Mettre à contribution le processus de recyclage du corps humain pour traiter la maladie du cœur

28 mars 2017

Après cinq années à l’Université de New York comme boursière postdoctorale, l’ancienne stagiaire de l’Institut de cardiologie d’Ottawa, Mireille Ouimet, Ph. D., revient à l’Institut pour diriger le nouveau Laboratoire de métabolisme cardiovasculaire et de biologie cellulaire. Son équipe de recherche est centrée sur un mécanisme cellulaire appelé autophagie, qui contribuerait au développement de la maladie du cœur, et comment la manipulation de ce mécanisme pourrait prévenir, voire faire régresser la maladie coronarienne – l’une des causes principales de crise cardiaque. Le Beat s’est entretenu avec Mme Ouimet pour parler de ses plans d’avenir dans ce domaine de recherche émergent.

Le Beat : Qu’est-ce qui vous a donné le goût de faire une carrière scientifique et de travailler comme chercheuse à l’Institut de cardiologie?

Mme Ouimet : J’ai toujours eu un intérêt pour la biologie. Je trouvais que les cellules et les mécanismes cellulaires étaient fascinants. Pendant mes études de premier cycle, je me suis rapidement intéressée à la recherche et c’est alors que j’ai réalisé un projet dans le laboratoire d’Yves Marcel, ici à l’Institut de cardiologie. C’est là que je me suis intéressée à la maladie du cœur. J’ai décidé de rester pour faire mon doctorat. L’Institut de cardiologie est un centre de recherche vraiment spécial, qui compte sur plusieurs scientifiques et cliniciens de talents qui travaillent ensemble. C’est un milieu de collaboration. Je peux y participer à des séminaires, où l’on aborde les questions cliniques, ce qui m’amène à me demander ce que je peux faire pour améliorer les traitements pour les patients?

Le Beat : L’autophagie, ça mange quoi en hiver? Et pourquoi est-ce si intéressant pour les chercheurs qui étudient la maladie du cœur?

Mme Ouimet : L’autophagie est le processus par lequel les cellules recyclent leurs composantes. Pendant l’autophagie, les protéines sont fragmentées en acides aminés, qui sont ensuite utilisés pour construire d’autres molécules. Cette recherche sur le lien entre l’autophagie et la maladie du cœur est encore embryonnaire, mais semble promettre de belles applications. Chez une personne atteinte de la maladie du cœur, on peut observer des agrégats de cholestérol dans les artères. Si nous pouvions mettre à contribution ce mécanisme d’autophagie pour détruire ces agrégats de lipides, ça serait vraiment fantastique. On cherche donc des façons de stimuler ce processus et essayons de savoir s’il est possible de viser spécifiquement les agrégats de lipides dans les artères pour les désintégrer.

Le Beat : L’an dernier, le prix Nobel de médecine a été décerné à Yoshinori Ohsumi pour ses travaux sur l’autophagie. Est-ce que ses travaux avaient un lien avec la maladie du cœur?

Mme Ouimet : L’autophagie est un processus fascinant. Pendant longtemps, nous n’avions pas les outils nécessaires pour l’étudier. M. Ohsumi est parvenu à identifier plusieurs des gênes critiques au fonctionnement de l’autophagie. Nous avons donc maintenant les outils pour manipuler ces gênes et, plus particulièrement, inactiver ce processus afin de mieux comprendre quelles en sont les conséquences pour diverses maladies.

Le Beat : Quels seront les éléments centraux à l’étude dans votre nouveau laboratoire?

Mme Ouimet : Nous allons étudier les mécanismes moléculaires qui engendrent la destruction des agrégats de lipides dans les artères et déminer la contribution de l’autophagie dans ce processus. L’accumulation de lipides est à la racine des maladies coronariennes. Si nous pouvons empêcher ces accumulations lipidiques, voire les faire diminuer, en stimulant l’autophagie et en ciblant les agrégats de lipides à détruire, nous pourrions trouver de nouveaux traitements pour la maladie du cœur.

Pour y arriver, nous devons mieux comprendre ce processus – à l’heure actuelle, nous en connaissons peu. Tout ce que nous savons, c’est que le développement de la maladie du cœur provoque une perturbation dans l’autophagie. On ne comprend pas très bien pourquoi. Si nous pouvions comprendre comment l’autophagie des lipides fonctionne en temps normal dans les artères, nous pourrions potentiellement trouver de nouveaux biomarqueurs de la maladie du cœur et, peut-être, développer de nouveaux traitements. Je pense que ce nouveau champ de recherche est extrêmement prometteur.

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