Sous sa forme la plus simple, CRISPR-Cas9 est un outil de manipulation génétique très populaire et fort puissant, que l’on peut décrire comme une « machine » ayant deux fonctions : a) trouver et remplacer, et b) trouver et supprimer, des éléments de l’ADN.
La première fonction de cette « machine », donc, serait guidée par ARN, une courte séquence de code conçue pour correspondre au segment d’ADN que l’on souhaite détecter. La deuxième fonction est réalisée à l’aide d’une protéine appelée Cas9, qui agit essentiellement comme une paire de ciseaux. Ainsi, CRISPR-Cas9 explore la molécule d’ADN d’un noyau cellulaire jusqu’à ce qu’il détecte la séquence correspondant au guide ARN.
Alors, Cas9 se met au travail : il découpe l’ADN et s’assure de la correspondance, après quoi il coupe la double hélice en deux, formant ce que l’on appelle un double brin. Ce processus permet aux chercheurs d’améliorer ou de remplacer un gène ciblé. C’est pourquoi l’édition génomique à l’aide d’outils comme CRISPR-Cas9 est si importante.
Briser la tradition
« Être en mesure d’introduire un double brin dans l’ADN, c’est ce qui fait de CRISPR-Cas9 une technologie si importante pour la recherche cardiovasculaire », explique le Dr Kiran Musunuru, professeur agrégé de médecine cardiovasculaire et de génétique à l’École de médecine Perelman de l’Université de la Pennsylvanie, lors de sa présentation à la 6e Conférence internationale d’Ottawa sur la cardiologie intitulée « Médecine de précision et maladie cardiovasculaire ».
« Être en mesure d’introduire un double brin dans l’ADN, c’est ce qui fait de CRISPR-Cas9 une technologie si importante pour la recherche cardiovasculaire. »
- Dr Kiran Musunuru
CRISPR-Cas9 permet aux chercheurs, et un jour, peut-être, permettra aux médecins, d’intervenir rapidement et directement dans les gènes responsables d’une maladie, de réparer des mutations associées à des maladies et d’insérer de nouveaux gènes qui peuvent atténuer, voire guérir des maladies. Comme CRISPR-Cas9 a fonctionné à merveille in vitro (sur des cellules cultivées) et in vivo (dans des animaux vivants), il existe manifestement des pistes thérapeutiques menant potentiellement à la prévention, voire à la guérison de certaines cardiopathies.
Le Dr Musunuru et ses collègues ont par exemple démontré l’édition génomique à l’aide de CRISPR-Cas9 peut réduire significativement les taux de cholestérol sanguin chez les souris en perturbant le gène appelé PCSK9. Cette approche indique que l’inhibition de PCSK9 a un potentiel thérapeutique en ce qui concerne la prévention de l’athérosclérose. Les données préliminaires montrent que CRISPR-Cas9 offre par ailleurs du potentiel pour un certain nombre d’autres maladies cardiovasculaires.
Des questions complexes à l’horizon
Si les dernières avancées en édition génomique de précision ont des répercussions majeures sur l’avenir des soins de santé et des traitements pour les maladies cardiovasculaires, elles soulèvent aussi d’importantes questions éthiques. Question particulièrement délicate : la modification génétique des cellules germinales, comme celles des ovaires, des spermatozoïdes ou des embryons, qui se transmet à la descendance et qui est permanente.
Selon une étude récente publiée dans le journal de l’American Heart Association, Circulation: Cardiovascular Genetics, une majorité de chercheurs en santé cardiovasculaire pense que le public devrait être consulté avant de procéder à une manipulation génétique héréditaire dans un cadre clinique.
Le Dr Musunuru partage cette opinion et recommande que des consultations publiques et des groupes de travail soient formés pour déterminer les paramètres à respecter en ce qui concerne la manipulation génétique des cellules germinales.
« L’édition génomique de précision a déjà des répercussions majeures en recherche fondamentale cardiovasculaire, affirme le Dr Musunuru. On doit commencer à se poser des questions très complexes : Jusqu’où irons-nous? Qui aura la responsabilité de prendre les décisions? »