Les chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa ont récemment fait une observation qui vient éclairer les pratiques cliniques visant à traiter les patients en choc cardiogénique grave. Le choc cardiogénique est une défaillance du muscle cardiaque qui le rend incapable de pomper assez de sang pour répondre aux besoins de l’organisme.
Dans une étude récemment publiée dans le Journal of the American College of Cardiology, le Dr Juan Russo, fellow en cardiologie interventionnelle, et ses collaborateurs ont déterminé que la décharge du ventricule gauche était associée à de meilleurs résultats cliniques chez les patients en choc cardiogénique traités par oxygénation par membrane extracorporelle veino-artérielle (ECMO VA).
Faute d’un essai clinique contrôlé randomisé pour trancher la question, l’étude indique que la décharge du ventricule gauche devrait être envisagée chez certains patients traités par ECMO VA pour un choc cardiogénique et répondant à des critères précis.
Vous êtes un peu perdu? Voici un exemple pour nous aider à y voir plus clair :
Disons qu’une personne dans la quarantaine ou la cinquantaine subit une crise cardiaque foudroyante. Privé de sang et temporairement affaibli, le cœur est en état de choc. Il n’arrive plus à pomper assez de sang vers les organes vitaux, qui commencent rapidement à défaillir. Souvent, la médication à elle seule ne suffit pas à rétablir la fonction cardiaque assez bien ou assez rapidement. Or, le temps presse. Si on ne trouve pas un moyen d’envoyer du sang vers les organes vitaux, il y a de fortes chances que le patient y reste.
« ECMO VA n’est pas une fin en soi, mais bien un tremplin potentiellement salvateur vers le rétablissement ou une stratégie de soutien à plus long terme. »
- Dr Juan Russo, fellow en cardiologie interventionnelle, ICUO
C’est là que l’ECMO VA entre en scène. Cette technique permet d’alimenter mécaniquement les organes vitaux en sang. Les médecins l’utilisent pour soutenir temporairement la circulation du sang chez les patients en choc cardiogénique. L’ECMO VA, indique le Dr Russo, « n’est pas une fin en soi, mais bien un tremplin potentiellement salvateur vers le rétablissement ou une stratégie de soutien à plus long terme ». Autrement dit, l’ECMO VA permet aux médecins de gagner un précieux temps pour les patients.
Toutefois, l’efficacité, l’innocuité et les conditions optimales d’utilisation de l’ECMO VA n’ont pas encore été bien étudiées. Pour compliquer le tout, la littérature scientifique sur le sujet ne fait pas état d’une amélioration des résultats cliniques des patients traités à l’aide de cette technique.
Un des principaux désavantages de l’ECMO VA est d’augmenter la post-charge ventriculaire, c’est-à-dire l’effort que le muscle cardiaque affaibli doit fournir pour expulser le sang oxygéné vers les organes vitaux. Une post-charge trop élevée peut entraîner toutes sortes de complications graves : ischémie myocardique, retard dans le rétablissement de la fonction ventriculaire, arythmie ventriculaire, œdème pulmonaire, incidents thrombotiques et défaillance multi-organique.
Est-ce que des interventions pour réduire le fardeau du cœur durant l’ECMO VA pourraient sauver la vie de patients adultes en choc cardiogénique?
Pour répondre à cette question, le Dr Russo et l’auteur principal de l’étude, le Dr Benjamin Hibbert, cardiologue interventionniste à l’Institut de cardiologie, ainsi que leurs collaborateurs, ont réalisé une revue systématique de la littérature.
Ils ont consulté Medline, EMBASE et la Cochrane Library pour trouver des études qui (1) portaient sur le recours à l’ECMO VA pour traiter le choc cardiogénique chez l’adulte et (2) fournissaient des données sur le taux de mortalité des patients ayant reçu une ECMO VA avec ou sans stratégie de décharge ventriculaire. Sur plus de 2000 études trouvées sur le sujet, 17 seulement répondaient aux critères d’inclusion.
Au total, 3997 patients ont été inclus. Chez 42 % d’entre eux, une stratégie de décharge ventriculaire a été utilisée durant l’ECMO VA – ballonnet de contre-pulsion intra-aortique, dispositif percutané d’assistance ventriculaire ou canule insérée dans une veine pulmonaire ou l’oreillette gauche. Le principal résultat étudié, la mortalité toutes causes confondues, était plus bas dans les cas où une stratégie de décharge ventriculaire avait été utilisée : 54 %, contre 64 % en l’absence de telles stratégies. Par contre, l’étude n’a pas permis d’établir des différences significatives pour d’autres résultats importants sur le plan de l’innocuité.
Afin de valider ces résultats, cette hypothèse devrait faire l’objet d’un essai contrôlé randomisé, un projet d’envergure qui pourrait demander des années. Entre-temps, par contre, il y a des patients à traiter. La synthèse de données disponibles sur le sujet est un important premier pas vers de meilleurs résultats cliniques.