Chaque institut de recherche est porté par son armée d’étudiants des cycles supérieurs. Chaque jour, ils apportent leur enthousiasme et leur curiosité au laboratoire et créent des relations de collaboration entre différents groupes de recherche, aussi bien au bout du couloir qu’à l’autre bout du monde. Le bulletin The Beat a rencontré quatre étudiants de cycles supérieurs à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) pour parler de ce qui les a amenés ici, de leur recherche en cours et de leurs plans d’avenir.
« De mon point de vue, l’ICUO a toujours accordé beaucoup de valeur à la formation des futurs chercheurs », affirme Patrick Burgon, chercheur principal au Programme d’endocrinologie cardiovasculaire. « Et à notre époque, en particulier dans les sciences de la vie, notre valeur se mesure à celle des étudiants des cycles supérieurs et des chercheurs-boursiers de niveau postdoctoral que nous pouvons attirer dans notre laboratoire. »
« Vous pouvez avoir les meilleures idées au monde, il vous faut aussi les bonnes personnes pour les réaliser, dit-il. En retour, ces personnes ont l’occasion d’être formées dans un endroit formidable pour les sciences cardiovasculaires. »
Tous les chemins mènent à la recherche cardiovasculaire
Les étudiants des cycles supérieurs à l’ICUO proviennent d’horizons divers, du Canada et d’ailleurs dans le monde, et sont riches d’expériences variées. Certains font une incursion précoce dans leur carrière. Adam Turner, qui fait sa maîtrise au laboratoire de la Dre Ruth McPherson, a d’abord passé plusieurs étés au laboratoire de M. Burgon durant ses études de premier cycle, et c’est là qu’il a fait son projet de recherche de quatrième année.
M. Turner est retourné aux études supérieures en génétique cardiovasculaire après plusieurs années passées à travailler en recherche au gouvernement. « J’ai entendu parler en bien du laboratoire de la Dre McPherson partout à l’Institut, alors j’ai fini par chercher une place ici », se rappelle-t-il.
Josh Raizman, qui travaille à son doctorat sous la supervision du Dr Edward O’Brien, avait eu vent de la réputation de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) en recherche translationnelle. « C’est une chose que je voulais vraiment faire en finissant mon travail de maîtrise, au cours duquel je me suis concentré essentiellement sur les cellules et les modèles in vitro », raconte-t-il.
Naif Almontashiri, étudiant au doctorat au Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy sous la supervision d’Alexandre Stewart, est arrivé d’Arabie saoudite après ses études de premier cycle à la Faculté de médecine de l’Université King Abdulaziz. « L’Institut de cardiologie est connu partout dans le monde pour son expertise dans le domaine de la génétique cardiovasculaire, et pour avoir découvert le premier locus de susceptibilité génétique de la maladie coronarienne. C’est pourquoi je suis venu dans cet institut », explique-t-il.
Stephanie Thorn, qui prévoit terminer sa thèse de doctorat en 2012 sous la supervision conjointe de Jean DaSilva et du Dr Michael Gollob, a emprunté un chemin moins traditionnel vers la recherche universitaire. Elle est arrivée à l’Institut de cardiologie comme technicienne de recherche après avoir terminé sa maîtrise en neurosciences nutritionnelles à l’Université de Guelph, et a passé plusieurs années comme employée au laboratoire DaSilva.
« À cette époque, une partie de mon travail consistait à prendre des projets pilotes, à les mettre en œuvre et à obtenir certaines données pour que nous puissions demander des subventions, se rappelle-t-elle. Quand nous obtenions des fonds pour un projet, le laboratoire recrutait des étudiants. Je les initiais, les mettais sur les rails, puis leur abandonnais le projet. Quand j’ai commencé à travailler sur celui qui est aujourd’hui le sujet de mon doctorat, j’ai eu le coup de foudre et je ne voulais pas l’abandonner. Je voulais le garder! » Elle est donc passée au programme de doctorat à sa troisième année à l’ICUO.
Des gènes à la maladie, des souris aux patients
Dernièrement, la recherche doctorale de Mme Thorn lui a valu le deuxième prix en sciences fondamentales remis à un étudiant au Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire. Comme étudiante travaillant au sein du Programme de fonction et d’imagerie moléculaires, financé par le programme de subventions de la Fondation des maladies du cœur, elle est supervisée conjointement par un radiochimiste (M. DaSilva) et un clinicien-chercheur (Dr Gollob) qui se spécialise dans la génétique liée à l’arythmie.
Son travail fait appel à l’imagerie nucléaire, la spécialité de M. DaSilva, pour comprendre une arythmie héréditaire qui touche plusieurs familles de la région d’Ottawa et mène à la cardiomyopathie et à l’insuffisance cardiaque vers 40 ou 50 ans.
« L’Institut de cardiologie est connu partout dans le monde pour son expertise dans le domaine de la génétique cardiovasculaire […] C’est pourquoi je suis venu dans cet institut. » – Naif Almontashiri, étudiant au doctorat, Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy
L’équipe a élaboré un modèle de souris présentant la même mutation – dans un gène appelé « AMPK » – qui provoque la maladie chez les humains. Les membres de l’équipe tentent de comprendre comment la mutation incite le cœur à entreposer le glycogène, comment cet entreposage anormal de glycogène est lié à l’arythmie, et comment par la suite on peut traiter la maladie.
« C’est là que l’imagerie est très utile, parce que nous voyons plusieurs des mêmes modèles d’indicateurs radioactifs chez les souris et chez nos patients. À présent, nous nous penchons sur la biochimie qui se cache derrière ces modèles chez la souris pour essayer de comprendre ce qui se passe dans le cœur humain sans utiliser de techniques effractives », explique Mme Thorn.
Depuis son arrivée à l’ICUO, la principale plateforme d’imagerie a fait l’acquisition des modalités microTEP et microTEMP et d’autres technologies d’imagerie animale de pointe qui reflètent fidèlement les capacités d’imagerie diagnostique que l’on retrouve dans les établissements cliniques. « Ça devient vraiment intéressant de travailler en imagerie en raison du potentiel translationnel qui s’offre à nous aujourd’hui », ajoute-t-elle.
M. Almontashiri et M. Turner cherchent tous deux à comprendre les rouages des mécanismes qui lient les variations génétiques au risque de maladie cardiovasculaire. Le laboratoire McPherson a identifié dans un gène du collagène des mutations associées à la maladie coronarienne. « Mon projet vise à découvrir comment ces mutations – par quelles voies cellulaires – mènent à la maladie du cœur », explique M. Turner qui a fait une présentation par affiches au congrès de l’American Society for Human Genetics qui a eu lieu à Montréal cette année.
En raison de la grande proximité entre les laboratoires de l’Institut de cardiologie et le milieu clinique, son groupe a pu recueillir des échantillons d’ADN de milliers de patients atteints d’une maladie coronarienne pour y rechercher ces mutations et tenter d’établir un lien avec leur fonction et l’issue.
Dans son travail de maîtrise, M. Almontashiri a cherché à comprendre comment une mutation dans un gène mitochondrial appelé « SPG7 » augmente le risque de maladie coronarienne en accélérant le cycle cellulaire et en causant des dommages oxydatifs. Pour cette recherche, il a collaboré avec le laboratoire de Mme Heidi McBride du Programme de lipoprotéines et athérosclérose et avec des chercheurs de l’Université de Cologne en Allemagne.
Pour son projet de recherche doctorale, il s’est intéressé à un biomarqueur appelé « interféron alpha », un puissant facteur prédictif du risque de maladie cardiovasculaire chez les patients qui possèdent deux copies du variant génétique 9p21, découvert à l’ICUO. Pour ces patients, le biomarqueur est un facteur prédictif si puissant, explique-t-il, que « nous espérons le voir bientôt remplacer l’angiographie pour établir un diagnostic ».
Le biomarqueur pourrait même avoir un avantage par rapport à l’angiographie du fait qu’il est plus proactif. « On fait une angiographie quand vous présentez les symptômes d’un infarctus du myocarde – qui s’est déjà produit. Mais avec ce biomarqueur, on pourrait prévenir une maladie coronarienne chez ces patients en les identifiant plus tôt et en les aidant à prendre soin de leur cœur », poursuit M. Almontashiri. Ce travail lui a valu une prestigieuse bourse de stagiaire de l’American Society of Human Genetics, devançant 5 000 autres étudiants ayant soumis un projet.
Dans son travail de maîtrise en physiologie à l’Université du Manitoba, M. Raizman a étudié le processus de guérison du cœur après un infarctus du myocarde. À l’Institut de cardiologie, il étudie une voie cellulaire menant à l’athérosclérose. « C’est la cause de l’infarctus du myocarde. Ça fait donc un tour complet de ce qui se produit dans le cœur », dit-il.
Dans sa thèse de doctorat, il s’intéresse principalement à une protéine appelée « HSP27 », qui protège de tout dommage d’autres protéines de l’organisme et semble jouer un rôle de prévention en empêchant le développement des cellules spumeuses, qui mènent directement à la formation de plaques d’athérosclérose. Après avoir mieux compris le rôle de la protéine HSP27 chez les rongeurs, M. Raizman a commencé à déve-lopper de petites molécules qui pourraient se comporter comme des versions améliorées de la protéine. Le but est de développer de nouveaux traitements médicamenteux pour contrer l’accumulation de cholestérol dans les vaisseaux sanguins.
« L’aménagement physique de l’Institut de cardiologie fait en sorte qu’en sortant du laboratoire, vous vous retrouvez en milieu clinique. Vous franchissez alors physiquement la frontière entre le laboratoire et le chevet des patients, de sorte que vous avez toujours à l’esprit les patients qui pourraient profiter de la recherche à long terme, précise-t-il. Ça nous motive énormément et ça fait avancer nos recherches. »
Plans d’avenir
Les quatre étudiants ont des plans d’avenir aussi diversifiés que leurs antécédents. Mme Thorn espère poursuivre sa route comme chercheuse postdoctorale dans le milieu universitaire canadien lorsqu’elle aura défendu sa thèse l’année prochaine.
Quant à M. Almontashiri, un poste de professeur l’attend chez lui à la fin de sa formation postdoctorale au Canada. Son université en Arabie Saoudite met sur pied un nouveau centre d’excellence en génomique. « J’espère amener de nombreux professeurs et chercheurs canadiens à collaborer avec moi là-bas, pour ce qui pourrait devenir des collaborations internationales », précise-t-il.
M. Raizman et M. Turner envisagent tous deux des voies de recherche hors du milieu universitaire. M. Turner est intéressé par une carrière de généticien clinicien pour établir des diagnostics à partir de tests d’ADN en milieu clinique. M. Raizman envisage une formation de biochimiste clinicien, qui lui permettrait à la fois de participer aux diagnostics des patients et d’avoir accès à un vaste bassin d’échantillons de populations diverses pour poursuivre ses recherches.
« Les autres étudiants et postdoctorants acceptent toujours de partager leur expertise, quelle que soit l’heure. » – Josh Raizman, étudiant au doctorat, Laboratoire de biologie vasculaire O’Brien
Jusqu’à leur départ, tous les quatre veulent continuer à développer les liens étroits qu’ils ont dans leur laboratoire et avec les autres étudiants de l’ICUO. « Je pense que l’ICUO nous encourage à poser des questions et à trouver les bonnes personnes pour y répondre Les autres étudiants et postdoctorants acceptent toujours de parta-ger leur expertise, quelle que soit l’heure. C’est très collégial, et c’est important parce qu’à mon avis la meilleure science éclot dans un environnement où vous ne craignez pas de demander de l’aide et de chercher des réponses », souligne M. Raizman.
« Selon mes expériences passées comme étudiant de cycle supérieur et postdoctorant, je pense que l’une des choses les plus importantes que puisse faire un établissement de recherche est de faciliter ces interactions entre les étudiants des cycles supérieurs. Bien souvent, ça fouette les ardeurs – tous se passionnent, et cette énergie se répercute sur le personnel », conclut M. Burgon.