C’est une chose d’associer un gène à une maladie. C’en est une autre de déterminer comment ce gène augmente le risque de contracter cette maladie, surtout dans un cas aussi complexe que la maladie du cœur. Après cinq ans de travail, des chercheurs de l’Institut de cardiologie comprennent maintenant le rôle d’une variante génétique qu’ils soupçonnent de contribuer au développement de la maladie du cœur par divers processus qui favorisent l’inflammation chronique et la division cellulaire.
Les gènes dits pléiotropes — qui influent sur plus d’un aspect de la santé humaine à la fois — compliquent la recherche des facteurs génétiques de maladies complexes comme le diabète et la coronaropathie . Or, dans une nouvelle étude publiée en avril dans Cell Reports , des chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa jettent un nouvel éclairage sur un de ces gènes pléiotropes ayant vraisemblablement une incidence sur la santé cardiovasculaire.
Il y a plusieurs années, les chercheurs du Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy ont identifié une variante du gène SPG7 à laquelle ils attribuaient un rôle potentiel dans la coronaropathie. Toutefois, les rigoureux tests statistiques nécessaires pour établir l’existence d’un facteur de risque n’ont pu confirmer cette hypothèse, problème courant dans le cas des gènes pléiotropes. En effet, comme ces gènes influent sur plusieurs traits physiologiques, il est difficile de cerner leur rôle précis dans chacun de ces traits, a expliqué Alexandre Stewart , Ph.D., l’auteur principal de l’étude.
Il y a cinq ans, l’étudiant au doctorat Naif Almontashiri, qui travaille également au Centre, a choisi de consacrer son passage à l’Institut de cardiologie à élucider le fonctionnement de ce gène. Son projet s’est mué en collaboration internationale regroupant des chercheurs canadiens et européens qui ont apporté au projet une expertise additionnelle en matière d’analyse de la fonction et de la structure des protéines, et de méthodes statistiques.
Il s’est avéré que le gène en question contient des instructions pour produire une certaine protéine, la SPG7. Cette protéine se trouve dans les mitochondries, soit les minuscules centrales énergétiques des cellules. La SPG7 a pour rôle de participer à la dégradation et au recyclage d’autres protéines endommagées dans les mitochondries.
Pour commencer ce processus de dégradation, la SPG7 a normalement besoin qu’une autre protéine lui donne le signal de s’activer. Mais chez les personnes qui possèdent la variante génétique en question, la SPG7 peut s’activer d’elle-même dans certaines circonstances, ce qui peut faire augmenter la production de radicaux libres et accélérer la division cellulaire, deux facteurs qui contribuent à l’inflammation et à l’athérosclérose.
« Nous croyons que cette variante peut assurément faire augmenter l’inflammation. Or, nous savons que l’inflammation joue un rôle dans le diabète et les maladies du cœur », a dit M. Stewart. Fait à noter, cette variante peut également augmenter la résistance de l’organisme aux effets secondaires nuisibles de certains médicaments utilisés en chimiothérapie.
Du point de vue de l’évolution, cet effet protecteur pourrait aider cette variante génétique à occuper une position stable dans le génome humain, a indiqué M. Stewart. De fait, de 13 à 15 pour cent des personnes d’origine européenne la possèdent. « Les cellules neutralisent les substances chimiques nuisibles en les oxydant et en les dégradant. Si les vôtres sont particulièrement efficaces pour oxyder les substances étrangères, il se peut que vous résistiez mieux aux infections ou à l’exposition à des toxines. Par contre, cette réponse inflammatoire accrue peut aussi causer des dommages collatéraux qui auront des effets nuisibles à long terme. » Par exemple, l’inflammation pourrait endommager la paroi des vaisseaux sanguins et ouvrir ainsi la voie à la coronaropathie.
De telles études sur la fonction des gènes continueront d’être une priorité de recherche au Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy. Jusqu’à présent, la recherche a permis d’identifier de nombreux gènes qui contribuent aux maladies du cœur, et l’Institut de cardiologie a joué un rôle dans bon nombre de ces découvertes. Il y a toutefois encore beaucoup de travail à faire pour bien comprendre les processus et mécanismes qui lient ces gènes à la santé cardiovasculaire.
« On savait déjà que les mitochondries contribuent à l’inflammation, a conclu M. Stewart. La nouveauté, c’est que nous avons trouvé un des commutateurs qui régulent ce processus. C’est très réjouissant, car une fois que vous avez trouvé les commutateurs, vous pouvez commencer à chercher des façons de les actionner ou de les désactiver. »