La sexualité est une composante fondamentale de notre humanité. Elle a un impact majeur sur notre qualité de vie et constitue une source importante de plaisir et d’intimité. Il n’est donc pas étonnant que les personnes atteintes d’une maladie cardiaque ou qui se remettent d’un événement cardiaque soient inquiètes au sujet de leur vie sexuelle.
Les inquiétudes d’un patient ou de son partenaire peuvent compliquer les choses lorsqu’ils tentent d’avoir une relation sexuelle. Heureusement, les événements cardiaques et les médicaments pourraient avoir moins d’impacts sur la santé sexuelle qu’on ne le pensait autrefois. Il ne serait pas nécessaire d’attendre aussi longtemps pour reprendre l’activité sexuelle, par exemple. On croyait par ailleurs à tort que certains médicaments causaient des dysfonctions érectiles ou y contribuaient.
Pour en finir avec certains mythes
Les spécialistes des maladies du cœur sont clairs : si vous aviez une vie sexuelle satisfaisante avant votre événement cardiaque, il est possible de la retrouver. Et si l’on vient de vous diagnostiquer un problème cardiaque, vous pouvez continuer à avoir une vie sexuelle active. Selon l’infirmière de pratique avancée en cardiologie de l’Institut de cardiologie d’Ottawa Bonnie Quinlan, poursuivre cette vie sexuelle est important, car en plus d’offrir des avantages physiques, elle offre la chaleur humaine et l’intimité nécessaires à un bon confort psychologique.
Plusieurs des idées reçues à propos de la sexualité après un événement cardiaque sont à revisiter. Par exemple, on pensait autrefois que les bêtabloquants, fréquemment utilisés chez les patients cardiaques, provoquaient une dysfonction érectile ou y contribuaient. Il s’avère que leur impact pourrait être moins important que nous ne le pensions.
Une étude menée par un cardiologue allemand publiée en 2009 montrait que lorsque les patients hommes n’étaient pas au courant qu’ils prenaient des bêtabloquants, ils n’avaient pas plus de risque de vivre une dysfonction érectile que ceux qui prenaient toute autre forme de médicaments prescrits pour l’insuffisance cardiaque ou l’hypertension. C’est lorsqu’on les informait des effets indésirables potentiels des bêtabloquants et qu’ils avaient donc des craintes par rapport aux médicaments qu’ils développaient plus souvent de l’anxiété ou une dysfonction érectile.
Une psychologue de l’Institut de cardiologie, Heather Tulloch, Ph. D., a confirmé ces résultats, citant une récente méta-analyse de plusieurs études qui se penchaient sur le lien entre les bêtabloquants et les dysfonctions érectiles, dont les résultats ne montraient pas de preuve concluante que ces médicaments causaient ce problème.
Ce qui peut causer davantage de problèmes, selon la Dre Michèle de Margerie, qui travaille en réadaptation, ce sont les antidépresseurs : ils peuvent entraîner une baisse de la libido. C’est un gros problème, selon elle, surtout chez les femmes. Elle ajoute toutefois qu’il y a toujours des façons de stimuler la libido.
Autre mythe que l’on entend souvent : il faut attendre six semaines après avoir subi une crise cardiaque pour reprendre l’activité sexuelle. De nos jours, nous conseillons aux patients de reprendre leurs activités sexuelles une semaine après la crise cardiaque, s’il s’agissait toutefois d’une crise légère et que certains conditions sont respectées.
Des mesures de précaution s’imposent tout de même. Par exemple, les patients doivent obtenir l’autorisation de leur médecin avant de consommer du Viagra® après une crise cardiaque. Des lignes directrices doivent être suivies si vous prenez de la nitroglycérine en plus du Viagra® ou d’autres médicaments pour la dysfonction érectile.
Surmonter la peur et l’anxiété
Même si on les informe qu’ils peuvent reprendre l’activité sexuelle, plusieurs patients ou leur partenaire se sentent anxieux à cette idée. Ils craignent que l’effort physique leur provoque une autre crise cardiaque. C’est, selon la Dre Tulloch, la crainte la plus fréquente. Parfois, après une opération, ils craignent que leurs plaies ne se rouvrent. D’autres fois encore, ils craignent ne plus être capables de satisfaire leur partenaire. La liste des préoccupations possibles est plutôt longue.
Le pire, selon la Dre Tulloch, c’est la peur. Comme un peu dans tout, c’est la communication qui permettra de surmonter la peur.
Il faut savoir que l’activité sexuelle ne demande pas beaucoup d’effort physique : elle se compare à une marche sur un terrain plat à une vitesse d’environ 5 km à l’heure. C’est moins éreintant, par exemple, que de jouer au golf, faire du jardinage ou faire du vélo. Une activité sexuelle hebdomadaire ne fait monter le risque de faire une crise cardiaque que de 1 % à 1,01 %, selon la Dre de Margerie. Et si vous faites d’autres activités physiques de façon régulière, ce risque est encore plus faible.
En réalité, toutefois, les aspects psychologiques des problèmes de santé sexuelle sont de nature affective et exigent donc une solution de nature affective, selon la Dre Tulloch. Les faits communiqués sur l’effort nécessaire pour avoir une relation sexuelle, par exemple, n’aident pas forcément à régler la question.
Selon l’infirmière de pratique avancée en chirurgie cardiaque Ann Stolarik, les aspects affectifs de la santé sexuelle peuvent ne pas s’avérer aussi importants, au départ à tout le moins, pour les patients qui se remettent d’une chirurgie cardiaque. Après une opération, les préoccupations les plus communes sont le site de l’incision, qui peuvent être douloureuses et limiter les activités du patient jusqu’à leur guérison, ainsi que la fatigue.
« La fatigue que pourrait entraîner l’acte sexuel en inquiète plus d’un, affirme-t-elle. Mais ces deux problèmes disparaissent avec le temps. Il n’est même pas possible de passer l’aspirateur après une chirurgie cardiaque. Au début, les patients ont d’autres priorités. »
Certains patients, surtout les plus âgés, hésitent beaucoup à parler de leur vie sexuelle. Mme Stolarik utilise l’humour pour ouvrir un canal de communication, ce qui permet aux gens d’être à l’aise et de s’ouvrir.
Pour d’autres groupes de patients, ce n’est pas difficile de briser la glace. Les patients plus jeunes sont souvent très intéressés, selon Mme Quinlan. Les hommes aussi, d’ailleurs. « La sexualité fait partie de leurs priorités, indique-t-elle. Les hommes sont généralement plus ouverts à ce sujet. Il peut alors être très facile d’en parler. »
La Dre Tulloch anime des groupes d’amélioration des relations pour les couples cardiaques. La question de l’activité sexuelle est une constante. En fait, c’est la chose la plus importante pour les participants. Le message est fort simple : « Vous pouvez le faire. »
« Ce n’est qu’une forme d’activité physique comme une autre, dit-elle aux participants. Ne paniquez pas parce que c’est du sexe. »
Des ressources pour vous aider à vous remettre sur pied
Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire. C’est pourquoi à l’Institut de cardiologie, dans le cadre des programmes de soins et de réadaptation, nous aidons nos patients et leurs partenaires à composer avec les défis physiques et psychologiques que présente le retour à une vie sexuelle normale.
La Dre de Margerie travaille dans le programme de réadaptation cardiaque. Elle se fait un plaisir de parler de sexualité avec ses patients, ajoutant qu’il est toujours fort utile qu’ils expriment leurs préoccupations. Dans le cadre du processus de réadaptation, un rendez-vous de 45 minutes avec un médecin est prévu. Puisqu’il faut aborder une multitude de sujets comme la médication, les exercices, le stress, l’abandon du tabac ou l’alimentation, le rendez-vous peut facilement prendre deux fois plus de temps. Il est donc utile de connaître les priorités de chaque patient au préalable afin de pouvoir les aborder.
C’est pourquoi les patients hospitalisés ont accès à d’autres options, comme les séances d’information offertes aux patients qui s’apprêtent à recevoir leur congé. L’une de ces séances est réservée aux questions entourant la sexualité. Le niveau d’intérêt est fort élevé, selon Mme Stolarik. Seule la séance portant sur le retour au travail est plus populaire.
« Je parle de sexualité avec tous les patients, ajoute Mme Quinlan. Personne ne m’a jamais dit ne pas vouloir aborder la question. »
Mme Stolarik souligne que certains patients vivaient déjà des problèmes d’ordre sexuel avant que la maladie du cœur n’entre dans le portrait. Dans ces cas, l’un des défis est d’incorporer les solutions qu’ils adoptaient (Viagra® ou Cialis®, par exemple) à leur nouvelle médication.
Si les patients ont des difficultés avec leur santé sexuelle, l’Institut de cardiologie peut les aiguiller vers un professionnel approprié – vers un psychologue comme Dre Tulloch ou vers un urologue spécialisé en dysfonction érectile. Il existe une variété de solutions en dehors de la « petite pilule bleue ».
Dre de Margerie souligne aussi que « l’activité sexuelle peut être une partie importante de notre vie, mais qu’elle n’est pas essentielle pour mener une vie saine. Si les deux partenaires ne souhaitent pas avoir une vie sexuelle active, la question s’arrête là. » Un couple peut survivre sans sexualité, mais ne peut presque jamais se passer d’intimité physique. C’est pourquoi l’Institut de cardiologie considère la santé sexuelle comme un élément important de ses services de soins et de réadaptation.
Pour en apprendre plus
Pour obtenir plus de renseignements sur la santé sexuelle ou sur les problèmes cardiaques, consultez nos ressources en ligne :