En avril de cette année, l’Institut de cardio-logie de l’Université d’Ottawa a accueilli dans ses rangs un nouveau chirurgien qui s’intéresse à de nouveaux concepts et technologies susceptibles d’améliorer les résultats pour les patients. Ayant traversé l’Atlantique en provenance de la Clinique Saint-Luc à Namur, en Belgique, David Glineur, M.D., Ph.D., est un spécialiste reconnu internationalement dans deux domaines de pratique émergents : la chirurgie cardiaque robotisée et l’utilisation d’un outil analytique, d’usage répandu en cardiologie, pour améliorer les pontages aortocoronariens.
La chirurgie cardiaque assistée
Les robots utilisés en chirurgie cardiaque donnent enfin leur pleine mesure. Après un début difficile à la fin des années 1990, alors que l’engouement dépassait largement les capacités de la technologie, le matériel et le logiciel ont fait des progrès substantiels. Selon le Dr Glineur, l’équipement de chirurgie robotisée d’aujourd’hui, arrivée à sa quatrième génération, a un véritable potentiel de transformation.
Il y a environ cinq ans, après avoir constaté que la technologie avait bien progressé, il a entrepris une formation intensive en chirurgie robotisée, se concentrant particulièrement sur la réparation de la valvule mitrale à effraction minimale.
« Le principal avantage du robot, c’est qu’il diminue le traumatisme chirurgical, explique-t-il. Vous passez d’une sternotomie complète (thorax ouvert) à quatre petits trous d’à peine un centimètre de long chacun. Vous pouvez reconstruire une valvule de même qualité qu’avec une intervention ouverte, sauf que le patient peut reprendre ses activités normales après trois semaines. »
La présente génération de robots offre des outils plus petits, une visualisation 3D (qui permet aux chirurgiens de voir où ils sont dans le cœur) et un bras spécialisé pour faire pivoter le cœur ou le tenir immobile comme cela se fait lors d’une opération à cœur ouvert. Grâce à cette fonction, le robot peut aussi être utilisé pour pratiquer des pontages aortocoronariens à effraction minimale. L’Institut de cardiologie a d’ailleurs été un pionnier en matière de techniques à effraction minimale manuelles.
La technique chirurgicale assistée par un robot permet une plus grande précision avec un minimum de traumatisme pour le patient; toutefois, la technique requiert une formation approfondie pour que les chirurgiens maîtrisent l’interface robotique et s’adaptent au manque de sensations tactiles auxquelles ils se fient habituellement lors d’interventions manuelles. Le Dr Glineur a suivi des centaines d’heures de formation avant de pratiquer sa première réparation de valvule mitrale avec le robot.
La chirurgie robotisée ne remplacera pas toutes les interventions manuelles, précise toutefois le Dr Glineur, parce que l’état des patients diffère et appelle différentes stratégies chirurgicales. « La chirurgie robotisée n’est pas faite pour tout le monde; par exemple, elle ne convient pas aux patients qui ont une calcification de la valve aortique. Le robot est juste un autre excellent outil de notre arsenal d’options pour les patients. »
La Fondation de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa mène actuellement une campagne pour amasser des fonds pour le premier robot chirurgical de l’Institut de cardiologie.
S’inspirer de l’art de la cardiologie
Les patients qui sont candidats à un pontage aortocoronarien ont généralement un ou plusieurs blocages dans les artères qui transportent le sang au muscle cardiaque. Souvent, ces blocages n’arrêtent pas complètement la circulation du sang. La fraction du flux de réserve (FFR) est une méthode standard utilisée pour mesurer avec précision le débit restant, mais les chirurgiens l’utilisent rarement.
« Pendant 50 ans, les chirurgiens ont évalué la gravité de la sténose (blocage) à l’œil, explique le Dr Glineur. Pourtant, la fraction du flux de réserve est le seul outil qui peut nous dire avec une grande précision quelle est la véritable gravité d’une sténose coronarienne. »
Largement utilisée depuis une décennie en cardiologie interventionnelle à l’Institut de cardiologie, la FFR aide les médecins à déterminer si une artère qui se révèle bloquée à l’angiographie nécessite véritablement la pose d’une endoprothèse. La mesure se prend à l’aide d’un minuscule capteur à pression inséré dans l’artère bloquée. La pression est mesurée des deux côtés du blocage, et le ratio de ces pressions indique le débit sanguin encore présent dans l’artère. « Bien que l’angiographie fournisse une représentation visuelle, ce qu’on voit du blocage n’est qu’une approximation de la réduction du débit sanguin », explique le Dr Glineur.
Pourquoi les chirurgiens ont-ils besoin de connaître l’étendue d’un blocage coronarien s’ils prévoient le contourner? La réponse tient au fait qu’aujourd’hui, ils préfèrent utiliser des artères plutôt que des veines comme greffons de contournement, en particulier chez les patients qui ont moins de 70 ans au moment de l’intervention.
« Si vous utilisez une veine, un an après l’intervention, 20 % de la veine sera obstruée. Après 10 ans, c’est 50 % de la veine qui sera obstruée, et 50 % sera très atteinte. Ainsi, après 10 ans, si vous n’avez utilisé que des veines pour le pontage, le patient devra subir une nouvelle intervention », explique le Dr Glineur.
« À l’inverse, si vous utilisez seulement des artères, après 10 ans ce ne sont que 10 % des patients qui devront être réopérés. Nous essayons donc d’utiliser le plus possible des greffons artériels afin de diminuer le taux de réinterventions à long terme », ajoute-t-il. De plus, on observe une meilleure survie à long terme chez les patients dont les pontages sont faits de greffons artériels.
Le problème, c’est que le débit résiduel dans une artère partiellement obstruée peut avoir des répercussions négatives sur l’efficacité d’un greffon artériel. Les veines sont fondamentalement des tubes simples. Le sang les traverse sans résistance. En revanche, les artères sont des organes complexes et réactifs qui se dilatent et se contractent pour aider à réguler la tension artérielle. En raison de cette réactivité, quand une artère saine est greffée pour contourner un blocage partiel, le débit résiduel lui fait concurrence et interfère avec le débit du greffon quand le sang afflue suivant les battements de cœur. Cela peut compromettre l’apport de sang au muscle cardiaque.
Les recherches du Dr Glineur ont montré que les chirurgiens peuvent utiliser la FFR pour déterminer à quel endroit placer le greffon artériel pour minimiser ce débit concurrent. Dans certains cas, la FFR révélera qu’un greffon artériel n’est pas le meilleur choix pour l’emplacement choisi et qu’une veine devrait être utilisée.
« C’est un concept totalement nouveau en chirurgie coronarienne, dit-il. Je suis vraiment enchanté à l’idée de travailler en étroite collaboration avec l’équipe de cardiologie interventionnelle, ici à l’Institut de cardiologie, qui a une expertise internationale dans l’évaluation de la sténose coronarienne. »