Dans l’ensemble, nous comprenons les facteurs de risque de la crise cardiaque, qui incluent l’hypercholestérolémie, l’hypertension, le diabète, l’usage du tabac et les antécédents familiaux. Nous savons aussi qu’une crise cardiaque survient quand la plaque accumulée sur la paroi des artères coronaires se rompt et va bloquer un vaisseau sanguin. Ce qui est moins clair, c’est le mécanisme particulier qui déclenche la rupture de la plaque en premier lieu.
Des chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), dirigés par Alexandre Stewart , Ph. D., ont découvert un lien intrigant entre la crise cardiaque et une protéine qui suscite grandement l’intérêt des sociétés pharmaceutiques en raison de sa grande incidence sur les taux de cholestérol.
L’équipe a découvert que les taux de protéine PCSK9 étaient élevés dans le sang des patients qui sont victimes d’une crise cardiaque aiguë, mais pas dans celui des patients qui n’ont jamais eu de crise cardiaque ou qui ont récupéré après en avoir subi une. Les résultats ont été reproduits dans deux groupes distincts de patients qui avaient tous une maladie coronarienne, mais ne prenaient pas de médicaments hypocholestérolémiants du groupe des statines.
Publiés le 2 septembre dans la revue PLOS One, les résultats amènent une importante question : « Les taux de PCSK9 s’élèvent-ils juste avant la venue de la crise cardiaque? », demande M. Stewart, chercheur principal au Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy . « Une élévation des taux qui survient seulement après suggérerait un effet secondaire de la crise cardiaque. Mais s’ils montent avant, cela pourrait indiquer qu’ils déclenchent l’événement, ou qu’ils l’aggravent. Pour l’instant, la question du lien de cause à effet demeure, nous n’avons pas encore la réponse. »
La communauté médicale et les sociétés pharmaceutiques ont déjà manifesté un vif intérêt à l’égard de la protéine PCSK9 et de ses effets sur le cholestérol LDL. La protéine PCSK9 augmente les taux de cholestérol LDL dans le sang en réduisant la capacité des cellules hépatiques à le retirer de la circulation et à le détruire. Les recherches montrent que le blocage des effets de la PCSK9 offre de nouvelles possibilités pour abaisser le cholestérol LDL de manière importante.
Plusieurs sociétés pharmaceutiques ont beaucoup investi dans des médicaments destinés à bloquer la PCSK9. On estime que le marché potentiel se chiffre en milliards de dollars, car ces médicaments abaissent le cholestérol selon un mode opératoire indépendant des statines largement prescrites. Au stade des premiers essais cliniques, ces nouveaux médicaments se sont montrés efficaces pour réduire les taux de cholestérol LDL. Divers essais de stade 3 sont prévus ou sont déjà en cours.
Une recherche antérieure a montré que les porteurs de variations génétiques engendrant des taux de PCSK9 inférieurs à la normale sont nettement moins à risque de crise cardiaque – plus de 90 p. 100 moins que la normale. Cette baisse est nettement plus importante que ce que l’on pourrait espérer si les protéines affectaient uniquement les taux de cholestérol LDL.
« Je ne pense pas que ce soit une protéine à fonction unique. Elle a probablement bien d’autres rôles dans l’organisme », affirme M. Stewart. Des études ont montré que les personnes qui souffrent de graves maladies des gencives ont des taux élevés de PCSK9, un fait pertinent quand on sait que la maladie des gencives est associée à un risque accru de crise cardiaque. On associe également des taux élevés de PCSK9 aux infections et à la sepsie, une réponse inflammatoire systémique excessive face à une infection. Là encore, explique M. Stewart, le risque de crise cardiaque est plus élevé chez les personnes qui souffrent d’une infection aiguë.
Des chercheurs du Centre Ruddy ont d’abord identifié le lien entre la protéine PCSK9 et les crises cardiaques en utilisant des échantillons de sang prélevés chez des patients enrôlés dans l’étude de génomique de l’ICUO. Puis, ils ont confirmé ces résultats avec un groupe de patients de l’Université Emory d’Atlanta, en Géorgie. Là encore, ils ont observé une élévation des taux de PCSK9 dans les échantillons prélevés chez des patients au moment de la crise cardiaque aiguë, mais pas dans les échantillons des patients qui ont des antécédents de crise cardiaque ou qui sont atteints d’une maladie coronarienne, mais n’ont jamais été victimes d’une crise cardiaque.
« Si des taux plasmatiques élevés de PCSK9 présentent des risques autres que les effets sur le cholestérol LDL, il peut y avoir d’autres avantages à abaisser la PCSK9 plasmatique chez les patients qui sont traités avec des statines », affirment les auteurs de l’étude. « Je pense qu’abaisser le taux de PCSK9 est probablement une bonne chose, ajoute M. Stewart. Mais, quand vous développez de nouveaux médicaments, il est important de connaître tous leurs effets potentiels. »
« La question cruciale est la suivante : est-ce que les taux de PCSK9 augmentent peu avant une crise cardiaque ou ils en sont une conséquence? », demande-t-il en terminant.
L’étude idéale qui répondrait à cette question consisterait à prélever un premier échantillon de sang chez les patients immédiatement après leur admission à l’hôpital, puis régulièrement à un intervalle de quelques heures pendant plusieurs jours pour voir si les taux diminuent ou continuent d’augmenter. Cependant, une telle étude serait difficile à réaliser au Canada, car la norme de soins pour les patients victimes d’une crise cardiaque consiste à entreprendre un traitement par statines immédiatement après leur admission, et ce traitement aux statines pourrait interférer avec les mesures de PCSK9.
Heureusement, une étude clinique similaire est en cours en Europe , et ses résultats pourraient aider à mieux comprendre la relation entre la protéine PCSK9 et la crise cardiaque, qu’elle en soit un déclencheur ou une conséquence.