Si vous vous souvenez, dans le film Rapport minoritaire, les policiers étaient capables de repérer les meurtriers avant même que le crime ne soit commis, et donc, de le prévenir. Faire la même chose pour les crises cardiaques constituerait une avancée majeure en cardiologie. Ne serait-il pas fabuleux de savoir qui est à risque de prochainement subir une crise cardiaque – et de pouvoir prévenir le pire?
Une crise cardiaque se produit lorsque la plaque accumulée sur la paroi d’une artère coronaire se recouvre d’une surface rigide qui craque et se rompt. Un caillot de sang se forme à l’endroit de la rupture et finit par obstruer le flux sanguin, ce qui prive le cœur d’oxygène.
Les gens ont très souvent de la plaque dans les artères. Le problème, c’est que ces plaques n’agissent pas toujours de la même manière. Certaines plaques peuvent rester en place indéfiniment, sans jamais causer de problème. Il s’agit alors de plaques stables. Toutefois, d’autres plaques deviennent instables et peuvent causer des crises cardiaques. Mais comment détecter ces plaques à risque avant qu’elles ne se rompent?
« C’est une énigme depuis longtemps... Pourquoi certaines plaques se rompent et d’autres demeurent stables? », demande la chercheuse de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Katey Rayner, Ph. D.
L’équipe de Katey Rayner a trouvé une réponse à cette fameuse énigme. Et elle pourrait être utile non seulement pour repérer les individus à risque élevé, mais aussi pour repérer l’endroit spécifique dans leurs artères qui pourrait être à la source d’une crise cardiaque. L'équipe a trouvé une façon de différencier les plaques vulnérables des plaques stables grâce à l’imagerie cardiaque, une méthode non effractive. Ses recherches ont été publiées dans Science Advances.
Les chercheurs savaient déjà que ces plaques dites vulnérables contenaient des amas de cellules mortes. Toutefois, on en savait que très peu sur les mécanismes qui causaient la mort de ces cellules. Il n’existait aucune façon de déterminer quelles plaques contenaient des amas de cellules mortes.
« Pouvoir détecter les plaques avant qu’elles ne rompent et finissent par provoquer des crises cardiaques, c’est un peu le Saint-Graal des spécialistes la maladie coronarienne », a déclaré Katey Rayner.
Une autre pièce du puzzle a été trouvée il y a environ six ans, lorsque des chercheurs belges ont découvert que certaines cellules du corps humain entamaient un processus de mort cellulaire appelé néctroptose, un processus différent de la façon dont les cellules meurent habituellement dans le corps humain, car il provoque de l’inflammation.
C’est en se basant sur cette découverte que les chercheurs de l’Institut de cardiologie ont étudié les amas de cellules mortes et mourantes dans la plaque et ont découvert que celles-ci subissaient ce processus de nécroptose.
Ils ont découvert qu’il n’y avait des processus actifs de nécroptose seulement dans les lésions vulnérables et que les noyaux nécrotiques étaient actifs chez les personnes atteintes d’athérosclérose avancée. Ces découvertes ont ouvert la porte à de nouvelles façons de diagnostiquer et de traiter les maladies vasculaires.
La nécroptose entraîne de l’inflammation. Les cellules de la plaque évoluent dans un environnement qui leur est hostile et elles réagissent en causant davantage d’inflammation, ce qui enclenche une mort cellulaire programmée. Lorsqu’un bon nombre de cellules meurent, la plaque devient instable. Autrement dit, la nécroptose explique pourquoi la plaque devient vulnérable.
« Nos travaux sont les premiers à démontrer que l’expression de la voie nécroptotique est augmentée chez les humains atteints de maladies vasculaires », a affirmé Katey Rayner.
La question qui s’imposait ensuite était évidemment : comment utiliser ces découvertes pour aider concrètement les patients?
« Nous voulions savoir s’il était possible de visualiser ce processus de nécroptose. Si c’était possible, la technique pourrait être utilisée pour déterminer quels patients devaient être traités de façon plus urgente », a-t-elle expliqué. Ces travaux en sont toujours à la phase de recherche, mais présentent de belles possibilités pour déterminer les patients qui sont le plus à risque de subir une crise cardiaque ou un AVC et ultimement, prévenir un accident cardiovasculaire.
La prochaine étape de la recherche consistait à avoir recours à des techniques d’imagerie moléculaire pour mieux comprendre ce qui se passait dans la plaque qui contenait des cellules qui suivaient un processus de nécroptose. Avec l’imagerie moléculaire, un traceur chimique conçu pour repérer et se lier à certains types de cellules est utilisé. Ce traceur apparaît comme de brillantes lumières dans les images produites et aide les chercheurs à analyser ce qui se passe dans ces échantillons de tissus.
Tout cela a été possible grâce à l’excellent département d’imagerie moléculaire de l’Institut de cardiologie. « Nous n’y aurions jamais pensé si ce n’était de la proximité de nos voisins qui sont des spécialistes de l’imagerie moléculaire », a indiqué Katey Rayner.
Un traceur radioactif attaché à un composé appelé NEC-1, qui se lie aux cellules nécrotiques, a été utilisé. Les images produites à partir de tissus de souris ont clairement mis en évidence les plaques instables.
Fait plutôt intrigant, en plus de montrer où se produit la nécroptose dans la plaque, NEC-1 arrête l’activité et stabilise les cellules. Ainsi, la possibilité de développer un « théragnostic » (un composé qui agit tant comme outil diagnostique que comme agent thérapeutique) est bien réelle. Toutefois, il y a encore beaucoup de chemin à faire : les doses nécessaires au diagnostic et pour le traitement sont très différentes et posent certains risques.
La prochaine étape? Améliorer le traceur et s’assurer de son innocuité chez l’humain. Un jour, ces travaux pourront probablement mener à des façons de repérer la plaque vulnérable pour pouvoir amorcer un traitement précoce chez les patients à risque et ainsi éviter des crises cardiaques ou des AVC.