Coincé dans une toute petite salle, le premier appareil de tomographie par émission de positons (TEP) de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa permet enfin d’offrir des services d’imagerie par TEP pour les patients cardiaques un jour par semaine. Nous sommes en 1995, et le cardiologue Rob Beanlands, M.D., le physicien Robert deKemp, Ph.D., et la technicienne en médecine nucléaire May Aung sont très heureux de lancer le programme de recherche en imagerie par TEP.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, de 15 à 20 patients ont accès chaque jour à l’expertise et à la technologie de pointe du Centre national de TEP cardiaque, lequel a contribué à l’avancement des soins aux patients, à l’élaboration de produits et de services commerciaux et aux politiques en matière de santé.
« Nous faisons partie du premier et unique centre d’imagerie par TEP au Canada qui se consacre à l’avancement des connaissances sur la santé cardiovasculaire, les maladies cardiovasculaires et leurs traitements par la recherche en imagerie », explique le Dr Beanlands, chef de la Division de cardiologie et directeur fondateur du Centre de TEP. « Il se fait plus d’imagerie par TEP cardiaque ici que n’importe où ailleurs au Canada. »
La TEP cardiaque est une technique d’imagerie nucléaire non effractive qui permet de mesurer l’activité cellulaire du cœur qui, autrement, demeurerait invisible. En introduisant dans le sang du patient de petites quantités d’isotopes radioactifs de courte durée, les cardiologues peuvent voir en temps réel quelles parties du cœur utilisent certaines substances et dans quelle mesure le cœur du patient fonctionne bien. Un examen de TEP permet de voir les processus biochimiques à l’intérieur du corps humain.
Le Centre utilise la TEP pour diagnostiquer les maladies du cœur et évaluer l’effet de réparations comme les opérations ou les dispositifs implantés. Les données fournies par la TEP cardiaque aident les cardiologues et les chirurgiens à déterminer quel est le meilleur traitement pour un patient.
« La TEP fournit une mesure d’évaluation unique du débit et de la fonction cardiaque que les autres techniques ne peuvent fournir ou fournissent avec une moins grande précision », explique le Dr Beanlands. « En résumé, la TEP fournit des images de plus haute résolution et l’accès à une biologie plus sophistiquée dans le corps humain, ce qui permet aux médecins de prendre de meilleures décisions de traitement pour un patient, y compris de trouver la meilleure manière d’orienter les soins pour ce patient. »
L’Institut de cardiologie est universellement reconnu pour ses travaux d’évaluation et d’élargissement des capacités de l’imagerie par TEP cardiaque. « Nous avons été très actifs sur le plan clinique et en recherche, souligne le Dr Beanlands, ce qui nous a permis d’accroître notre capacité de fournir ces services et de répondre à la demande croissante en imagerie par TEP. »
Le cyclotron, un accélérateur de particules compact accessible au Centre de TEP même, donne au groupe la rare capacité de produire bon nombre de ses propres isotopes médicaux. La production d’isotopes à l’Institut de cardiologie est particulièrement bénéfique compte tenu des arrêts occasionnels du réacteur de Chalk River, qui produit une quantité considérable de technetium-99m, l’isotope le plus utilisé au monde pour toutes les modalités d’imagerie.
L’acquisition du cyclotron a été une étape clé pour le Centre, surtout en raison de sa capacité de produire du fluorodésoxyglucose (FDG), l’indicateur radioactif le plus utilisé en imagerie par TEP cardiaque, et d’évaluer le métabolisme du muscle cardiaque. L’imagerie de viabilité au FDG, ou TEP au FDG, permet de déterminer dans quelle mesure le muscle cardiaque a été endommagé par une maladie du cœur ou une crise cardiaque.
L’une des plus importantes réalisations cliniques du groupe a été de boucler le cycle de l’isotope FDG – de la recherche fondamentale à la production commerciale, en passant par l’approbation clinique et réglementaire – tout cela par ses propres moyens. Grâce à sa désignation officielle comme site de production, le Centre de TEP est devenu une ressource locale qui produit le FDG et le commercialise auprès d’autres hôpitaux et établissements de la région. « Normalement, le processus pour obtenir une désignation de Santé Canada est fait uniquement par l’industrie, explique le Dr Beanlands. Pour notre établissement, le fait d’avoir réussi par nos propres moyens est un très grand succès. »
L’intérêt manifesté par le Centre de TEP pour le FDG au cours des deux dernières décennies a joué un rôle majeur dans le remboursement des examens de TEP au FDG par la province. En démontrant cliniquement que l’examen pouvait aider les médecins à faire de meilleurs choix de traitement entre la revascularisation, le pontage, la pose d’endoprothèses ou la transplantation, le Centre a aidé à faire accepter sa couverture aux termes du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario (RAMO). « Cela crée un important précédent », dit Robert deKemp, physicien principal en imagerie de l’Institut de cardiologie. « Cela a permis à d’autres hôpitaux, non seulement en Ontario mais aussi ailleurs au Canada, de reconnaître que la TEP au FDG est une technologie d’une importance capitale pour venir en aide aux patients extrêmement vulnérables qui présentent une forme avancée de maladie du cœur. »
De plus, le Centre de TEP de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa s’est affirmé comme puissance dans le développement d’indicateurs radioactifs. Depuis la création du Centre, M. deKemp a été un ardent défenseur du rubidium-82 (Rb-82) pour l’imagerie de perfusion, qui aide au diagnostic de la maladie coronarienne en mesurant le débit sanguin du muscle cardiaque.
Les arrêts imprévus du réacteur de Chalk River en 2007 et 2009 ont mis en évidence la fragilité de la dépendance aux radio-isotopes produits en réacteur, en plus de mettre en lumière le rubidium‑82 comme solution de rechange viable non produite en réacteur. Le Centre de TEP a reçu des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) du financement pour offrir à d’autres sites canadiens une formation sur l’utilisation du rubidium dans l’imagerie de perfusion du cœur.
« Notre leadership en la matière découle de notre capacité de transposer rapidement et directement nos techniques de recherche en laboratoire dans les soins aux patients et de procéder ainsi à une intervention médicale plus tôt que prévu », explique M. deKemp.
Robert deKemp détient plusieurs brevets pour son générateur de rubidium. Un projet qui est passé de l’idéation à la commercialisation est le générateur de rubidium portable appelé Ruby-Fill®, mis au point avec DraxImage, un partenaire de l’industrie. Sa vente au Canada a été récemment approuvée par Santé Canada.
« Le rubidium est un radio-isotope qui a une demi-vie extrêmement courte – moins de 90 secondes – ce qui ne laisse même pas le temps de l’aspirer dans une aiguille, dit-il. Le rubidium produit par le générateur rechargeable peut être administré directement au patient étendu sur le lit de TEP à l’aide d’un système de pompe. Cela rend le rubidium et l’examen beaucoup plus accessibles pour les patients au Canada et éventuellement aux quatre coins du monde. »
Les travaux de M. DeKemp ont aussi mené à la création de FlowQuant©, un outil logiciel clinique et de recherche qui quantifie le débit sanguin myocardique dans les petits vaisseaux et les vaisseaux à très faible volume à partir d’images médicales nucléaires. Il permet aux chercheurs d’examiner de minuscules vaisseaux pour voir les effets microcirculatoires du diabète, par exemple, et l’effet des hormones sur le cœur.
Le Dr Beanlands est fier du travail accompli par le Centre de TEP pour faire de l’imagerie par TEP un outil permettant d’établir de meilleurs diagnostics et de prendre de meilleures décisions, mais aussi pour trouver de nouveaux traitements. « Nous avons maintenant le moyen d’identifier les gens atteints d’une maladie diffuse qui serait sans doute restée sous-estimée, et de définir la maladie des petits vaisseaux, courante chez les femmes », explique-t-il.
Il est certain que beaucoup d’autres réussites sont à venir. « Notre programme de fonction et d’imagerie moléculaires est un programme de recherche structuré qui offre un milieu propice à la formation de jeunes chercheurs, cliniciens, infirmières et techniciens. Ces gens sont la pierre angulaire de nos recherches actuelles et futures », ajoute le Dr Beanlands.
« Le Centre de TEP permet aux cardiologues et aux chirurgiens de rester à la fine pointe du diagnostic et du traitement des maladies du cœur, ajoute-t-il. Nous pouvons prendre ce que nous avons appris en laboratoire et l’appliquer directement aux soins aux patients, ajoute-t-il. C’est ainsi que nous demeurerons aux frontières de l’innovation et de découvertes qui aideront à mieux soigner les gens. »
Jalons de l’imagerie par TEP à l’ICUO | |
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2015 | FlowQuant©, un logiciel pour quantifier le débit sanguin myocardique dans les petits vaisseaux, est offert à la vente par INVIA Medical Solutions. Une collaboration voit le jour avec l’Institut de recherche en santé mentale du Royal Ottawa sur l’utilisation de l’imagerie par TEP pour obtenir des images des structures du cœur jouant un rôle dans la fibrillation auriculaire. Obtention d’importantes subventions d’achat d’appareils du Fonds pour la recherche en Ontario. |
2011 | La version commerciale du générateur de rubidium-82 est approuvée pour la vente par Santé Canada. Des examens sont en cours aux États-Unis, en Europe, au Japon et dans d’autres pays. L’Ontario annonce que la TEP cardiaque est un service de santé assuré par le Régime d’assurance-maladie de l’Ontario (RAMO), une décision reposant fortement sur les recherches cliniques du Centre de TEP. |
2009 | Comme suite à la crise des isotopes de Chalk River, le Centre de TEP reçoit plus d’un million de dollars des IRSC pour évaluer l’usage du rubidium dans l’imagerie de perfusion myocardique. Le Dr Rob Beanlands, alors chef du service d’imagerie cardiaque et directeur du Centre national de TEP cardiaque, témoigne au comité de la santé de la Chambre des communes sur la pénurie d’isotopes. |
2007 | Le Centre de TEP octroie une licence à la société radiopharmaceutique Jubilant DraxImage pour la technologie de générateur de rubidium portable. Obtention d’importantes subventions de la Fondation canadienne pour l’innovation pour l’achat de tomodensitomètres précliniques et TEP/TDM. |
2006 | Le Centre de TEP fait l’acquisition d’un appareil de TEP/TDM de pointe avec capacités de radiographie et de TEP. |
2003 | Santé Canada approuve l’usage expérimental du générateur de rubidium. Le Centre de TEP participe à l’essai clinique PARR2 visant à déterminer l’incidence et la rentabilité de la TEP au FDG en présence d’un dysfonctionnement ventriculaire gauche. |
2002 | Le Centre national de TEP ouvre officiellement ses portes et un cyclotron est installé à l’Institut de cardiologie. |
1999 | Obtention d’importantes subventions de la Fondation canadienne pour l’innovation pour l’achat d’un cyclotron et d’équipements de laboratoire. |
1997 | Le groupe d’imagerie par TEP réalise ses premiers examens d’imagerie par TEP au rubidium-82 sur des patients. |
1996 | Le groupe d’imagerie par TEP fabrique son premier générateur de rubidium pour des études précliniques et des essais de validation. |
1995 | Établissement du programme canadien de recherche sur la tomographie par émission de positons (TEP). |