Une personne sur huit ignore qu’elle est prédiabétique et en voie de devenir diabétique, ce qui représente près de 3,5 millions d’adultes canadiens. Tant le prédiabète que le diabète sont d’importants facteurs de risque de la maladie du cœur.
Ces observations publiées récemment dans l’American Journal of Preventive Medicine (AJPM) ne surprennent guère Kim Twyman, infirmière de pratique avancée et spécialiste du diabète à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Près de 40 % des patients traités à l’Institut ont des antécédents de diabète.
« Dans l’ensemble, environ 60 % des patients qui se font hospitaliser à l’Institut ont une glycémie élevée, dit-elle. Parmi eux, 20 % apprennent qu’ils sont prédiabétiques après le test de dépistage. Un autre 20 % reçoit un diagnostic de diabète de type 2. »
Il est évident que beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles sont prédiabétiques. La clientèle de l’Institut étant déjà à risque, il est toutefois normal que la proportion de patients prédiabétiques qui s’ignorent dépasse les pourcentages consignés dans l’AJPM.
« J’ai vu une femme l’autre jour qui ne savait pas qu’elle était diabétique. Elle était atteinte de diabète de type 2. Son taux de cholestérol était parfait, mais elle avait fait une crise cardiaque », dit Mme Twyman.
Et c’est en partie là où le bât blesse. Les gens ne savent pas à quel point la glycémie peut contribuer à la maladie du cœur, indépendamment d’autres facteurs de risque comme un taux de cholestérol élevé.
Les personnes qui reçoivent un diagnostic de diabète de type 2 à l’Institut obtiennent un rendez-vous avec un endocrinologue de la Clinique du diabète, elle-même le fruit d’un partenariat avec la Division d’endocrinologie et du métabolisme de L’Hôpital d’Ottawa. L’équipe multidisciplinaire de la clinique fait appel à un vaste éventail d’experts — cardiologues, endocrinologue, éducateur en diabète, diététistes, spécialistes de la réadaptation, partenaires en éducation communautaire — pour fournir les soins complexes qui conviennent le mieux aux personnes diabétiques.
« Le contrôle de la glycémie est primordial, et c’est ce qui explique notre approche énergique, dit Amel Arnaout, M.D., l’endocrinologue de la clinique. En plus d’être un important facteur de risque cardiovasculaire, le diabète aggrave la situation quand la maladie du cœur est déjà présente. Les personnes diabétiques sont touchées plus durement par les complications cardiaques. Elles présentent un risque accru de mortalité à court et à long terme, et leurs troubles cardiaques ont plus souvent tendance à s’aggraver et à s’accompagner de complications. »
Les patients qu’on découvre prédiabétiques sont aiguillés vers des programmes d’éducation sur le diabète offerts près de chez eux. Une fois qu’ils se savent à risque, la plupart d’entre eux veulent savoir ce qu’ils doivent changer dans leurs habitudes de vie pour éviter d’avoir le diabète, note Mme Twyman : « Pour la majorité, le fait d’avoir subi une crise cardiaque a sonné l’alarme. »
L’Institut de cardiologie utilise le test d’hémoglobine A1c (hémoglobine glyquée) pour le dépistage régulier du diabète chez ses patients. Ce test donne un meilleur aperçu de la métabolisation du glucose (sucre) que les analyses courantes consistant à mesurer la glycémie du patient à jeun depuis 10 ou 12 heures.
« Le test d’hémoglobine A1c permet de déterminer la quantité de glucose dans laquelle les globules rouges baignent depuis un certain temps », explique Mme Twyman. Les analyses de glycémie à jeun, elles, ne donnent qu’un aperçu de la glycémie à un certain moment dans le temps.
Pourquoi le prédiabète est-il nocif pour le cœur? Le lien entre la maladie du cœur et l’hyperglycémie a été clairement établi. Comme un taux de glucose élevé tend à épaissir le sang, le cœur travaille plus fort pour le pomper vers les vaisseaux sanguins, explique-t-elle.
La viscosité du sang impose un stress mécanique aux artères, dont les parois deviennent inégales et plus réceptives aux dépôts graisseux. Les couches de dépôts s’accumulent au fil du temps, jusqu’à créer les blocages caractéristiques d’une coronaropathie, dit le Dr Arnaout. L’hyperglycémie provoque également une réaction inflammatoire qui endommage à son tour la paroi des artères.
C’est en détectant et en traitant rapidement l’hyperglycémie qu’on obtient les meilleurs résultats, explique Richard Davies, M.D., cardiologue à l’Institut. À eux seuls, les changements alimentaires peuvent avoir un impact considérable tant sur la prévention du diabète chez les patients prédiabétiques que sur l’état de santé des patients déjà diabétiques, explique-t-il.
« J’insiste énormément sur l’alimentation auprès de mes patients diabétiques. Je leur dis de se considérer comme étant intolérants aux glucides et de limiter leur consommation d’aliments qui en contiennent », poursuit-il.
Lorsqu’il parle d’« intolérance aux glucides », le Dr Davies fait référence au fait que les personnes hyperglycémiques ne métabolisent pas les glucides efficacement. Le glucose reste donc plus longtemps dans le sang. « Comme la capacité de l’organisme de stocker le glucose est très faible, l’hyperglycémie est en général directement liée aux aliments ingérés pendant les 12 dernières heures », dit-il.
L’âge et l’embonpoint ont tendance à réduire la capacité de l’organisme de métaboliser les glucides. Conjuguée à des changements alimentaires et à de l’exercice modéré, une perte de poids de seulement 5 % réduira le risque de diabète de type 2.
La sélection d’aliments à indice glycémique (IG) faible et la réduction des glucides sont des mesures essentielles pour améliorer la glycémie. L’index glycémique consiste en une échelle de 0 à 100 qui permet de classer les aliments selon l’effet qu’ils ont sur la glycémie. Comme les aliments à faible IG (55 et moins) sont digérés plus lentement, ils entraînent une hausse plus lente et graduelle du taux sanguin de glucose et, partant, du taux sanguin d’insuline. À l’opposé, les aliments à IG élevé font davantage augmenter la glycémie.
Les études ont démontré que les régimes à faible IG ont aussi une influence favorable sur le taux de lipides et le contrôle du poids, car ils réfrènent l’appétit et retardent la faim. Ces régimes réduisent aussi le taux sanguin d’insuline et la résistance à l’insuline, deux atouts dans la lutte contre la maladie du cœur. En général, on recommande d’éviter des aliments comme le pain, les pâtes, les pommes de terre et le riz.
Enfin, bien que l’exercice soit important, indique le Dr Davies, il ne peut à lui seul corriger les effets d’une mauvaise alimentation.