Médecine individualisée, médecine personnalisée, soins sur mesure, médecine de précision — ces termes accrocheurs sont tous utilisés depuis dix ans pour décrire des visions similaires d’un changement fondamental qui s’impose dans la façon de prodiguer les soins de santé. Le but est essentiellement de mettre de côté les protocoles généraux pour adapter le traitement à la situation de chaque patient.
Dans son discours liminaire pour la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, le Dr John Spertus, du St. Luke’s Mid America Heart Institute de Kansas City, a posé la question dans les termes suivants. Les protocoles de soins sont des recommandations générales pour le cas moyen; toutefois, le patient moyen n’existe pas. Dans la pratique, l’application des protocoles donne de bons résultats chez certains patients, et elle est peu efficace, voire parfois nuisible, chez d’autres.
Chaque patient présente un profil de risques déterminé par des facteurs physiologiques, génétiques et liés à son comportement ou son mode de vie. Son état de santé général, les différentes maladies dont il souffre, ses prédispositions génétiques, son alimentation, son niveau d’activité physique et ses habitudes de vie ont tous une influence sur l’adéquation, les chances de réussite, et les effets secondaires potentiels d’un traitement particulier. Enfin, il faut tenir compte de ses préférences et de ses priorités.
Le Dr Spertus prône ouvertement l’intégration des profils de risque individuels dans les processus de traitement. Les avantages potentiels de cette approche sont incontestables : des traitements plus efficaces, de meilleurs résultats, moins de complications, des soins plus sûrs et des économies substantielles.
À titre d’exemple, le Dr Spertus a cité une étude qu’il a menée avec ses collègues sur les angioplasties réalisées dans neuf grands centres cardiologiques des États-Unis. Les chercheurs ont constaté que lorsque les cardiologues interventionnistes étaient informés d’un risque d’hémorragie chez un patient au cours du traitement, ceux-ci étaient plus susceptibles de prendre des mesures pour éviter les hémorragies, ce qui a fait chuter le nombre d’incidents d’hémorragie de 45 %. Le Dr Spertus a cependant souligné que cette amélioration considérable a eu lieu dans des centres renommés pour leurs soins de haut niveau. Quant aux résultats financiers, un des centres a déclaré que l’adoption de ces mesures s’est soldée par des économies de 3,6 millions de dollars par année.
Par ailleurs, selon le Dr Spertus, le fait d’offrir aux patients des informations claires et simples sur leurs risques personnels favorise la prise de décisions partagées. Ainsi, un patient souffrant d’une angine de poitrine pourrait, en disposant des informations pertinentes, préciser sa préférence pour une angioplastie, un pontage ou une prise en charge médicamenteuse.
Certains défis persistent quant au déploiement de systèmes informatiques permettant aux médecins et aux patients de consulter au moment opportun et dans un format accessible les informations sur les facteurs de risque des patients. Mais, comme l’a expliqué le Dr Spertus, les remaniements imminents du système de santé américain remettent cette question à l’ordre du jour.
Une loi, connue sous l’acronyme MACRA, aura pour effet de regrouper tous les remboursements dus aux différents intervenants couverts par le système Medicare américain pour un événement donné. Cela signifie que, en cas de crise cardiaque, l’ensemble des honoraires, des frais hospitaliers et des frais connexes devront être payés à partir d’un montant forfaitaire prédéterminé. Il est prévu que le regroupement pour la prise en charge des crises cardiaques se fera à partir de 2018.
Si les coûts ne sont pas maîtrisés, a insisté le Dr Spertus, les fournisseurs feront faillite!
Ce modèle de remboursement met l’accent sur la qualité des soins plutôt que sur leur quantité. Or, les résultats insatisfaisants et les complications — comme les hémorragies — coûtent cher, tout comme les tests et procédures non indiqués. Le Dr Spertus soutient donc que la médecine individualisée, qui permettrait de réduire les complications, d’adapter les soins à chaque patient et de maîtriser les coûts dans le cadre du futur modèle de remboursement, est plus que jamais pertinente et prometteuse.