Pour un diagnostic exact : Pourquoi les cardiologues doivent penser à la sarcoïdose cardiaque

26 juin 2017

C’est Anne McAllister, une avocate d’Ottawa de 56 ans qui a d’abord suscité l’intérêt du Dr David Birnie envers une affection cardiaque rare, mais potentiellement fatale, il y a un peu plus de dix ans.

Mme McAllister subissait fréquemment des épisodes d’arythmie. Son rythme cardiaque variait grandement, sans raison apparente. Grâce à l’implantation d’un stimulateur cardiaque, le problème semble se résorber… pour une période de deux ans. Puis, en février 2009, elle est admise au service des urgences à nouveau : elle souffre d’insuffisance cardiaque. Mme McAllister était pourtant en bonne forme physique, active et relativement jeune pour de tels problèmes cardiaques. Les médecins étaient stupéfaits, jusqu’à ce qu’ils apprennent la source du problème, une maladie rare appelée sarcoïdose cardiaque.

En 2011, Steven Gormley, 48 ans, est déployé en Afghanistan. Deux mois après son arrivée en Afghanistan, quelque chose d’étrange se produit avec son cœur : sa fréquence cardiaque chute soudainement. Après un examen médical, M. Gormley est renvoyé au Canada, considéré comme étant trop à risque de subir un arrêt cardiaque. À l’Institut de cardiologie, il reçoit lui aussi un diagnostic de sarcoïdose cardiaque.

La sarcoïdose est une maladie inflammatoire qui peut s’en prendre à n’importe quel organe du corps humain, plus habituellement les poumons ou la peau. Des amas de cellules blanches appelés granulomes se forment en raison d’une réaction immunitaire anormale à un microbe, un antigène ou à une toxine dans l’environnement. La sarcoïdose, bien que bénigne lorsqu’elle n’affecte que ces organes, peut causer de graves problèmes si elle atteint le cœur, comme l’arythmie, l’insuffisance cardiaque, voire une mort subite.

Entre 20 000 et 30 000 patients vivent actuellement avec la sarcoïdose au Canada. Environ  5 % d’entre eux ont des problèmes cardiaques. Cette maladie n’est pas encore bien comprise par les médecins, qui détiennent encore trop peu de données fiables pour les aider à poser des diagnostics à leurs patients.

Il voulait en savoir plus

Le Dr Birnie est un électrophysiologiste cardiaque et occupe le poste de directeur du service d’arythmie à l’Institut de cardiologie d’Ottawa. Il veut changer les choses. Le Dr Birnie a obtenu son diplôme en médecine de l’Université de Glasgow en 1990 et a consacré trois ans à l’obtention de son Ph. D. et à sa formation en cardiologie. Il est l’un des rares médecins dans le monde entier qui étudie en profondeur les causes et les effets de la sarcoïdose cardiaque. Et maintenant, grâce à une subvention récente de plus de 600 000 $ des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), il mènera la toute première étude de ce genre sur cette maladie.

Ce qui a en partie éveillé l’intérêt du Dr Birnie pour la sarcoïdose cardiaque, c’est le fait que la maladie atteint des gens âgés de 30 à 60 ans, et qu’il n’y a que très de peu de cas chez les très jeunes ou les plus vieux.

« C’est pourquoi c’est important de s’y intéresser : cette maladie s’attaque à des gens qui sont dans la fleur de l’âge », déclare-t-il.

Le cas d’Anne McAllister a donc été l’étincelle qui a poussé le Dr Birnie à approfondir ses recherches sur la sarcoïdose cardiaque. Il n’avait pas été en mesure de diagnostiquer la maladie au départ, lorsqu’on lui avait implanté un stimulateur cardiaque. La patiente voulait savoir pourquoi elle avait cette maladie et quel était son pronostic.

« Je lui ai dit que je n’avais aucune idée, que je ne connaissais pas son pronostic et que j’étais désolé d’avoir passé à côté. À ce moment, le plus que je lisais et en apprenais sur la maladie, le plus je voulais en faire un objectif de carrière », explique le Dr Birnie.

Image TEP de la sarcoïdose cardiaque

En 2014, il publie avec ses collaborateurs les toutes premières lignes directrices internationales pour le diagnostic de la sarcoïdose cardiaque. Mme McAllister s’est dite fort touchée lorsqu’il lui en a envoyé une copie avec une note manuscrite la remerciant de l’avoir inspiré.

« Je retire une forme de satisfaction de savoir que d’une certaine manière, j’ai fait une contribution, même si c’est un peu bizarre », affirme-t-elle.

Après avoir reçu l’excellente nouvelle qu’il allait obtenir une subvention, début février, en plein Mois du cœur, le Dr Birnie était aux anges. C’était la troisième fois qu’il tentait d’obtenir du financement.

« Pour être honnête, on ne s’y attendait pas, avoue-t-il. J’imagine que c’est un peu comme créer une œuvre d’art. Personne n’avait rien fait de tel avant, et on espère que quelqu’un va accrocher. On a visiblement accroché quelqu’un et on est très, très contents. »

Dans le cadre de cette étude, un registre sera formé, à partir des données de 1 500 patients provenant d’environ 15 autres établissements de soins – la plupart au Canada et un au Japon. Une partie de ce registre sera utilisé dans un essai clinique à répartition aléatoire. Les patients consentants verront leurs renseignements consignés dans une base de données centrale à l’Institut de cardiologie et seront suivis pendant au moins cinq ans. Si d’autres études ont déjà été menées dans d’autres pays comme le Japon, la Finlande et les États-Unis, celle du Dr Birnie sera la première à utiliser un registre multicentrique utilisé dans le cadre d’un essai à répartition aléatoire.

La signification du diagnostic pour les patients

Le Dr Birnie dirige actuellement la Clinique de sarcoïdose cardiaque à l’Institut de cardiologie avec le Dr Pablo Nery. La clinique traite environ 100 cas par année, mais plusieurs des patients qui viennent pour une visite initiale se voient diagnostiquer une autre maladie. Quant à ceux qui ont la maladie, il est impossible en ce moment de prédire qui a une maladie bénigne et qui devront suivre des traitements. La maladie peut progresser de diverses manières. Pour certains, elle peut entraîner des complications comme l’arythmie ou l’insuffisance cardiaque. Pour d’autres, elle peut être plus facilement gérable et peut être traitée avec des corticostéroïdes comme le Prednisone pour aider à réduire l’inflammation dans le cœur. Selon le Dr Birnie, le plus important demeure d’éduquer les cliniciens au sujet de ce diagnostic afin qu’ils puissent dépister la maladie avant qu’il ne soit trop tard.

Le Dr Pablo Nery, Institut de cardiologie d’Ottawa

Il existe trois tests principaux pour diagnostiquer la sarcoïdose cardiaque. Le premier consiste en une tomodensitométrie qui peut montrer des ganglions enflés. Le deuxième consiste en une IRM qui peut montrer des signes de formation précoce de tissus cicatriciels au cœur. Le dernier est un test d’imagerie par TEP au FDG, un test utilisé en cardiologie nucléaire qui consiste en l’injection d’un traceur radioactif pour faire ressortir les cellules inflammatoires dans le cœur grâce à leur niveau de captation du glucose. Ce dernier n’est offert que dans quelques rares établissements, dont l’Institut de cardiologie d’Ottawa. Il offre une image plus précise du tissu cardiaque et permet de mieux diagnostiquer la maladie.

La gravité et les possibilités de traitement de la sarcoïdose cardiaque dépendent d’à quel point elle est dépistée tôt. Si elle est diagnostiquée rapidement et traitée de façon adéquate, elle devient souvent bénigne et le corps se débarrassera du problème avec ses propres mécanismes. Si elle n’est pas traitée, toutefois, elle peut devenir très grave et les patients peuvent développer de l’insuffisance cardiaque ou de l’arythmie qui peuvent réduire leur qualité de vie. La mort, bien que peu commune, demeure une possibilité bien réelle.

Au moment du diagnostic, les options de traitement qui s’offrent aux patients sont fort limitées. Les corticostéroïdes ont tendance à exercer une pression importante sur le corps en raison des effets secondaires comme le gain de poids et les sautes d’humeur. Le Dr Birnie planifie son étude de manière à répartir aléatoirement les patients dans des groupes qui recevront des traitements différents qui entraînent moins d’effets secondaires.

« La satisfaction des patients est un élément très important dans cette recherche », insiste le Dr Birnie.

Un stimulateur ou un défibrillateur cardiaque est souvent implanté chez les patients qui ont des problèmes de nature électrique, comme un problème de conduction. Les transplantations cardiaques constituent un dernier recours, et l’on se rend rarement jusque-là. Jusqu’ici, seulement quatre patients atteints de sarcoïdose cardiaque ont dû subir une transplantation cardiaque à l’Institut de cardiologie – dont M. Gormley.

Aujourd’hui, un an après sa transplantation, M. Gormley se porte bien et renoue tranquillement avec ses activités sportives. Après une période intense de traitement au Prednisone, Mme McAllister se porte mieux, elle aussi. L’inflammation dans son cœur a été réduite et elle ne présente aucun signe de rechute. « Tout va bien jusqu’ici! », déclare-t-elle. Les deux patients sont pragmatiques dans leur façon de vivre avec cette maladie et sont reconnaissants envers le Dr Birnie et l’Institut de cardiologie.

« Je savais que j’étais entre bonnes mains et que j’allais recevoir les meilleurs soins possible, a avoué Mme McAllister. On continue à vivre notre vie. Il y a d’autres maladies qui pourraient être bien pires et exiger beaucoup plus de soins. Alors je continue! »

M. Gormley a lui aussi parlé des soins qu’il a reçus en bons termes : « C’était une équipe fantastique. Les patients n’ont rien à craindre. Vous voulez des soins parfaits? Vous êtes au bon endroit. »

Miser sur la collaboration et la sensibilisation

Un important aspect du programme de sarcoïdose cardiaque à l’Institut de cardiologie est leur collaboration étroite avec les équipes d’imagerie, en particulier celle des TEP, menée par le Dr Rob Beanlands, chef de la Division de cardiologie. « Des imageries TEP de haute qualité sont essentielles pour être capable de diagnostiquer et gérer ces patients, affirme le Dr Birnie. « Nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur des chefs de file mondiaux dans le domaine ici, dans notre propre établissement. Ça crée un terreau très fertile pour la recherche. »

Les efforts des Drs Birnie, Nery et Beanlands ont positionné l’Institut de cardiologie à l’avant de la scène internationale en ce qui concerne le traitement de la sarcoïdose cardiaque et la recherche dans ce domaine. Avec son équipe, le Dr Birnie collabore étroitement avec la Dre Riina Kandolin et ses collègues de l’Université d’Helsinki, en Finlande. Les deux groupes figuraient parmi les premiers centres médicaux au monde à entamer des recherches sur le sujet.

La Dre Kandolin a récemment reçu la prestigieuse bourse postdoctorale Banting. Elle se joindra à l’Institut de cardiologie l’automne prochain pour une période de deux ans. Elle travaillera principalement sur l’insuffisance cardiaque et l’imagerie, mais le Dr Birnie a bien hâte de l’accueillir.

« Les Finlandais sont vraiment les chefs de file européens en la matière. C’est donc vraiment génial qu’elle se joigne à nous, ce sera une collaboration très précieuse », affirme-t-il.

Selon le Dr Birnie, les prochaines étapes seront d’acquérir plus de financement pour faire avancer les recherches et pour continuer à faire de la sensibilisation au sujet de cette maladie.

« L’objectif ultime, c’est de trouver ce qui cause cette maladie. Est-ce un élément présent dans l’environnement et pouvons-nous donc la prévenir? Nous sommes à des décennies de là. De façon plus réaliste à ce point-ci, ce sera de convaincre la communauté médicale qu’ils doivent tenter de dépister cette maladie plus souvent. »

Remerciements

Le Dr Birnie tient à remercier d’autres membres de l’équipe de sarcoïdose cardiaque, dont Rob De Kemp, Ph. D., Eugene Leung, M.D., Daniel Juneau, M.D., Karen MacDonald, inf. aut., Tammy Knight, Keri O’Reilly, Stewart Spence, Cass Medore, Linda Garrard, inf. aut., Ann Guo, M.Ing, Owen Clarkin, Ph. D., May Aung, TMN, Kym Gardner, TMN, Monique Pacquette, inf. aut., et Patricia Grant, inf. aut..

Titulaire d’une bourse pour chercheur de carrière octroyée par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, le Dr Beanlands occupe une chaire de recherche de niveau 1 en maladie cardiovasculaire de l’Université d’Ottawa. Le Dr Birnie est un chercheur en milieu de carrière appuyé par la FMCA et occupe une chaire de leadership en électrophysiologie à l’ICUO ainsi qu’une chaire de recherche de niveau 1 en recherche en électrophysiologie à l’Université d’Ottawa. Ses travaux sont appuyés en partie par une subvention de recherche du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (subvention no. 06374) pour l’essai ontarien sur la TEP de sarcoïdose cardiaque. Il est également financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (D. Birni, NPI) (subvention no. 342139, NCT01477359)