des raisons de confidentialité. « Nous avons inclus des témoignages parce qu’ils peuvent aider certaines personnes à faire le lien avec leur situation et à mieux comprendre leurs propres expériences », poursuit Nazli.
« Il faut intégrer les personnes ayant une expérience vécue dans tout ce que nous faisons »
La Dre Thais Coutinho a récemment coprésidé un sommet international portant sur la santé cardiaque, cérébrale et vasculaire des femmes à Vancouver (Colombie-Britannique), au cours duquel on a discuté d’actions possibles pour combler les lacunes qui empêchent les femmes de recevoir les soins dont elles ont besoin.
« Il ne fait aucun doute qu’il faut intégrer les personnes ayant un vécu de maladie cardiovasculaire dans tout ce que nous faisons, dit-elle. Le Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes a clairement fait ressortir l’importance d’inclure ces personnes en recherche, dans les programmes cliniques, dans la défense des droits des patientes et dans l’élaboration des politiques. Si on veut vraiment changer les choses, il faut écouter ce qu’elles ont à dire. »
Pendant le Sommet, des patientes comme Michelle Logeot, qui a subi un arrêt cardiaque et une crise cardiaque foudroyante en 2017, ont parlé du besoin, pour les femmes, de défendre leurs propres intérêts.
Michelle, aujourd’hui âgée de 56 ans, a présenté son témoignage « Not taking no for an answer » (insister malgré les refus) devant un public de professionnelles et professionnels de la santé, et de patientes. The Toronto Star et Global News l’ont aussi invitée à raconter son histoire déchirante en entrevue.
« En six mois de rendez-vous chez le médecin parce que je ne me sentais pas bien — j’avais beaucoup de sueurs, j’étais tout le temps fatiguée et à peine fonctionnelle — j’ai reçu beaucoup de diagnostics erronés », raconte Michelle à l’animatrice de Global News Morning BC, Sonia Sunger. « Même s'il y a beaucoup de problèmes de cœur dans ma famille, personne n’en a tenu compte. »
Le message de Michelle aux femmes est clair : « Personne ne connaît mieux votre propre corps que vous. Si quelque chose vous semble anormal et que votre médecin ne vous prend pas au sérieux, n’hésitez pas à lui poser des questions ou à demander un deuxième avis. Si vous avez l’impression que quelque chose ne va pas, c’est sans doute le cas. »
« Pour vraiment changer les choses, il faut que le leadership vienne d’en haut »
Pour Nazli Parast et Thais Coutinho, les témoignages comme celui de Michelle et de centaines d’autres femmes montrent clairement que la défense des droits des patientes ne suffit pas pour combler les lacunes et les inégalités liées au genre qui affectent encore la recherche et les soins de santé.
« Il me semble évident que pour vraiment changer les choses, il faut que le leadership vienne d’en haut », a dit la Dre Coutinho, qui a déclaré dans une vidéo diffusée sur Twitter (en anglais) :
« Pour vraiment combler les lacunes dans la prévention, le traitement et l’issue des maladies cardiovasculaires chez les femmes, il faut que les actions viennent d’en haut. Nous sommes nombreux, comme prestataires de soins de santé et scientifiques, à travailler sur ces problèmes et à avoir un impact à l’échelle locale, mais pour avoir de vrais résultats partout au Canada, il nous faut une stratégie nationale qui établira la norme à suivre. »
« Le savoir est important, mais ce n’est pas assez, conclut Dre Coutinho. Nous prêchons à un petit nombre de convertis. Il est temps de passer à l’action. »
Les auteures du Guide sur la santé cardiaque des femmes reconnaissent que la recherche sur la santé cardiaque des personnes LGBTQ2S+ en est encore à ses débuts. Si vous avez des questions sur votre santé et les risques associés à votre identité particulière, veuillez consulter votre médecin ou votre équipe soignante.
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