Une nouvelle classe d'hypocholestérolémiants appelés inhibiteurs de PCSK9 a fait couler beaucoup d’encre récemment, et pour cause : ils peuvent faire baisser le taux de cholestérol de façon beaucoup plus efficace que les statines. Deux de ces hypocholestérolémiants servant à traiter l’athérosclérose sont déjà sur le marché, et d’autres devraient bientôt faire leur entrée.
Toutefois, les inhibiteurs qui sont présentement disponibles doivent être administrés par injection plutôt qu’oralement. Les molécules sont trop larges pour franchir la barrière intestinale. Leur prix est par ailleurs très élevé. Leur utilisation est donc restreinte aux personnes atteintes d’un problème génétique qui entraîne des taux extrêmement élevés de cholestérol LDL (le « mauvais cholestérol »).
Thomas Lagacé, Ph.D., directeur du laboratoire de biologie des récepteurs des lipoprotéines à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, est un des leaders en recherche sur la protéine PCSK9 depuis le début de sa carrière. Lors des séances scientifiques de l’American Heart Association de 2016, il a donné une présentation intitulée « Mécanismes émergents dans l’utilisation de la protéine PCSK9 pour faire baisser le taux de cholestérol LDL : Au-delà du récepteur de LDL. » Son équipe de laboratoire cherche à mieux comprendre le fonctionnement de PCSK9 afin de développer des façons moins coûteuses de la bloquer.
« La PCSK9 est une cible idéale pour faire baisser le taux de cholestérol, explique M. Lagacé. Il semblerait que, de nos jours, le corps humain n’en a plus besoin. » Dans ses travaux réalisés alors qu’il était boursier postdoctoral, M. Lagacé et ses collègues ont découvert que la PCSK9 se fixait aux récepteurs cellulaires du cholestérol LDL dans le foie, entraînant leur dégradation. Lorsque le niveau de ces récepteurs de LDL baisse, le taux de cholestérol sanguin augmente.
Les travaux ultérieurs de son équipe de l’Institut de cardiologie ont montré que la PCSK9 pouvait aussi se fixer au LDL dans le flux sanguin, et que, lorsqu’elle se fixait de cette façon, elle ne pouvait plus détruire le récepteur de LDL.
« Ces deux mécanismes s’inscrivaient probablement dans une boucle de rétroaction qui servait à maintenir certains lipides en circulation dans l’organisme le plus longtemps possible, afin de fournir un combustible essentiel au cœur et aux muscles », selon M. Lagacé.
« Ces mécanismes ont vraisemblablement été développés dans le corps à une époque où la nourriture se faisait plus rare, et où parfois, les humains devaient se priver de nourriture pendant plusieurs jours, précise-t-il. Le corps produit constamment la PCSK9. Elle obstrue le chemin et empêche l’élimination du LDL dans le foie. »
Son équipe cherche à comprendre exactement comment le LDL en circulation se fixe à la PCSK9 et l’arrête. « Si nous pouvions comprendre ce mécanisme de régulation, nous pourrions tenter de le copier en utilisant une petite molécule thérapeutique », explique-t-il.
Il y a quelques années, M. Lagacé et ses collègues ont fait une découverte inattendue en utilisant la cristallographie aux rayons X pour déterminer la structure moléculaire de la partie de la PCSK9 qui se lie aux récepteurs de LDL. Ils ont coupé une petite partie de la protéine, loin du site, qui obstruait l’image. À leur grande surprise, en coupant la protéine, elle s’est modifiée de façon à mieux se lier au récepteur de LDL. Question d’épaissir le mystère, ils se sont rendu compte, récemment, que la même protéine modifiée avait cessé de se lier au LDL.
M. Lagacé et son équipe cherchent maintenant à créer un modèle de souris ayant une perte similaire de cette fonction afin de mieux comprendre l’activité inhibitrice de la PCSK9 causée par la liaison du LDL.
Il explique que la zone ciblée sur la protéine est très petite. « Si nous arrivons à en savoir plus sur ce mécanisme, nous aurons alors trouvé une autre façon d’inhiber la PCSK9. Nous pourrions alors administrer un médicament sous forme de comprimé. Les inhibiteurs de la PCSK9 deviendraient accessibles à beaucoup plus de personnes », ajoute-t-il.
Les résultats préliminaires de l’essai clinique sur l’un des inhibiteurs de la PCSK9 approuvés qui ont été présentés à l’AHA 2016 ont généré beaucoup d’enthousiasme, montrant que les taux de cholestérol des patients recevant l’inhibiteur avaient baissé de façon beaucoup plus marquée que chez les patients recevant seulement des statines. Parallèlement, la taille des lésions athéroscléreuses avait diminué.
« La recherche pour de nouveaux inhibiteurs de la PCSK9 est très importante. Les résultats ont tellement d’impact! Certains disent même que si les inhibiteurs de la PCSK9 peuvent devenir facilement accessibles, nous pourrions mettre fin aux maladies coronariennes, conclut M. Lagacé. Il ne semble pas exister de taux de cholestérol LDL plancher en deçà duquel nous n’observerions plus d’avantage pour la santé. »