Aucun lion, aucune girafe et aucun hippopotame n’a été observé lors d’un récent SAFARI réalisé par des médecins de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). Ceux-ci ont toutefois fait une découverte inattendue quant aux meilleurs soins qu’on puisse offrir aux patients après une crise cardiaque aiguë.
À la suite de l’essai clinique SAFARI-STEMI (en anglais seulement), qui visait à établir si l’accès radial (via le bras) améliorait les chances de survie par rapport à l’accès fémoral (via l’aine) chez les patients devant subir une intervention coronarienne percutanée (ICP) après une crise cardiaque aiguë, les médecins croient maintenant qu’il n’y a pas de différence importante entre ces deux stratégies sur le plan des avantages cliniques, bien que la littérature scientifique suggère que l’accès radial soit associé à des taux de mortalité et de saignement moins élevés.
« Nous avons démontré que des chirurgiens adéquatement formés devraient pouvoir obtenir des résultats semblables avec ces deux stratégies dans le cas d’une ICP », a commenté le Dr Michel Le May, le chercheur principal de l’étude. SAFARI-STEMI est l’acronyme du nom complet de l’étude en anglais : The Safety and Efficacy of Femoral Access Versus Radial for Primary Percutaneous Coronary Intervention in ST Segment Elevation Myocardial Infarction. STEMI est l’abréviation pour « infarctus du myocarde avec élévation du segment ST », c’est-à-dire une crise cardiaque lors de laquelle l’artère coronaire est complètement bloquée et des sections du cœur sont privées de sang riche en oxygène.
« Au départ, on s’attendait à ce que l’approche radiale présente un avantage quant aux chances de survie », souligne le Dr Le May. Mais l’étude n’a pas révélé un tel avantage. « Les résultats du groupe avec accès radial étaient conformes aux attentes, mais ceux du groupe avec accès fémoral étaient nettement supérieurs aux résultats attendus, ce qui explique nos conclusions. Le faible taux de mortalité dans les deux groupes témoigne de l’excellence de l’ICUO. »
Cardiologue interventionniste à l’ICUO, le Dr Le May est également le fondateur et le directeur du Programme régional STEMI de l’Institut, qui a permis de réduire de 50 % le taux de mortalité des patients STEMI dans la région d’Ottawa depuis 2014. Le Dr Le May a présenté les conclusions de l’essai SAFARI-STEMI lors de la 68e Exposition scientifique annuelle de l’American College of Cardiology (en anglais seulement) qui a eu lieu en mars à La Nouvelle-Orléans, aux États-Unis.
SAFARI-STEMI était une étude ouverte avec répartition aléatoire menée par des chercheurs de l’ICUO, en collaboration avec quatre autres établissements du Canada, c’est-à-dire l’Hôpital général Saint-Boniface de Winnipeg, le Centre cardiaque du Nouveau-Brunswick de l’Hôpital régional de Saint John, le Regional Health Sciences Centre de Thunder Bay, et le Queen Elizabeth II Health Science Centre de Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Au total, 2292 patients adultes ont participé à l’étude et ont été aléatoirement affectés à l’un des deux groupes étudiés : 1156 patients ont été opérés par voie fémorale, tandis que 1136 patients ont été opérés par voie radiale.
Le principal résultat étudié était le taux de mortalité après 30 jours, toutes causes confondues. Ce taux – 1,5 % pour le groupe radial et 1,3 % pour le groupe fémoral – s’est avéré beaucoup plus bas que ce qui était attendu.
Les taux d’AVC, de thrombose sur endoprothèse, de récidive d’infarctus et d’hémorragie ont été étudiés comme résultats secondaires, sans qu’on puisse toutefois établir de différence importante entre les deux stratégies opératoires.
Un Comité de surveillance des données et de l'innocuité (CSDI) indépendant a supervisé l’innocuité et la validité scientifique de l’étude. Le 7 décembre 2018, on a mis fin à l’étude, puisqu’on n’a pas pu établir clairement qu’une voie d’accès était préférable à l’autre.
« Lors de plusieurs rencontres, les membres du CSDI ont reconnu que le taux de mortalité était plus bas que ce à quoi on s’attendait, a précisé le Dr Le May. Une analyse de futilité a été effectuée à la demande du CSDI, puis le CSDI nous est revenu, le Comité directeur s’est réuni et on a mis fin à l’étude. »
L’analyse de futilité – qui évalue la probabilité que l’étude atteigne ses objectifs ou non – a donné un index d’à peine 0,83 pour le principal résultat étudié (la mortalité toutes causes confondues), ce qui signifiait que l’étude SAFARI-STEMI n’avait pas permis de démontrer que l’accès radial était préférable à l’accès fémoral dans le cas d’une ICP primaire.
« L’utilité des essais cliniques est de nous aider à établir quels sont les meilleurs soins pour nos patients, confie le Dr Le May. À l’heure actuelle, je pense que certains médecins se sentent plus à l’aise, ou peut-être plus confiants, de choisir une stratégie en particulier. Je pense que, dorénavant, [la personne responsable de l’opération] devrait pouvoir choisir l’approche qu’elle préfère. »
Selon le Dr Le May, l’étude suggère également que les cardiologues interventionnistes devraient s’efforcer de parfaire leurs compétences en chirurgie par voie fémorale, puisque les données indiquent que les deux stratégies permettent d’obtenir des résultats semblables.
Pour plus d'information :
- Le Dr Peter Block s'entretient avec le Dr Michel Le May lors des séances scientifiques 2019 de l'ACC à propos de l'essai clinique SAFARI-STEMI, qui compare les avantages des ICP par voie radiale et par voie fémorale pour traiter les cas de STEMI (en anglais seulement).