L’ insuffisance cardiaque est une maladie insidieuse et ses symptômes peuvent être vagues — y compris un essoufflement, une enflure des chevilles et la fatigue. Trop souvent, explique le Dr Peter Liu , directeur scientifique et vice président de la recherche à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, les patients et les médecins de famille ne reconnaissent pas les signes avant-coureurs. « Ils se disent que cela va de pair avec le vieillissement, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Cette maladie est silencieuse en grande partie et par le temps que les patients sont diagnostiqués, beaucoup de tort a déjà été fait », dit il.
L’insuffisance cardiaque peut résulter de plusieurs causes, y compris des lésions dues à une crise cardiaque, une infection virale ou l’hypertension. Ultimement, le cœur n’est plus en mesure de pomper le sang dans l’ensemble de l’organisme. Au moins 650 000 Canadiens vivent avec l’insuffisance cardiaque, et ce nombre est probablement plus élevé étant donné que cette maladie n’est souvent pas diagnostiquée, déclare le Dr Liu. En partie, ce qui fait que l’insuffisance cardiaque est si difficile à diagnostiquer est qu’elle est plus qu’une maladie unique. Il s’agit plutôt d’un syndrome qui a diverses causes et issues.
Les traitements actuels ont une chance de fonctionner seulement si la maladie est diagnostiquée avant que la capacité de pompage du cœur soit nettement réduite, explique le Dr Liu. « Nous voulons savoir plus tôt qui développera cette maladie, qui risque que son état s’aggrave, et qui pourrait voir son état s’améliorer avec un traitement. »
Le Dr Liu veut changer la façon de diagnostiquer les patients atteints d’insuffisance cardiaque. Plutôt que de se fier aux symptômes subjectifs, il veut diagnostiquer la maladie avant l’apparition des symptômes en utilisant des diagnostics moléculaires de pointe pour mesurer les protéines dans le sang, qui sont indicatives de dommages au cœur. À cette fin, le Dr Liu et ses collègues de l’Université d’Ottawa, de l’Université de Toronto et de Roche Diagnostics International, ltée ont reçu une subvention de 6 millions $ sur quatre ans de Génome Canada et de Roche pour apporter à l’Institut de cardiologie plusieurs tests diagnostiques prometteurs à base de protéines.
Au cours de la dernière décennie, les travaux de recherche du laboratoire du Dr Liu et d’autres chercheurs ont démontré que le cœur lance divers « signaux SOS » à base de protéines lorsqu’il est endommagé par diverses causes. Au moyen de technologies protéomiques modernes, qui mesurent d’importants ensembles de protéines circulant dans le sang, il est possible de capter ces signaux avant que tout symptôme de dommage soit décelable, explique t il. En plus d’établir un diagnostic plus précoce, identifier ces protéines, appelées biomarqueurs, recèle le potentiel d’un traitement plus personnalisé, puisque différentes causes de lésions cardiaques peuvent nécessiter différentes interventions.
Avec une subvention antérieure de Génome Canada, le Dr Liu et ses collègues ont isolé 200 protéines candidates qui semblaient être des biomarqueurs potentiels de l’insuffisante cardiaque précoce. Parmi ces 200 protéines, huit étaient suffisamment prometteuses pour entreprendre des études cliniques. La subvention actuelle permettra aux chercheurs de l’Institut de cardiologie et à leurs collaborateurs dans l’ensemble de l’Amérique du Nord d’évaluer chez des patients si les tests sanguins fondés sur ces protéines ont le potentiel d’identifier la maladie de façon précoce, et s’ils peuvent différencier les causes sous jacentes de l’insuffisance cardiaque chez les patients individuels et orienter le traitement.
L’équipe du laboratoire du Dr Liu est également intéressée à savoir comment les études protéomiques peuvent aider à identifier de nouveaux traitements potentiels pour l’insuffisance cardiaque. « Un certain nombre de ces nouvelles protéines que nous avons isolées peuvent ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour l’insuffisance cardiaque. Maintenant nous tentons de mettre au point des médicaments pour traiter des patients spécifiques avec certains biomarqueurs. Ceci est l’objectif de la médecine “personnalisée” ou “de précision” pour nos patients », déclare le Dr Liu.
Lorsqu’il n’est pas dans son laboratoire, le Dr Liu est un cardiologue qui traite des patients atteints d’insuffisance cardiaque. « Parfois, c’est frustrant de traiter nos patients atteints d’insuffisance cardiaque en sachant qu’il doit y avoir un meilleur traitement », admet-il. « Nous devons redoubler nos efforts de recherche. »
Depuis qu’il s’est joint à l’Institut de cardiologie en 2012, le Dr Liu a été impressionné par les relations étroites entre les chercheurs et les médecins, et par l’engagement de l’Institut de cardiologie à l’excellence et au bien-être des patients. Il est impatient de tirer profit de ces avantages pour apporter les nouveaux diagnostics et traitements prometteurs à l’Institut de cardiologie.
« Nous savons que l’insuffisance cardiaque est une maladie complexe », explique-t-il. « C’est pourquoi il faut une équipe pour prendre en charge cette maladie. Nous avons des gens très talentueux qui travaillent sur la science fondamentale et nous avons d’excellents cliniciens qui traitent l’insuffisance cardiaque et qui s’assurent que les patients que nous voyons aujourd’hui reçoivent les meilleurs soins possible. Notre espoir ultime à long terme est de pouvoir dépister la maladie plus tôt et même de la renverser afin que les patients ne souffrent pas du tout. L’idée est de faire un si bon travail qu’ultimement nous n’aurons plus d’emploi. » •