L’usage du tabac double les risques d’avoir une maladie cardiaque : il n’est donc pas étonnant que plus de 60 % des fumeurs souhaitent cesser de fumer. Bon an mal an, près de la moitié des fumeurs canadiens tentent d’écraser pour de bon. Malheureusement, faute de soutien adéquat, la plupart échouent : à peine 5 % réussissent à demeurer non-fumeurs après douze mois.
Il y a toutefois de l’espoir. « Avec des traitements adéquats, on peut quadrupler, quintupler, voire sextupler les taux d’abandon du tabac », explique Robert Reid, Ph. D., chef adjoint de la Division de prévention et de réadaptation de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). « On peut intervenir auprès des fumeurs et leur offrir de nouveaux traitements dont on aurait intérêt à profiter davantage », ajoute-t-il.
Afin de souligner les dernières avancées en matière d’aide à l’abandon du tabac, et de déboulonner certains mythes qui empêchent parfois les médecins d’offrir les outils les plus efficaces à leurs patients, Robert Reid et ses collègues de l’ICUO ont récemment publié une analyse des traitements du tabagisme dans le Journal de l’Association médicale canadienne, une première depuis plus d’une décennie.
Ils y ont notamment abordé les sujets suivants :
- Efficacité : Aucun traitement isolé n’est aussi efficace que plusieurs traitements combinés. Par exemple, la combinaison de timbres à la nicotine avec des gommes, des pastilles, un inhalateur ou un vaporisateur buccal s’avère plus efficace que n’importe quel produit de substitution de la nicotine (TSN) pris isolément. Le médicament antitabagique varénicline (Chantix®) est plus efficace en combinaison avec des timbres à la nicotine que sans timbres.
- Innocuité : Contrairement à ce que laissaient entendre certaines préoccupations antérieures, une étude récente de grande envergure a démontré que la varénicline n’augmente pas les risques de suicide, de dépression ou de troubles mentaux. La TSN est sûre et efficace pour les patients qui souffrent d’une maladie du cœur.
- Objectifs : Bien qu’ils ne soient pas toujours prêts à cesser de fumer, plusieurs fumeurs souhaitent réduire leur consommation de tabac, comme un premier pas vers l’abandon ou comme objectif en soi. Plusieurs traitements antitabagiques peuvent aider les patients à réduire leur consommation de tabac.
Les auteurs soulignent qu’il faut implanter des mécanismes efficaces dans l’ensemble du système de santé « afin de s’assurer d’identifier tous les fumeurs et de leur offrir de l’aide dès qu’on entre en contact avec eux », explique Robert Reid. « On sait tous que cesser de fumer est une bonne chose, mais les cliniciens n’intègrent pas toujours cette notion de façon systématique dans leur pratique courante. Plusieurs obstacles expliquent cela, dont la concurrence des priorités médicales lors des visites et la nécessité de savoir quoi offrir aux patients pour les aider à cesser de fumer », précise-t-il.
« Les fumeurs n’ont pas besoin qu’on leur répète pourquoi le tabagisme est néfaste. Ce qu’il leur faut, c’est de l’aide pour cesser de fumer », ajoute Andrew Pipe, MD, directeur de la Division de prévention et de réadaptation de l’ICUO, dans un fichier balado qui accompagne l’article publié dans le JAMC.
« Souvent, les médecins pensent qu’ils n’ont qu’à répéter les mille et un effets néfastes du tabagisme pour que les fumeurs allument et décident de changer leurs habitudes du jour au lendemain, ajoute Robert Reid. Mais la cigarette est un produit élaboré pour créer une dépendance. La plupart des gens ne fument pas par choix, mais par compulsion ou dépendance, surtout s’ils fument depuis longtemps. »
Selon Robert Reid, on doit informer les médecins sur les traitements qui fonctionnent, mais cela ne suffit pas à les amener à modifier leurs pratiques cliniques. Il faut donc modifier l’approche dans son ensemble, « afin que les médecins puissent facilement intervenir auprès des fumeurs dès qu’ils entrent en contact avec eux. Ils doivent avoir de la documentation à portée de main, des rappels et aide-mémoire dans leur environnement et dans les dossiers médicaux électroniques, et un accès facile à des services de suivi, explique-t-il. À ce sujet, le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac, un programme axé sur la modification des pratiques, célèbre cette année 10 ans de partenariat avec des hôpitaux de la région (voir l’encadré).
« De nos jours, les maladies chroniques les plus courantes au pays sont les maladies cardiovasculaires et les AVC, et le tabagisme en constitue un facteur causal, comme c’est aussi le cas avec plusieurs types de cancers et de maladies respiratoires, ajoute Robert Reid. Le tabagisme est la cause d’hospitalisation la plus facile à prévenir; il est donc tout simplement logique de s’attaquer à ce qui cause tant de maux et d’hospitalisations. »
Le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac célèbre 10 ans de partenariat
Développé en 2002 par des spécialistes de l’abandon du tabac de l’ICUO, le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac (MOAT) est un programme qui permet d’intégrer aux soins courants l’identification, le traitement et le suivi systématique des fumeurs. Depuis 2006, l’ICUO a aidé divers établissements hospitaliers, de consultation externe et de soins primaires à adopter le MOAT.
Depuis la mise en œuvre de ce partenariat, le MOAT a permis à 100 000 fumeurs de bénéficier d’un traitement de la dépendance tabagique factuel et personnalisé, rehaussant ainsi le nombre de tentatives d’abandon et d’abandons à long terme. Grâce au soutien du MOAT, environ 25 000 fumeurs ont réussi à cesser de fumer. À l’heure actuelle, le programme est en vigueur dans plus de 350 établissements partenaires au Canada.