Notre risque d’être atteint un jour d’une maladie du cœur est attribuable pour moitié à notre bagage génétique et pour moitié à notre âge, à nos habitudes de vie et à d’autres facteurs environnementaux. Certains des risques d’ordre génétique sont le fait de variantes rares ayant une incidence considérable sur leurs porteurs, alors que d’autres viennent de l’effet cumulatif et éventuellement synergique d’un grand nombre de variantes génétiques courantes qui, prises individuellement, auraient peu d’impact. Nous portons tous une combinaison ou une autre de variantes qui jouent sur notre probabilité de devenir cardiaques.
Pendant un certain temps, la communauté scientifique n’arrivait pas à s’entendre sur les causes génétiques de la maladie du cœur : était-ce le fait de variantes rares à l’effet marqué ou de variantes courantes à faible impact?
Des chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), en collaboration avec des équipes de l’Université d’Oxford et du Broad Institute, situé à Cambridge, au Massachusetts, viennent d’élucider la question. Ruth McPherson, M.D., Ph.D., directrice du Centre canadien de génétique cardiovasculaire Ruddy, et Majid Nikpay, Ph.D., chercheur-boursier de niveau postdoctoral, affirment que les fondements génétiques de la maladie du cœur reposent surtout sur l’effet cumulatif de nombreuses variantes génétiques courantes.
Dans le cadre de leur étude, publiée en septembre dans la prestigieuse revue Nature Genetics, les chercheurs se sont servi de données tirées du projet 1000 Genomes pour obtenir des renseignements sur près de 10 millions de variantes génétiques (appelées SNP, pour single nucleotide polymorphism). L’analyse portait sur 60 000 patients atteints d’une maladie du cœur et 120 000 personnes en santé, répartis dans 48 études réalisées de par le monde. Non seulement le nombre de variantes génétiques était beaucoup plus élevé que le million de variantes étudiées précédemment, mais c’était aussi la première fois que des chercheurs pouvaient étudier le lien de variantes génétiques rares observées chez aussi peu qu’une personne sur 1 000 à risque de maladie du cœur.
« Notre analyse est une étude exhaustive de l’architecture génétique fine de la coronaropathie. Elle démontre que la sensibilité génétique à cette maladie répandue est largement déterminée par des SNP courants à l’effet peu prononcé », révèlent les auteurs.
M. Nikpay a par ailleurs utilisé une autre méthode d’analyse statistique pour trouver deux nouveaux marqueurs de risque qui ont une incidence uniquement chez les personnes ayant reçu deux copies du « mauvais gène », soit une de chaque parent. En plus d’avoir découvert un total de 10 nouveaux marqueurs de risque grâce à d’autres approches statistiques, l’équipe de recherche a dressé une liste de 202 variantes génétiques dans 129 régions géniques qui, ensemble, expliquent près de 23 % du caractère héréditaire des maladies coronariennes, contre seulement 11 % dans des études précédentes.
« Bon nombre de ces variantes génétiques exerceront fort probablement leurs effets sur les parois des artères, rendant ces dernières plus vulnérables aux facteurs de risque courants des maladies du cœur, comme le tabagisme, le diabète et l'hypercholestérolémie », d’ajouter la Dre McPherson.
Un certain nombre de stratégies de prévention (comme le contrôle de la tension artérielle et l’abandon du tabac) ciblent les parois artérielles, mais la grande majorité des traitements pharmacologiques actuels qui visent à réduire le risque de coronaropathie agissent sur le taux de cholestérol sanguin. Très peu ciblent directement les processus liés aux parois vasculaires. Des études plus poussées sur de nouveaux aspects de la biologie des parois vasculaires, ceux qui ont un lien génétique mais qui n’ont pas encore été explorés en athérosclérose, pourraient conduire à une nouvelle compréhension des fondements complexes de la maladie coronarienne et à de nouvelles cibles de traitement.