La prévention : clé de la médecine cardiovasculaire de demain

27 juillet 2016
Dr Valentin Fuster (à gauche) avec Dr Thierry Mesana, président-directeur général de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa

Malgré les avancées considérables réalisées au cours des dernières décennies tant en ce qui concerne les technologies que les traitements offerts, les maladies cardiovasculaires demeurent la cause principale de décès dans le monde. En fait, leur prévalence continue d’augmenter à un rythme alarmant chaque année, malgré une réduction générale de la mortalité liée à l’âge au cours des trois dernières décennies.

Optimiste éternel autoproclamé et certainement l’un des plus éminents cardiologues au monde, Valentin Fuster, M.D., Ph. D., est convaincu de détenir la solution à ce paradoxe : prévenir la maladie le plus tôt possible et la gérer plus efficacement grâce à la promotion de la santé et à la sensibilisation.

Lors d’une conférence fort attendue qu’il a donnée en juin à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, le célèbre cardiologue a expliqué comment, après une carrière en médecine et en recherche et après avoir occupé de nombreux postes à l’international, il est devenu convaincu que freiner la progression des maladies cardiovasculaires passait par un changement de comportement.

La réalité économique : un facteur non négligeable

« Des milliards de dollars sont dépensés pour le traitement de la maladie cardiovasculaire, mais trop peu d’argent est investi pour éduquer la population et faire la promotion de la santé, a-t-il souligné. Pourtant, il est tout à fait crucial de réaliser ces investissements pour prévenir ces maladies, qui constituent la première cause de mortalité dans le monde. »

« Le poids économique pachydermique du traitement de la maladie cardiovasculaire continue sans cesser d’augmenter. C’est insoutenable », a insisté le Dr Fuster. De plus, selon ce modèle de soins, une bonne partie de la planète ne peut tout simplement pas se permettre de lutter efficacement contre la maladie. » Selon lui, le défi de la décennie, pour les chercheurs et les cliniciens, c’est d’empêcher la maladie de se concrétiser, ou à tout le moins de la freiner avant qu’elle n’entraîne des symptômes et nécessite une intervention. Comment? En incitant les membres des collectivités à changer leur routine quotidienne et à adopter des habitudes de vie saines.

« Traiter la maladie coûte beaucoup plus cher que la prévenir, ajoute-t-il. Nous devons centrer nos efforts sur la santé plutôt que sur la maladie, en faisant la promotion de la santé et en faisant du dépistage pour détecter la maladie le plus tôt possible. »

Le Dr Fuster occupe plusieurs postes, dont ceux de directeur médical et de directeur de l’Institut de cardiologie du centre médical Mount Sinai, à New York. Il occupe par ailleurs le poste de directeur général du Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculaires Carlos III, en Espagne, son pays natal, et celui de président de la SHE Foundation (Science for Health and Education).

Il a créé la SHE Foundation, croyant fermement que l’un des plus importants défis de la médecine au 21e siècle était de passer d’un modèle principalement axé sur le traitement à un modèle surtout axé sur la prévention. L’organisme tente de trouver des façons de favoriser des environnements dans lesquels les enfants, les jeunes et les adultes ont les outils nécessaires pour prendre leur santé en main. L’une de ses initiatives est appelée Healthy Communities, un programme de promotion de la santé fondé sur les données scientifiques qui vise à encourager des changements de comportements dans la ville espagnole de Cardona.

« En faisant participer l’ensemble des citoyens de la ville à l’élaboration de cette stratégie, nous voulons créer une ville saine, où les environnements physiques et sociaux contribuent à une bonne qualité de vie et à l’adoption d’habitudes de vie saines, peu importe l’âge », a expliqué Dr Fuster.

Une gestion innovatrice de la maladie du cœur

Autre préoccupation majeure à laquelle s’attaque le Dr Fuster : la sous-utilisation généralisée des médicaments prescrits pour les maladies cardiovasculaires. « Les patients n’adhèrent pas à leur médication, a-t-il déploré. Des études ont montré que les taux d’adhésion à la médication pouvaient être aussi faibles que 20 %. Et c’est dans les pays les plus pauvres que la situation est la pire. »

Que ce soit en raison des coûts ou de la difficulté à gérer la prise de plusieurs médicaments, les patients cessent parfois de prendre leurs médicaments pour contrôler leur tension artérielle ou leur taux de cholestérol. C’est alors que la maladie progresse et que son traitement peut exiger des soins qui monopolisent davantage de ressources. Le Dr Fuster perçoit là un problème facile à régler ne présentant pas de grandes difficultés techniques et n’entraînant pas de dépenses majeures. En s’attaquant à ce problème, les impacts seraient massifs pour l’appareil de santé publique et la pression sur les services de santé en serait allégée.

Afin de simplifier la prise de médicaments et de favoriser l’adhérence à la médication, le Dr Fuster a développé un comprimé peu coûteux combinant un inhibiteur de l’ECA pour la tension artérielle, une statine pour le cholestérol et de l’aspirine pour la prévention des AVC. Puisque ces médicaments de base sont peu coûteux, les économies qui pourraient être réalisées pour le système de santé sont, encore une fois, immenses.

La perspective unique du Dr Fuster a été forgée après quatre décennies de travaux cliniques et de recherche sur quatre continents. Ses contributions à la médecine cardiovasculaire ont eu des impacts gigantesques. Il est d’ailleurs le seul cardiologue à avoir reçu les plus hautes accolades en recherche des quatre plus grandes organisations internationales de cardiologiel’American Heart Association, l’American College of Cardiology, la Société européenne de cardiologie et l’Interamerican Society of Cardiology.