La présence de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) au plus important regroupement international de spécialistes des maladies cardiovasculaires de 2015, les séances scientifiques de l’AHA (American Heart Association), était grandement motivée par le partage de connaissances. Dans le cadre des séminaires et des séances « Ask the Expert » (Demandez au spécialiste), les chirurgiens Marc Ruel, Munir Boodhwani, David Glineur et Vincent Chan ont abordé des sujets variés, dont certains aspects de la formation en chirurgie, les répercussions du diabète, les pontages aortocoronariens et les différences entre les sexes quant aux résultats de la réparation de la valvule mitrale.
Les cardiologues Rob Beanlands, Thais Coutinho, Lisa Mielniczuk et Benjamin Chow ont quant à eux discuté de la cardiomyopathie inflammatoire, des différences entre les sexes sur le plan de la fonction artérielle, de l’imagerie de l’insuffisance cardiaque et du rôle de la tomodensitométrie (TDM) cardiaque. Le scientifique Erik Suuronen, Ph. D., s’est exprimé sur le génie tissulaire et Krystina Lewis, infirmière en électrophysiologie, sur la prise de décisions partagée en soins cardiovasculaires.
Les présentations scientifiques ont permis de faire le point sur une grande variété de projets de recherche fondamentale et clinique. Un résumé des études représentatives des différents domaines de recherche est présenté ci-dessous.
Facteurs qui influent sur l’efficacité de la thérapie par les cellules souches
La médecine régénérative ‒ l’exploitation des propres cellules souches du corps pour réparer le tissu cardiaque endommagé ‒ s’avère très prometteuse pour rétablir une partie de la fonction cardiaque après un infarctus. Au congrès de l’AHA, l’équipe du Laboratoire de recherche translationnelle en cardiologie, dirigé par le Dr Darryl Davis, électrophysiologue et chercheur à l’ICUO, a présenté les résultats de trois études s’intéressant aux facteurs qui influent sur l’activité des cellules souches cardiaques provenant de donneurs.
Deux de ces études visaient à déterminer ce qui arrive aux cellules souches cardiaques du corps vieillissant ou malade. Dans l’une d’elles, les chercheurs ont cherché à déterminer si l’âge avancé du donneur ou les lésions liées à une cardiomyopathie ischémique (dilatation et affaiblissement du muscle cardiaque causés par une crise cardiaque) altéraient la capacité de régénération. Ils ont pour cela recueilli et mis en culture des échantillons de tissus cardiaques de souris jeunes et âgées, en bonne santé ou chez lesquelles on avait provoqué une crise cardiaque. Les cellules souches dérivées de l’explant ont ensuite été analysées pour déterminer leur potentiel de réparation. Le critère de l’âge pris isolément n’a pas joué de rôle prépondérant. Par contre, les cellules souches des donneurs à la fois âgés et présentant une cardiomyopathie ischémique étaient moins susceptibles de se différencier en nouvelles cellules cardiaques, généraient moins de signaux moléculaires favorisant la guérison et étaient moins résistantes à la mort cellulaire que les cellules provenant de donneurs plus jeunes atteints de la même maladie.
Dans une autre étude, les chercheurs ont mis en culture des explants de tissus cardiaques humains résiduels prélevés lors d’interventions chirurgicales. Les chercheurs ont ensuite comparé la capacité de réparation des cellules dérivées de sujets qui étaient généralement en bonne santé et de sujets qui présentaient plusieurs maladies concomitantes. Ils ont alors observé que la capacité des cellules souches à régénérer les tissus cardiaques murins diminuait en fonction du cumul des problèmes de santé des donneurs, et que ce phénomène était associé à une diminution de la production de molécules émettrices de signaux à l’intérieur de la cellule favorisant le processus de réparation.
La troisième étude visait à évaluer à quel point l’incorporation physique et la persistance des cellules transplantées dans le cœur contribuaient aux bienfaits de la thérapie par les cellules souches. Les chercheurs ont traité des souris à l’aide de cellules souches cardiaques de culture provenant de tissus humains. Une semaine après la greffe, les chercheurs ont injecté à la moitié des souris un composé visant à détruire les cellules souches. Les lésions et la fonction cardiaques des souris qui n’avaient été exposées que pendant une semaine aux cellules souches se sont dégradées comparativement à celles des souris dont on avait permis aux cellules greffées de persister, ce qui a démontré les bienfaits d’une exposition à long terme en matière de régénération.
Un anticoagulant améliore la perfusion myocardique
Chez les patients qui présentent un syndrome coronarien aigu, le traitement par l’anticoagulant ticagrelor a entraîné une diminution du risque de décès, comparativement au traitement par le clopidogrel, sans toutefois que les raisons de ce résultat soient bien comprises.
Une étude dirigée par le Dr Matthieu Pelletier-Galarneau, résident en imagerie nucléaire à l’ICUO, sous la direction du Dr Terrence Ruddy, a évalué la capacité relative du ticagrelor et du clopidogrel à améliorer le débit sanguin myocardique (DSM). Dans le cadre d’une étude de faible envergure, 22 patients ont été répartis de façon aléatoire pour recevoir 10 jours de traitement par le ticagrelor suivis de 10 jours de traitement par le clopidogrel, ou l’inverse; les deux phases étaient séparées par une période sans traitement d’au moins 5 jours. Durant les deux phases de traitement actif, le DSM a été mesuré par tomographie par émission de positons (TEP), au repos et à l’effort, avec deux doses différentes (modérée et élevée) d’adénosine.
À l’effort, le DSM global a été significativement plus élevé avec le ticagrelor qu’avec le clopidogrel à des doses élevées d’adénosine, mais on n’a observé aucune différence au repos ou à des doses modérées d’adénosine. Dans les segments du cœur où la réserve myocardique était faible, le DSM a été significativement plus élevé avec le ticagrelor à des doses élevées et modérées d’adénosine, mais pas au repos. Dans les segments du cœur où la réserve myocardique était élevée, le DSM a été significativement plus élevé avec le ticagrelor au repos, à des doses modérées d’adénosine. Selon les chercheurs, l’amélioration du DSM obtenue à l’effort avec le ticagrelor pourrait expliquer la diminution du risque de décès, comparativement au traitement par le clopidogrel.