Chacun des 19 lits de cette unité est entouré d’un équipement adapté à chaque situation, allant de moniteurs du rythme cardiaque et de la tension artérielle aux appareils pour administrer les médicaments, sans oublier la machine de dialyse rénale, dont le disque tourne régulièrement à mesure qu’elle élimine les déchets de l’organisme. Dans les cas les plus graves, un tube est inséré dans la bouche du patient pour l’aider à respirer, ou dans son estomac pour le nourrir. Même le lit peut varier d’un patient à l’autre, car certains ont besoin de la chaleur d’un matelas gonflé à l’air chaud. L’USICC dispose de tous les outils et méthodes de pointe nécessaires pour soigner ses patients.
Dans cette dense forêt technologique, il y a des gens partout. Personne n’y reste seul, car l’USICC bourdonne continuellement d’activité. Certains cas demandent plus d’attention que d’autres, mais jour et nuit, des membres du personnel infirmier, des médecins et des techniciens s’affairent autour des patients. Il faut dire que l’équipe de l’USICC y est entièrement dédiée.
« Lorsque vous travaillez à l’USICC, c’est tout ce que vous faites », dit Michael Bourke , M.D., principal fondateur de cette unité. « Vous n’avez pas d’autre tâche. »
C’est une des particularités de fonctionnement à laquelle le Dr Bourke a pensé lorsque l’ancien président-directeur général de l’Institut de cardiologie, Wilbert Keon, lui a parlé de créer une unité de soins intensifs en 1994. Le projet visait à s’adapter à la croissance du nombre d’opérations cardiaques, qui étaient aussi de plus en plus complexes.
« L’opération est un aspect du traitement, mais les soins intensifs qui la suivent sont d’une importance au moins égale, explique le Dr Bourke. L’une ne va pas sans l’autre. »
Pour illustrer son propos, il évoque les débuts de la transplantation cardiaque, intervention réalisée pour la première fois à Ottawa en 1984. À l’époque, on maîtrisait bien les subtilités techniques de l’intervention elle-même, mais il a fallu plus de temps pour raffiner les techniques essentielles de prise en charge postopératoire et ainsi améliorer les résultats pour les patients.
Par exemple, les greffés du cœur souffrent souvent d’hypertension pulmonaire, qui se manifeste par une tension élevée dans les vaisseaux sanguins des poumons. Pour compenser ce problème, le ventricule droit du cœur, plutôt faible à l’état normal, se renforce au fil du temps. Mais si le cœur greffé est exposé sans ménagement à ce stress, le ventricule droit peut avoir de la difficulté à fournir la pression supplémentaire soudainement exigée de lui. Les stratégies de prises en charge de l’USICC permettent maintenant de remédier plus facilement et expertement à la situation. L’Institut de cardiologie, qui a récemment célébré le 30e anniversaire de son programme de transplantation cardiaque, a réalisé 36 transplantations en 2013 – le plus grand nombre à l’échelle canadienne –, exploit assorti d’un taux de survie de 100 p. 100.
L’hypertension pulmonaire n’est qu’un des problèmes pouvant survenir après une intervention chirurgicale. La capacité de s’attaquer à de tels problèmes et de trouver des solutions qui peuvent montrer la voie à d’autres établissements est aujourd’hui une caractéristique distinctive de l’USICC. Le Dr Bourke dirait que dans une unité de soins intensifs où le personnel change constamment, même si les résultats obtenus sont bons, il ne peut y avoir la même cohésion entre les équipes que dans un groupe qui travaille toujours ensemble. Cela peut sembler paradoxal, mais l’autonomie de l’USICC est ce qui en fait un excellent partenaire chirurgical.
« L’interdépendance sans distraction, confirme le Dr Bourke. Ce sont des conditions propices au perfectionnement et au changement. »
Une partie de ce perfectionnement passe par la consignation de chaque détail du séjour des patients de l’USICC, une masse d’information incomparable. « Nous avons des données détaillées sur les soins préopératoires, la surveillance peropératoire et les soins intensifs associés à chacune de nos opérations cardiaques, indique le Dr Bourque, ajoutant que 20 ans de données représentent environ 20 000 patients. « Nous sommes capables d’examiner nos soins d’un point de vue scientifique, administratif ou de recherche. » L’équipe est aussi en mesure de contrôler continuellement ces données et de les interroger de différentes façons pour améliorer les soins d’une myriade de façons.
Mais la priorité immédiate demeure le patient lui-même. Pour Bernard McDonald , M.D., Ph.D., directeur actuel de l’USICC, la communication est une question centrale.
« Nous rencontrons ces patients et leur famille pour la première fois dans des circonstances très intenses, explique-t-il. Ils veulent que nous leur donnions l’heure juste, que nous soyons francs. La plupart du temps, les décisions se prennent ensemble. Nous connaissons le côté médical. Eux connaissent les volontés du patient et leurs objectifs pour la chirurgie. En mettant ces deux aspects ensemble, vous obtenez une voie à suivre pour le rétablissement du patient. »
Une fois cette voie dégagée, encore faut-il manœuvrer pour se rendre à bon port, et c’est ce que Gloria Prendergast, facilitatrice de soins et infirmière gestionnaire par intérim, aime dans le tourbillon d’activité de l’USICC. Elle apprécie tout particulièrement la solide culture de travail d’équipe qui permet de répondre aisément à des besoins médicaux qu’on aurait jugés écrasants et pratiquement impossibles à combler il y a quelques décennies.
« Nous vivons tous plus longtemps qu’avant », dit-elle, ajoutant qu’on voit maintenant des cas de maladie du cœur à des stades qui auraient été considérés comme rares ou jamais vus dans le passé. « Nous traitons des cas plus difficiles. » De plus, les patients ont souvent d’autres maladies qui viennent compliquer la donne. Le diabète, l’obésité et les maladies rénales sont autant de facteurs aggravants fréquents qu’il faut gérer alors même que la personne se remet de son opération, ce qui peut considérablement compliquer les soins prodigués à l’USICC.
Dans ce contexte, on ne vise pas simplement la survie, mais bien la qualité de vie. Une notion, précise Mme Prendergast, qui varie beaucoup d’une personne à l’autre. Certains veulent simplement vivre pour connaître un petit-enfant à naître, tandis que d’autres prévoient reprendre un mode de vie actif. L’équipe de l’USICC peut prendre la mesure de ces différences quand d’anciens patients reviennent la voir, ce qui arrive fréquemment.
« Parfois, on les reconnaît à peine tellement ils ont l’air mieux », note Mme Prendergast. Les patients ont souvent très hâte d’exprimer leur gratitude à l’équipe qui, selon toute vraisemblance, leur a sauvé la vie.
De telles visites font des merveilles pour le moral de l’équipe, dit le Dr Bourke : « Ces patients n’en ont peut-être pas conscience, mais c’est important pour l’équipe, qui ressort encore plus forte de ces visites. »
Ces heureuses retrouvailles nous rappellent aussi que l’USICC n’est pas juste un endroit où on se rétablit d’une importante intervention médicale, mais aussi un lieu de soins actifs où le patient complète son retour à la santé.
« Vous ne faites pas qu’observer les changements dans l’état du patient, vous les provoquez, conclut le Dr Bourke. Vous n’êtes pas sur le siège du passager : vous êtes le pilote de l’avion. »