Que ce soit dans la salle d’opération, au laboratoire de cathétérisme ou aux soins intensifs, les anesthésiologistes offrent des soins essentiels aux patients. Ils sont souvent appelés à orienter et à favoriser la récupération des patients les plus gravement malades.
Le Dr Stéphane Lambert a récemment été nommé chef de la Division d’anesthésiologie cardiaque de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). Formé à Montréal, Toronto et San Francisco, il s’est joint à l’Institut en 2005, après avoir travaillé sept ans à l’Hôpital St Michael’s de Toronto.
En cette période de croissance et de transition à l’ICUO, The Beat a demandé au Dr Lambert de nous parler de l’incidence de cette transition et de l’évolution globale des soins cardiovasculaires sur sa division et son domaine en général.
The Beat : Selon vous, quels facteurs auront une influence particulièrement importante sur la Division d’anesthésiologie cardiaque dans les années à venir?
Dr Lambert : La Division d’anesthésiologie cardiaque joue depuis longtemps un rôle essentiel dans les succès de l’Institut de cardiologie. Je suis vraiment honoré de la diriger en cette importante période de croissance, avec la construction du nouvel édifice. C’est très motivant de participer à tout ça.
Parallèlement, la médecine cardiaque et le système de santé continuent d’évoluer.
Quand je suis né, il n’existait pas de traitement définitif pour la maladie coronarienne ni de valvule cardiaque artificielle fiable, et la transplantation cardiaque en était à ses premiers pas. De nos jours, ces éléments font partie de notre pratique quotidienne. On a réalisé des pas de géant sur le plan technologique et technique, et les choses continuent d’avancer.
Cela dit, on doit composer avec des circonstances délicates. Avec la croissance de la population, les listes d’attente constituent un grand sujet de préoccupation. La population vieillit et le système de santé est sous pression, parce que son financement est public et que les ressources financières disponibles sont limitées. Nous sommes tout à fait conscients qu’il faut utiliser ces ressources intelligemment.
The Beat : Qu’en est-il du nombre croissant d’interventions à effraction minimale ou par cathéter, comme l’ITVA et l’implantation de dispositifs MitraClip?
Dr Lambert : L’anesthésiologie cardiaque est intimement liée à la chirurgie cardiaque et à la cardiologie interventionnelle : leur relation est symbiotique. En plus des changements relatifs à notre domaine, nous devons aussi tenir compte de l’évolution d’autres champs de spécialisation, comme les interventions à effraction minimale ou par cathéter, les opérations hybrides, et la chirurgie robotisée, qui pointe à l’horizon.
Ces avancées sont positives pour les patients, puisqu’elles sont moins effractives et qu’elles favorisent une récupération plus rapide. Parallèlement, il faut savoir qu’une intervention à effraction minimale nécessite souvent un recours accru aux soins anesthésiques et peropératoires.
C’est parce que l’anesthésiologiste devient souvent les yeux du chirurgien. En effet, lorsqu’il pratique une opération par une toute petite incision, le chirurgien doit souvent recourir à l’échocardiographie pour se guider. C’est nous qui effectuons les échocardiographies peropératoires, ainsi que d’autres interventions particulières, comme l’anesthésie du poumon, qui consiste à dégonfler l’un des poumons afin que le chirurgien puisse accéder au cœur plus aisément.
La salle d’opération hybride va faciliter le perfectionnement des techniques multidisciplinaires et à effraction minimale, puisqu’elle représente un croisement entre une salle d’opération et un laboratoire de cathétérisme.
The Beat : Tout cela va-t-il modifier le rôle des anesthésiologistes?
Dr Lambert : Le rôle central des anesthésiologistes est de faciliter les choses. On n’opère pas les patients, mais on rend les chirurgies plus sécuritaires et fluides. On fournit directement certains soins, et parallèlement, on facilite la prestation d’autres soins par d’autres professionnels.
On gère l’Unité de soins intensifs de chirurgie cardiaque (USICC) en étroite collaboration avec une équipe multidisciplinaire, mais on y demeure les principaux moteurs.
De par leur formation, les anesthésiologistes sont doués pour la réanimation. L’USICC est donc un prolongement logique de ce que nous faisons dans la salle d’opération. Je nous considère comme des spécialistes des soins cardiaques périopératoires. On participe aux procédures préopératoires — c’est-à-dire la préparation des patients — et postopératoires, notamment en offrant des services d’anesthésie péropératoires, en épaulant les chirurgiens et en effectuant des échocardiographies transoesophagiennes. On réaccompagne ensuite les patients après la période périopératoire active. C’est le modèle de soins anesthésiques qu’on suit à l’Institut de cardiologie depuis plusieurs années.
The Beat : Outre la salle d’opération hybride, quelles nouveautés notre expansion nous réserve-t-elle?
Dr Lambert : Les employés de l’Institut représentent le plus grand atout de l’organisation, et ils seraient en mesure d’exceller dans n’importe quel environnement. Cela dit, en leur offrant une infrastructure de pointe, on va leur permettre de réaliser leur plein potentiel.
Notre nouvel édifice répond à un besoin de renouvellement de nos infrastructures. L’Institut sera non seulement plus performant, mais aussi plus grand. Il est donc nécessaire de développer notre division, puisque les besoins de l’Institut augmentent rapidement. Il faudra toutefois le faire en respectant nos normes de qualité, tant sur les plans de l’excellence clinique, de l’enseignement et de la recherche.
The Beat : Quelles sont vos priorités en ce qui concerne la recherche et la formation?
Dr Lambert : Sur le plan de la recherche, de nombreux dossiers évoluent. Nos membres participent au déploiement d’un protocole périopératoire pour la fibrillation auriculaire à l’Institut. On étudie aussi les résultats à long terme chez les patients gravement malades, ce qui va probablement orienter l’utilisation future des ressources à l’Institut. On participe aussi à plusieurs projets de recherche, notamment sur l’insuffisance cardiaque, la santé cardiaque des femmes et le télé-mentorat.
On mène plusieurs de ces projets en collaboration avec d’autres divisions, ce qui illustre l’importance d’avoir des équipes multidisciplinaires à l’Institut.
Sur le plan de l’enseignement, la notion d’échographie périopératoire au point de service représente une de nos priorités. Les appareils d’échographie portatifs sont en train de remplacer les stéthoscopes, et les possibilités d’utilisation sont multiples. Par exemple, lorsqu’il faut faire un diagnostic d’urgence à l’USI, on peut utiliser ces appareils pour évaluer le cœur du patient, mais aussi ses poumons et son abdomen.
Il y a une grande demande pour de la formation dans ce secteur, tant à l’échelle locale que nationale, et l’Institut possède déjà une expertise en la matière. On est donc très bien placé pour participer à l’effort de diffusion de l’information.
De façon plus générale, on a l’un des meilleurs programmes de bourses en anesthésie cardiaque au pays. On participe aussi à la formation des boursiers en soins intensifs, des boursiers en cardiologie, des résidents en anesthésie et des résidents en chirurgie cardiaque, tant dans la salle d’opération qu’au sein de l’USI. La formation occupe donc une place très importante dans nos activités.
Je pense que la Division d’anesthésiologie cardiaque est essentielle au succès de l’Institut à court et à long termes, et je suis très choyé de diriger un groupe d’anesthésiologistes aussi compétents. Grâce à leur expertise et leur à dévouement, je suis convaincu qu’ils continueront d’offrir des soins de très haute qualité aux patients de l’Institut dans les années à venir.