Exploiter et améliorer le système de réparation du cœur

1 octobre 2013
Darryl Davis, M.D.

Les promesses et les défis de la médecine régénérative cardiaque – facilitant la croissance de nouveaux tissus pour réparer les dommages subis par le cœur lors d’une crise cardiaque – ont fait l’objet d’une grande attention dans le cadre du Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire (CCSC)/Vasculaire 2013. Les chercheurs des laboratoires de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), Dr Darryl Davis et Erik Suuronen , Ph. D., étaient responsables de plus de 20 présentations mettant en lumière leurs progrès constants en ce domaine.

Des essais cliniques de premières phases sur des cultures de cellules souches cardiaques ont montré de modestes bienfaits chez les patients après une crise cardiaque aiguë : elles étaient au moins aussi efficaces que les médicaments disponibles, selon le Dr Davis, électrophysiologue et scientifique clinicien, qui dirige le Laboratoire de recherche translationnelle en cardiologie .

Malgré l’utilisation des meilleurs médicaments disponibles, plusieurs patients commencent à souffrir d’insuffisance cardiaque après une crise cardiaque, parce que le tissu cicatriciel qui en résulte nuit à la fonction cardiaque. Les chercheurs tentent maintenant d’améliorer la capacité de guérison de nos cellules souches résidentes dans l’espoir de prévenir la formation de tissu cicatriciel. « Nous étudions des moyens d’améliorer les hormones cicatricielles produites par ces cellules souches », explique le Dr Davis. Pour ce faire, ils doivent comprendre comment ces protéines travaillent, en découvrant lesquelles stimulent l’activité des cellules souches et lesquelles peuvent interférer avec la guérison.

Des résultats présentés au congrès par le laboratoire du Dr Davis ont mis en lumière plusieurs molécules qui ont amélioré la réparation tissulaire dans un modèle de crise cardiaque sur des souris. Quand les chercheurs ont conçu génétiquement des cellules souches pour produire ces molécules en quantités supérieures à la normale, certaines ont accru la production de nouveaux vaisseaux sanguins sur le site d’une lésion cardiaque, tandis que d’autres ont favorisé le développement de nouvelles cellules du muscle cardiaque.

Erik Suuronen, Ph. D.

Éventuellement, ces molécules prometteuses pourraient être conçues génétiquement dans les propres cellules souches du patient pour aider à réparer les atteintes cardiaques les plus importantes et contrer l’insuffisance cardiaque. Récemment, l’Institut de cardiologie a traité le premier patient de la première étude clinique de l’histoire utilisant cette approche . Dans ce cas-ci, les chercheurs ont reprogrammé génétiquement les cellules souches, dérivées du propre sang du patient, pour produire une plus grande quantité d’une molécule de cicatrisation clé.

Un autre aspect de la régénération tissulaire porte sur la protection des cellules souches fragiles, de façon à ce qu’elles puissent se fixer sur le site de la lésion et y survivre. Seulement 10 à 15 % des cellules souches injectées dans les cœurs endommagés sont encore présentes sur le site après une heure, explique le Dr Davis. Une étude menée par son équipe avec un modèle de crise cardiaque sur des souris a montré que l’utilisation de cellules souches encapsulées à l’intérieur d’un « cocon » protecteur triplait le nombre de cellules maintenues en place jusqu’à trois semaines après l’injection. Les cellules souches transplantées arrivaient mieux à se greffer au site endommagé et à se développer en tissu cardiaque actif, stimulant encore davantage la réparation cardiaque à médiation cellulaire.

Les biomatériaux protecteurs constituent l’axe principal de recherche du Laboratoire de génie tissulaire cardiovasculaire d’Erik Suuronen. Les gels injectables de soutien utilisés par son équipe sont faits de collagène; ils semblent prometteurs puisqu’ils favorisent la migration et le travail des cellules souches productrices de nouveaux vaisseaux sanguins – appelées « cellules angiogéniques circulantes » – sur le site de la lésion cardiaque.

Dans une recherche présentée au congrès, son équipe s’est concentrée sur la façon dont, au niveau moléculaire, ses biomatériaux favorisent l’activité des cellules angiogéniques circulantes. Une meilleure compréhension des voies de signalisation cellulaires bénéfiques pouvant être transformées par les biomatériaux peut aider les chercheurs à ajouter des composantes qui favorisent encore davantage l’activité régénératrice. Le travail présenté par le Dr Ali Ahmadi, étudiant au doctorat au laboratoire de M. Suuronen, portait sur une protéine de l’une de ces voies de signalisation et lui a valu la place de premier finaliste pour la meilleure recherche d’un stagiaire en science fondamentale du CCSC.

« Ces matériaux sont très faciles à manipuler – vous pouvez ajouter des protéines, des groupes sucre, des facteurs de croissance. Il existe de nombreuses modifications qui peuvent être apportées à mesure que nous découvrons ce que nous devons leur ajouter pour les perfectionner », précise Erik Suuronen.

Des biomatériaux sont développés pour plusieurs applications cardiaques, mais leur première utilisation en milieu clinique pourrait cibler les patients chez qui il y a déjà présence de tissu cicatriciel. « Ils sont plus à risque d’insuffisance cardiaque, explique M. Suuronen, et les traitements qui sont disponibles pour eux sont moins nombreux et moins efficaces. » Une étude présentée au congrès a montré qu’un biomatériau composé de chitosane – un hydrate de carbone dérivé d’un crustacé – ajouté au collagène améliorait la fonction cardiaque dans un modèle de souris présentant du tissu cicatriciel attribuable à une crise cardiaque.

Par ailleurs, les deux laboratoires ont présenté leurs observations quant aux facteurs qui semblent diminuer les capacités de guérison des cellules souches, notamment le diabète, le vieillissement, les facteurs de risque de maladie coronarienne et la crise cardiaque elle-même. Ces données offrent de nouvelles avenues pour renforcer les cellules souches et les biomatériaux susceptibles de les protéger.

Les laboratoires de M. Suuronen et du Dr Davis feront plusieurs présentations lors des prochaines séances scientifiques de l’American Heart Association qui aura lieu à Dallas.