Vingt ans de campagnes d’information dans les médias ont sensibilisé les femmes au cancer du sein et au risque qu’il présente. Se pourrait-il toutefois que la vague de rubans roses ait occulté d’autres menaces pour la santé des femmes, comme les maladies cardiovasculaires?
Selon une étude de l’American Heart Association publiée en 2004, 34 % des femmes voient le cancer du sein comme un risque pour leur santé, même si, dans les faits, les maladies cardiovasculaires font deux fois plus de victimes par année que tous les cancers réunis. Selon des données de 2011 de la Société canadienne du cancer, le taux de survie après cinq ans des femmes atteintes du cancer du sein frôle les 90 %. Or, comme elles vivent maintenant plus longtemps, les survivantes sont aussi plus vulnérables aux maladies cardiovasculaires.
Le cancer du sein et les maladies cardiovasculaires ont plusieurs facteurs de risque en commun, dont la sédentarité, l’obésité, le diabète, le tabagisme et l’hypertension. De saines habitudes alimentaires réduisent le risque de cancer du sein, de maladie cardiovasculaire et de bien d’autres affections. La Dre Michele Turek, cardiologue à L’Hôpital d’Ottawa et à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), est conseillère médicale au Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes. « Les liens entre le cancer du sein et les maladies cardiovasculaires sont si étroits, dit-elle, que les femmes devraient se faire tester pour les deux en même temps. »
« Les liens entre le cancer du sein et les maladies cardiovasculaires sont si étroits que les femmes devraient se faire tester pour les deux en même temps. »
- Dre Michele Turek, cardiologue à L’Hôpital d’Ottawa et à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
La Dre Turek explique que les traitements du cancer du sein, comme la chimio- et la radiothérapie, peuvent causer des effets cardiotoxiques à long terme, ce qui augmente le risque de maladie du cœur.
La Clinique de cardiologie-oncologie de L’Hôpital d’Ottawa, première du genre au Canada, a été fondée en 2008 pour s’occuper de ce genre de dilemmes thérapeutiques. La majorité des patients qui y sont envoyés par leur spécialiste du cancer ont déjà terminé leur traitement. La clinique permet aux chercheurs de L’Hôpital d’Ottawa et de l’ICUO de réaliser des études pour améliorer les soins.
Le Dr Gary Small est cardiologue et chercheur clinicien à l’ICUO. Ses collègues et lui ont montré que les examens de tomodensitométrie utilisés pour établir le stade du cancer peuvent et devraient aussi servir à mesurer la quantité de calcium dans les artères coronaires. Ceci pourrait aider les médecins à déterminer si les patientes atteintes d’un cancer du sein peuvent recevoir certains traitements cardiovasculaires préventifs.
« Si on peut prendre en charge et traiter les facteurs de risque communs au cancer du sein et à la maladie du cœur, le risque de problèmes de cœur chez les survivantes du cancer du sein diminuera, estime la Dre Turek. Advenant un cancer, les facteurs de risque seront déjà maîtrisés, et la personne sera moins susceptible de subir les effets toxiques des traitements. »
Par leurs recherches, les cliniciens peuvent aider à corriger les lacunes dans les connaissances et les pratiques en informant les autres professionnels de la santé lors de congrès, symposiums et conférences, le tout dans le but de mieux évaluer et prendre en charge les patients.
Une stratégie potentiellement prometteuse serait de créer des campagnes de sensibilisation qui s’adressent aux femmes et qui portent à la fois sur le cancer du sein et les maladies cardiovasculaires.
La campagne Tout le monde en rouge, par exemple, est axée sur la santé cardiaque des femmes. Pourrait-on envisager un partenariat entre Tout le monde en rouge et le La course à la vie pour mieux faire connaître les risques à l’endroit de la santé des femmes?
La Dre Turek estime que dans les deux cas – cancer du sein et maladies cardiovasculaires – les messages visant la prévention et les soins post-traitement doivent être axés sur la modification des habitudes de vie. Selon elle, les professionnels de la santé, à commencer par les médecins de famille, doivent travailler ensemble pour communiquer ces messages aux patients.
Un mode de vie actif et une saine alimentation sont recommandés pour améliorer les chances de survie et prendre soin de soi après un traitement pour le cancer. Les patients qui continuent à faire de l’exercice pendant et après les traitements ont tendance à mieux s’en sortir que les autres, ce qui est particulièrement vrai chez les patientes atteintes d’un cancer du sein.
À ce sujet, précise la Dre Turek, un peu d’exercice vaut mieux que rien du tout.
« Tout ce que vous faites pour garder votre cœur en santé est aussi utile pour prévenir d’autres maladies, dont le cancer, dit-elle. Les personnes qui prennent soin de leur cœur sont moins susceptibles d’avoir le cancer plus tard. »