Par contre, quand vient le temps de partir, c’est une autre histoire. Tout à coup, les patients et leur famille deviennent responsables de tout ce qui implique de vivre avec une maladie chronique – gérer les médicaments, changer les comportements alimentaires, faire plus d’activités physiques –, avec les inévitables questions sur le bon moment pour retourner au travail, recommencer à conduire ou même reprendre les activités sexuelles. Heureusement, l’Institut de cardiologie attache une grande importance à l’éducation des patients et s’efforce de leur fournir les outils dont ils ont besoin pour s’occuper de leur santé.
Le processus commence bien avant que les patients arrivent à l’Institut de cardiologie (voir « Satisfaction des patients : la barre n’est jamais trop haute »). Les membres du personnel clinique s’assurent que les patients savent exactement à quoi s’attendre, comment se préparer et ce qu’ils doivent faire pour augmenter les chances de succès de leur intervention chirurgicale. Après l’intervention, ils reprennent le collier aussitôt que les patients sont assez alertes pour bien les écouter. Les infirmières et les médecins aident les patients à comprendre leur état de santé et ce qu’ils doivent faire pour vivre en santé.
En outre, les patients assistent à des cours structurés sur différents sujets comme la nutrition, la gestion du stress, l’exercice et d’autres éléments de la réadaptation cardiaque. Ils peuvent rencontrer individuellement un nutritionniste, un physiothérapeute ou un autre professionnel de la santé pour discuter d’alimentation, de méthodes pour conserver leur énergie et intégrer l’activité physique au quotidien, ou de tout autre changement à leur mode de vie. Par exemple, un cours sur la nutrition apprend aux patients à lire les étiquettes nutritionnelles sur les aliments et à interpréter (ou ignorer) les allégations sur la santé qui figurent souvent au recto des emballages. Il peut aussi les aider à trouver des ressources fiables pour des recettes santé.
« Avec le programme de réadaptation cardiaque, nous donnons aux gens des outils pour faire des choix sains, qu’ils pourront mettre en pratique dans leur vie une fois le programme terminé, explique la nutritionniste Kathleen Turner. Souvent, les patients cherchent des idées pratiques. Nous pouvons bien leur parler de nutriments, mais en fin de compte, ce que les gens veulent savoir, c’est quoi faire pour le souper. »
Une infirmière revoit aussi avec chaque patient le plan d’action en vue du congé, qui lui indique ce qu’il doit faire pour poursuivre sa convalescence à la maison.
Avant de rentrer à la maison, les patients, accompagnés de membres de leur famille ou d’aidants naturels, assistent à une séance d’information sur le congé pour passer en revue les éléments clés qu’il leur faut connaître. Une infirmière revoit aussi avec chaque patient le plan d’action en vue du congé, qui lui indique ce qu’il doit faire pour poursuivre sa convalescence à la maison. Les patients reçoivent plusieurs documents à apporter à la maison en fonction de leur plan d’action, notamment un ou des guides portant sur leur état de santé (tirés de la série de guides à l’intention des patients de l’Institut de cardiologie) et peut-être plus important encore, le numéro de téléphone d’une infirmière coordonnatrice qu’ils peuvent appeler à toute heure du jour et de la nuit s’ils ont des questions.
Lorraine Montoya, infirmière de pratique avancée à l’Institut de cardiologie, explique que l’éducation des patients a plusieurs objectifs : s’assurer que les patients comprennent leur état de santé, les problèmes potentiels qui pourraient survenir et la façon d’y faire face; s’assurer qu’ils comprennent le fonctionnement de leurs médicaments, qu’ils savent comment et quand les prendre, qu’ils connaissent les effets secondaires possibles et qu’ils savent quand ces effets sont suffisamment graves pour nécessiter de l’aide immédiate; et développer les compétences dont les patients auront besoin pour prendre leur santé en main quand ils seront à la maison.
Bâtir une relation de confiance avec les patients est un élément important du processus. Les patients doivent sentir qu’ils sont soutenus lorsqu’ils retournent à la maison et qu’ils peuvent demander de l’aide quand ils en ont besoin. C’est ce que Mme Montoya appelle « mettre le patient aux commandes » de sa santé.
Ce que l’éducation des patients n’est pas, selon Mme Montoya, c’est une façon d’assurer la conformité. « Il s’agit plutôt de la façon dont vous, comme patient, intégrez cela à votre vie pour que ça fonctionne pour vous. »
L’éducation des patients est liée à ce que le patient a besoin de savoir. Et les éducatrices ne le sauront pas à moins de le demander. Alors, par exemple, au lieu de dire à un patient qu’il doit se peser tous les jours, Mme Montoya lui demande comment il se pèse. La réponse lui indique s’il a besoin de conseils sur la nécessité de se peser à la même heure chaque jour avec les mêmes vêtements, ou d’outils pour l’aider à faire le suivi de son poids et savoir quoi faire s’il change — ou même, en premier lieu, s’il possède un pèse-personne. Les questions aident à personnaliser l’éducation et à l’adapter aux besoins de chaque personne. Selon Mme Montoya, quand l’éducation est personnalisée, les patients entendent et retiennent plus ce que l’éducatrice dit.
« Quand vous commencez à appliquer une stratégie unique, vos chances que l’apprentissage soit efficace diminuent, explique-t-elle. Parce que chaque patient est différent – chaque patient a un niveau de connaissance différent, un style d’apprentissage différent –, il est important de personnaliser les efforts et les outils d’éducation. »
L’Institut de cardiologie offre des cours de groupe ainsi que des séances de consultation individuelle. Il propose de la documentation écrite, mais également des DVD et des vidéos en ligne pour les gens qui apprennent mieux en regardant. Et l’Institut possède des outils pour aider les patients à changer plus facilement leurs comportements, comme un tableau qu’ils peuvent mettre sur le réfrigérateur pour noter chaque jour leur poids. Le tableau comporte aussi des renseignements sur ce qu’ils doivent faire quand leur poids change, leur permettant d’intervenir plus facilement si nécessaire.
Mme Montoya est convaincue de l’importance de l’éducation du patient, tellement qu’elle a fait une maîtrise en éducation des adultes. L’une des choses qu’elle a apprises de cette expérience c’est que travailler sur des actions concrètes et mettre l’accent sur les points positifs facilite l’apprentissage. Par exemple, il vaut mieux aider un patient à élaborer un programme de marche personnalisé que de lui dire de faire plus d’exercice, ou encore interroger le patient sur sa volonté de cesser de fumer au lieu d’insister sur les dangers du tabagisme.
Utiliser différentes approches d’enseignement pour fournir des renseignements est un autre élément important. Selon Mme Montoya, les cours de groupe sont particulièrement utiles, parce que les patients ne se sentent plus seuls. Ils comprennent qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir d’insuffisance cardiaque congestive ou à avoir subi une crise cardiaque.
Les cours de groupe sont aussi efficaces parce que les patients apprennent les uns des autres, révèle Bonnie Quinlan, l’infirmière de pratique avancée qui a chapeauté l’élaboration du guide à l’intention des patients atteints d’une maladie coronarienne. « On peut vraiment l’observer, dit-elle. Une personne dit une chose, et tout à coup quelqu’un se redresse pour mieux écouter parce qu’il a vécu la même chose. »
L’éducation des patients va au-delà du comportement d’une personne. Elle leur permet d’acquérir des connaissances de base en matière de santé qui les aideront ensuite à mieux traiter et comprendre des renseignements simples sur la santé, à agir en conséquence et à obtenir des services si nécessaire. Les patients doivent savoir comment parler aux professionnels de la santé, comment naviguer dans le système de santé et qui appeler quand ils ont besoin d’aide pour ce faire, souligne Mme Montoya. Les patients plus âgés, notamment, peuvent être en contact avec un cardiologue pour leur cœur, un endocrinologue pour leur diabète, un rhumatologue pour leur arthrite et un médecin de famille. Ça fait beaucoup de professionnels et de sources d’information à gérer.
L’un des plus grands défis que doivent relever mesdames Montoya et Quinlan est de fournir aux patients une énorme quantité de renseignements en très peu de temps. Ce qui demandait autrefois deux semaines d’hospitalisation se résume souvent à une intervention d’un jour ou à une seule nuit d’hospitalisation. Les éducatrices ne peuvent pas accabler les patients avec trop de renseignements, mais en même temps, elles doivent s’assurer qu’ils ont tous les renseignements dont ils ont besoin. C’est là que se révèle si précieuse la documentation à rapporter à la maison, comme les guides qui regroupent dans un même recueil tous les renseignements utiles.
Il existe beaucoup de matériel générique, souligne Mme Quinlan. L’avantage des guides de l’Institut de cardiologie, c’est qu’ils sont spécifiques au patient et à la région. Outre les renseignements pertinents sur la santé et la convalescence, on y trouve des listes de services et d’outils disponibles dans la région. De plus, ils portent la marque de l’Institut de cardiologie, ce qui leur donne de la crédibilité, d’autant plus que des patients de l’Institut de cardiologie ont évalué les guides et donné leur opinion sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas.
Il est difficile de quantifier l’impact de l’éducation des patients. Il existe toutefois suffisamment de données qui montrent qu’elle est un gage de meilleurs résultats tant pour les patients que pour le système de soins de santé. Au nombre des bienfaits, on note de plus faibles taux de complications, une diminution des effets indésirables, un moins grand nombre de réadmissions et un meilleur usage des ressources en santé.
« En tant qu’être humain, nous pouvons contracter de nombreuses maladies qui échappent à notre contrôle, dit Mme Quinlan. Mais dans le cas d’une maladie coronarienne, il y a énormément de choses que nous pouvons maîtriser. » Ce qu’il faut, c’est s’assurer que les patients savent quoi faire et comment le faire.