Réadaptation cardiaque : Au-delà du physique

9 décembre 2013

Quand vous entrez dans le secteur de réadaptation de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), ça ressemble fort à un gymnase : tapis roulants, vélos stationnaires et exerciseurs elliptiques, le tout entouré d’une piste à quatre couloirs. Vous seriez alors tenté de croire que la réadaptation n’est qu’une question de condition physique, mais ça cache beaucoup plus que cela.

En fait, la réadaptation cardiaque à l’Institut de cardiologie aide les patients à retomber sur leurs pieds après un événement cardiaque, dans tous les aspects de leur vie, en les aidant non seulement à être actifs physiquement, mais aussi à faire de meilleurs choix alimentaires pour la santé, à bien gérer leur stress et même à retourner au travail.

L’Institut de cardiologie adopte une approche de réadaptation intégrée, reconnaissant la nécessité de prendre en compte tous ses aspects.

Jane Brownrigg, gestionnaire des services cliniques en réadaptation cardiaque, explique que le programme de l’Institut de cardiologie compte parmi les meilleurs qu’elle connaisse. En effet, quand elle discute avec ses collègues d’autres centres, elle en trouve peu qui offrent ne serait-ce qu’une fraction des services et des installations dont dispose l’Institut. L’équipe de l’Institut de cardiologie se compose d’infirmières, de physiothérapeutes, de nutritionnistes, de psychologues, de travailleurs sociaux, de conseillers en orientation professionnelle et de médecins – un très vaste éventail de disciplines.

L’Institut de cardiologie adopte une approche de réadaptation intégrée, reconnaissant la nécessité de prendre en compte tous ses aspects. Il y a une bonne raison d’adopter cette approche globale, selon Mme Brownrigg, une raison solidement ancrée sur des résultats de recherche.

« Nous savons que la façon dont les gens mangent et gèrent le stress a d’énormes conséquences sur leur santé cardiaque. » En fait, ajoute-t-elle, la recherche montre qu’une augmentation du niveau de stress entraîne une élévation du risque de maladie chronique (comme une maladie du cœur); et quand une personne est atteinte d’une maladie chronique, un stress accru détermine un moins bon pronostic.

Tout est lié, affirme Mme Brownrigg. Si le travail est trop stressant et gruge trop de temps, comment les gens peuvent-ils bien s’alimenter, sortir marcher 30 minutes à l’heure du dîner ou cesser de fumer?

Le programme de l’Institut de cardiologie reconnaît l’importance des liens qui existent entre tous ces éléments et tente de les traiter de façon coordonnée. L’objectif est de permettre aux gens de prendre leur propre santé en main, ajoute-t-elle. « Nous offrons un enseignement et du soutien pour que l’autogestion devienne un outil avec lequel poursuivre votre vie », explique Mme Brownrigg.

Faire des choix sains plus facilement

Arrêtons-nous, par exemple, à la saine alimentation. Nous savons que choisir des aliments sains – beaucoup de fruits et légumes, des aliments pauvres en sodium et de « bons » gras – est meilleur pour notre santé. Mais, selon la nutritionniste Kathleen Turner, il n’est pas utile d’enseigner aux gens comment intégrer chacun de ces éléments à leur alimentation. Ce qu’ils veulent vraiment, ce sont des conseils pratiques. Elle se concentre donc sur l’alimentation, mais comme un tout, plutôt que sur les composantes et les nutriments.

Kathleen Turner

« Les gens n’ont rien à faire du type de gras qu’ils mangent; ils veulent savoir quoi faire pour souper, dit-elle. Ça peut être très pénible de penser à la préparation de repas sains pour toute une semaine. »

Mme Turner essaie de répondre à ces questions pendant des séances de groupe sur l’ABC d’une saine alimentation pour le cœur et la gestion du poids, et par de courtes interventions de cinq minutes lors des séances d’exercice, parlant de sujets comme l’heure des repas, les fruits et légumes, les gras et le sodium. Elle a aussi une chronique « actualité », au cours de laquelle elle aborde un sujet traité par les médias et donne quelques conseils aux gens pour les aider à évaluer par eux-mêmes ce qu’ils lisent ou ce qu’ils entendent. Et pour les gens qui ont besoin d’une attention plus personnelle, Mme Turner offre des consultations individuelles.

« Le choix santé est souvent le plus difficile, précise Mme Turner. Mais, plus les gens cuisinent à la maison, plus ils ont de contrôle. » Elle se concentre à apprendre aux gens à planifier des repas, trouver de bonnes recettes en ligne ou dans un livre de recettes, et acheter les bons ingrédients.

Seule nutritionniste au service de toute la population de patients de consultation externe, Mme Turner a pour objectif à long terme d’aider ses patients à trouver des ressources dans la communauté. Étonnamment, l’un des meilleurs endroits est le magasin d’alimentation local. En effet, certains magasins d’alimentation comptent dans leur effectif des nutritionnistes qui font tout pour aider les clients, comme chercher des recettes ou leur faire visiter le magasin pour leur montrer où trouver d’autres aliments plus sains.

Apprendre à communiquer avec les patients

Quand il n’est pas occupé à répondre aux besoins des patients en réadaptation cardiaque, le travailleur social Bob Pelletier enseigne aux étudiants de première année en médecine l’art d’interroger les patients. M. Pelletier est l’un des 17 travailleurs sociaux qui font équipe avec les médecins de famille pour travailler avec de petits groupes d’étudiants à l’Institut de cardiologie et à L’Hôpital d’Ottawa.

Les médecins en formation ont énormément de choses à apprendre L’école de médecine de l’Université d’Ottawa a fait de la communication avec les patients une des priorités. La maladie, c’est plus que des symptômes. La maladie est spécifique à la personne. L’aptitude à communiquer est cruciale pour comprendre les répercussions de la maladie sur cette personne et la façon dont elle la vit.

La chose la plus difficile, selon M. Pelletier, est de « faire en sorte que les étudiants soient à l’aise avec eux-mêmes ». S’ils n’en sont pas capables, ils auront plus de mal à être à l’aise avec les autres.

Un élément déterminant du travail consiste à mettre les étudiants en contact avec des patients réels dans différents milieux, incluant la salle d’urgence, l’unité d’obstétrique-gynécologie et l’Institut de cardiologie. Ce dernier lieu est le préféré de M. Pelletier. Selon lui, les patients cardiaques sont différents des autres patients, parce que leur maladie est liée très étroitement au mode de vie et aux antécédents familiaux.

Et bien que les commentaires de M. Pelletier et de ses collègues instructeurs soient importants, les réactions directes des patients sont encore plus précieuses, parce que les patients ont tendance à être extrêmement honnêtes avec les étudiants.

Par-dessus tout, les étudiants en médecine apprennent qu’il ne s’agit jamais uniquement d’une maladie ou, dans ce cas, d’un événement cardiaque qui se trouve en face d’eux, mais d’une personne qui vit un événement cardiaque. Alors, apprendre à intervenir avec la personne derrière la maladie est un élément essentiel pour offrir des soins de qualité. M. Pelletier et ses collègues aident les étudiants à faire ça, un patient à la fois.
 

Favoriser l’adaptation et le soutien

Reprendre la vie de tous les jours après un événement cardiaque peut être stressant. Il y a beaucoup de choses à gérer. Mais Bob Pelletier, travailleur social à l’Institut de cardiologie, est là pour aider.

« Je suis celui qui règle les problèmes. Je suis l’agent de liaison. Je prends ce qui se présente et je m’y attaque, explique M. Pelletier. Je n’ai pas connu une journée ordinaire en 30 ans. »

Une grande partie du travail de M. Pelletier consiste à faire participer les patients à des activités de consultation pour favoriser leur adaptation et les soutenir afin qu’ils adoptent un mode de vie sain. Mais, la liste de ses tâches ne tient pas sur une seule page. Les questions d’adaptation financière l’occupent beaucoup, qu’il s’agisse de trouver comment maintenir un revenu pendant la convalescence ou, si la personne ne peut pas reprendre le travail, comment payer les médicaments coûteux. S’y retrouver dans le monde souvent confus des soins de santé et des services sociaux est aussi un aspect important de son travail. Et parfois, il s’agit de questions très pratiques, comme la façon d’obtenir un permis de stationnement accessible et comprendre ce que ce permis autorise.

L’activité physique n’est qu’un volet de la réadaptation cardiaque, comme le travailleur social Bob Pelletier et la gestionnaire des services cliniques Jane Brownrigg peuvent l’attester. Les interventions de soutien pour faire face aux problèmes sociaux, alimentaires, de retour au travail et autres font aussi partie du programme de réadaptation cardiaque complet de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

Ce dernier point peut sembler insignifiant, mais il peut être un sujet de préoccupation pour certains. Les gens aiment bien ce qu’ils voient ici quand ils se présentent pour un premier entretien, explique-t-il, mais devoir trouver et payer un stationnement est un obstacle à leur retour. Plusieurs ne savent pas qu’un permis de stationnement accessible ne donne pas seulement accès à des places de stationnement pour handicapés, mais permet aussi de se garer sans frais devant un parcomètre pendant un maximum de quatre heures ou dans une zone de stationnement prohibé. M. Pelletier s’assure donc qu’ils sont au courant de ces droits. Pour les patients qui répondent aux critères d’admissibilité stricts, le permis « peut faire la différence entre pouvoir se présenter aux programmes sur place ou non », précise-t-il.

Il existe d’autres ressources dans la communauté pour répondre aux besoins des patients, comme les prestations de maladie de l’assurance-emploi, l’invalidité de longue durée du Régime de pensions du Canada, ou encore le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées et le Programme de médicaments Trillium pour le coût des médicaments. Le problème, explique-t-il, c’est que bien des gens ignorent l’existence de ces ressources et que le processus d’inscription pour y avoir accès peut être fastidieux. C’est là que M. Pelletier entre en jeu. Il aide les patients à remplir les formulaires appropriés et s’assure que les renseignements dont les patients ont besoin pour que leur demande soit examinée sont tous là.

M. Pelletier est très reconnaissant de l’appui financier offert par l’Association des anciens patients de l’Institut de cardiologie. Quand toutes les autres ressources sont épuisées, cet argent est là pour payer des médicaments ou des soins de transition dans une maison de retraite en attendant qu’une personne soit prête à regagner la maison seule.

Une partie du processus d’accueil en réadapta-tion cardiaque consiste à identifier ce dont chaque patient a besoin pour l’aider à affronter la situation. Par exemple, chaque patient envoyé en réadaptation est évalué au moyen de l’échelle hospitalière de mesure de l’anxiété et de la dépression (questionnaire HADS). La période qui suit un événement cardiaque, comme une intervention chirurgicale de la valvule mitrale, une transplantation cardiaque ou un pontage aortocoronarien, peut être chargée en émotions. Le questionnaire HADS est utilisé comme outil de dépistage pour aider à déterminer comment le patient se sent et ce qu’il pense sur le plan de l’anxiété et de la dépression.

Ce processus d’évaluation oriente la stratégie de M. Pelletier en identifiant le type d’aide précis dont chaque personne a besoin. Dans certains cas, selon les résultats, un patient peut être dirigé vers un spécialiste pour une évaluation en travail social, en psychologie ou en psychiatrie. Pour les patients qui n’ont pas besoin des soins spécialisés d’un psychologue ou d’un psychiatre, il existe des groupes de gestion du stress.

M. Pelletier codirige ces groupes avec la conseillère en orientation professionnelle, Laura Cupper. « Le succès du programme de réadaptation cardiaque s’explique par la grande solidité de notre équipe, affirme M. Pelletier. Nous sommes tous liés. »

Prendre les affaires en main

« Je m’occupe de tout ce qui est en lien avec le travail », explique Mme Cupper, qui est conseillère en orientation professionnelle depuis 30 ans. Le volet le plus simple de son travail consiste à faciliter le retour au travail graduel des patients. La fatigue est courante après un événement cardiaque, et pour certaines personnes, le retour au travail à temps plein, même un travail de bureau, peut être au dessus de leurs forces. Elle travaille donc avec le patient et son employeur pour négocier un retour par étapes.

Reprendre le travail après avoir subi une crise cardiaque ou une intervention cardiaque peut être problématique. Laura Cupper (à droite), conseillère en orientation professionnelle à l’Institut de cardiologie, se déplace souvent sur les lieux de travail pour évaluer les exigences relatives à l’emploi susceptibles de poser problème aux patients cardiaques. Ici, elle observe Maureen Lafontaine, employée d’atelier de reliure, dans une imprimerie du groupe Lowe-Martin ( galerie en ligne ).
 

Les choses se compliquent un peu quand le travail d’une personne demande des efforts physiques. Dans ce cas, Mme Cupper doit analyser les exigences physiques pour en savoir un peu plus sur les fonctions inhérentes à l’emploi et travailler avec le médecin du patient pour déterminer si le patient est apte à retourner au travail.

« J’ai tout fait, aussi bien peser des déchets dans une maison de soins que m’asseoir dans une débusqueuse dans une zone de débardage », dit-elle.

Mme Cupper organise aussi des simulations lors desquelles les patients peuvent reproduire leurs tâches. Elle a eu des patients qui travaillaient comme plâtriers, livreurs de matériaux de construction et employés de magasin de bières obligés à soulever et empiler des caisses de bières. Tous ont simulé leurs activités devant elle pour qu’ils puissent ensemble déterminer si ces activités étaient sécuritaires.

Et c’est là qu’entre en jeu la gestion du stress. Le travail est stressant, et ça ne va pas chan-ger. Ce qui peut changer, selon Mme Cupper, c’est la façon dont les personnes abordent le stress. « Je crois vraiment beaucoup en la restructuration cognitive. Peu importe l’agent stressant, votre façon de le gérer dépend de votre façon de l’envisager. »

Le travail de Mme Cupper n’est pas terminé tant que son patient n’a pas repris le travail et retrouvé la stabilité. Parfois, ça peut prendre de six à huit semaines, durant lesquelles elle reste en contact par téléphone avec le patient.

« Nous pouvons tous retourner au travail pour une journée, souligne-t-elle. Mais pouvons-nous y retourner de façon permanente? »

Le travail de Mme Cupper consiste aussi à déterminer quand le retour au travail n’est plus une option. Dans de tels cas, elle aide à faire les arrangements pour l’assurance invalidité, que ce soit auprès d’une société d’assurance privée ou d’une ressource publique, comme le Régime de pensions du Canada.

Après 30 ans, elle trouve encore son travail valorisant. « J’aime vraiment tout cela, dit elle. Voir quelqu’un reprendre le travail avec succès et en toute sécurité est enrichissant. »

Ouvert sur l’avenir numérique

De plus en plus, le programme de réadaptation cardiaque se tourne vers le monde en ligne. D’une certaine façon, ceci est dû à la vaste région desservie par l’Institut de cardiologie et la nécessité d’offrir des services de réadaptation aux gens qui vivent dans cette grande région. C’est aussi une façon de créer des communautés virtuelles. Tout comme les participants des ateliers sur la nutrition et des groupes de gestion du stress s’entraident et s’échangent des conseils sur la façon d’améliorer leur santé et d’atténuer le stress, ces communautés permettent de faire de même dans le monde virtuel.

« Nous savons grâce aux alcooliques anonymes et au programme Weight Watchers que l’interaction avec les pairs est source de motivation, et les communautés virtuelles sont un outil pour interagir ainsi, souligne Mme Brownrigg.

Les gens veulent et ont besoin d’enseignement, mais ils ont aussi besoin de ce conseiller en santé pour changer leur comportement. » Et ça, dit-elle, résume bien l’équipe de réadaptation : « Nous sommes vraiment dans le domaine des changements de comportement. »