Il y a à peine plus de 10 ans, des chercheurs réussissaient à séquencer l’intégralité du génome humain. Mais cet exploit allait donner lieu à un défi encore plus grand. Il s’avère en effet que la fameuse molécule d’ADN ne compte que quelque 20 000 gènes, un nombre qui peut paraître considérable, mais qui n’explique en aucun cas les innombrables caractéristiques individuelles qui font de nous des êtres tout à fait uniques.
Il est ainsi devenu évident que si les gènes déterminent la façon dont notre organisme se développe et réagit, ils ne sont que l’élément le plus visible d’un ensemble complexe de mécanismes biochimiques qui déterminent leur fonction. Un sous-groupe d’acide ribonucléique (ARN), les « microARN », comptent parmi les mécanismes les plus intéressants à étudier. Il appert que ces protéines exercent de nombreuses fonctions essentielles, ce qui fait d’elles une nouvelle piste thérapeutique.
L’exemple préféré de Katey Rayner, Ph. D., se nomme « microARN33 ». À titre de directrice du Laboratoire des microARN cardiométaboliques de l’ICUO, elle s’est penchée sur l’important rôle des microARN33 dans la régulation des lipoprotéines de haute densité (HDL), le « bon » cholestérol qui favorise l’élimination des molécules de gras potentiellement dommageables pour l’appareil circulatoire.
« Nous nous sommes tout de suite demandé si nous pouvions modifier les microARN33 pour générer une élévation du taux de bon cholestérol », explique Katey Rayner, en laissant supposer que cette stratégie pourrait contrer bien des problèmes cardiaques associés à une mauvaise alimentation.
Une analyse approfondie a toutefois permis de constater très clairement que les microARN33 ne régulent pas seulement le HDL. « Ils régulent de multiples formes d’énergie, mais également la façon dont les cellules inflammatoires utilisent l’énergie », précise-t-elle.
En fait, l’accumulation de plaque sur les parois des vaisseaux sanguins à l’origine des coronaropathies correspond à une forme d’inflammation, un processus qui requiert de l’énergie pour se maintenir. Katey Rayner a remarqué que notre alimentation est beaucoup plus énergétique qu’il y a quelques décennies, pas la peine de reculer de plusieurs millénaires. Si les microARN sont les principaux médiateurs de cet excès énergétique, ils pourraient également jouer un rôle stratégique en ce qui a trait à la maladie du cœur.
« Le processus inflammatoire ressemble beaucoup au cancer, explique-t-elle. Les cellules cancéreuses détournent l’apport énergétique de notre organisme. Elles prennent l’énergie là où elle se trouve dans les cellules sanguines, dans le glucose, peu importe l’endroit. Les cellules inflammatoires se comportent de manière comparable, et ce sont elles qui interviennent principalement dans maladie du cœur. »
Le laboratoire dirigé par Katey Rayner a travaillé en étroite collaboration avec la société Regulus Therapeutics, située à San Diego, laquelle a mis au point un produit visant à inhiber l’action des microARN33. Celle collaboration en est presque au stade d’essais cliniques visant à déterminer si ce produit peut freiner les processus de transfert d’énergie à l’origine de la maladie du cœur, et ce, sans compromettre les fonctions essentielles de l’organisme.
« En ce qui a trait aux microARN, le plus grand défi réside dans le fait qu’ils ont des fonctions très variées, déclare-t-elle. Leur évolution les a conduits à réguler de multiples activités en empruntant la même voie. »
En compagnie d’un chercheur-boursier de niveau postdoctoral, Katey Rayner a présenté les résultats de ces travaux dans le cadre des séances scientifiques de l’AHA, à Dallas, en novembre 2013. Elle décrit l’événement comme une plaque tournante des découvertes récentes les plus inspirantes dans le domaine et avoue être honorée d’avoir été invitée à une présentation aussi prestigieuse.
Mais elle s’attend aussi à recevoir certaines critiques liées au fait que ce domaine de la recherche n’en est qu’à ces balbutiements et que la compréhension des microARN33 est loin d’être complète.
« La complexité des microARN est parfois effrayante, admet-elle, mais comme nous en savons déjà tellement sur la biologie de la maladie du cœur, la recherche de mécanismes de régulation encore inconnus nous guide. Nous essayons de trouver certains morceaux du casse-tête. »