Un aidant qui prodigue des soins à un proche malade peut se sentir valorisé et vivre un sentiment d’intense satisfaction. Le personnel de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) croit cependant qu’ironiquement, le rôle d’aidant —et tous les facteurs de stress psychologique, émotionnel, physique, social et financier qui l’accompagnent – représente une menace pour la santé de l’aidant. De plus en plus de données suggèrent maintenant que les aidants naturels (ceux qui donnent des soins informels et non payants à un proche souffrant d’une maladie chronique ou d’un handicap) peuvent présenter un risque accru de développer une maladie cardiovasculaire eux-mêmes. Les professionnels de la santé devraient‑ils en faire plus pour surveiller et dépister les changements dans l’état de santé des aidants? Cela favoriserait‑il la santé du patient et de l’aidant?
« Il est très clair que les aidants ont besoin de plus de soutien », indique Heather Tulloch, psychologue clinicienne en santé et réadaptation, scientifique et directrice du Laboratoire de psychologie de la santé cardiovasculaire et de médecine comportementale de l’ICUO. Mme Tulloch est l’auteure principale d’une synthèse méthodique publiée le mois dernier dans le Journal canadien de cardiologie sur les facteurs directs (c.‑à‑d. physiologiques) et indirects (c.‑à‑d. comportementaux, émotionnels) qui relient la détresse des aidants et le risque qu’ils développent eux-mêmes une maladie cardiovasculaire.
« Notre synthèse met en lumière le fait que les aidants – de patients souffrant d’une maladie cardiaque, et particulièrement, les conjoints aidants — pourraient présenter des risques cardiovasculaires accrus s’ils ne reçoivent pas le soutien nécessaire pour pouvoir gérer leur stress », poursuit Karen Bouchard, première auteure du rapport et chercheuse boursière de niveau postdoctoral au sein de la Division de prévention et de réadaptation de l’ICUO. « Nous devons absolument reconnaître le stress que de nombreux aidants naturels vivent pour éviter qu’ils ne deviennent la prochaine génération de patients cardiaques. »
Durant leur étude, Mme Bouchard et ses collaborateurs ont constaté que l’incidence de l’hypertension (tension artérielle élevée), un facteur de risque de maladie cardiovasculaire, doublait chez les personnes qui fournissent des « soins de haute intensité » (soit plus de 14 heures par semaine). Des recherches récentes indiquent également que les aidants sont plus susceptibles que les non-aidants de continuer à fumer et à avoir une alimentation élevée en gras saturés, de faire moins d’activité physique, de dormir moins et de prendre moins soin d’eux-mêmes.
Selon Mme Tulloch, le risque est encore plus élevé pour les conjoints aidants, surtout à cause du mode de vie qu’ils partagent avec leur conjoint patient et de leur propension à faire passer les besoins de celui-ci avant les leurs. De plus, de nombreuses caractéristiques communément observées dans les relations entre conjoints aidants et patients, que ce soit le changement de rôle du conjoint, la dissipation du sentiment de partenariat, l’aggravation des problèmes d’ordre sexuel ou l’intensification du fardeau de l’aidant, peuvent éroder la qualité de la relation, ce qui ne fait qu’augmenter la détresse de l’aidant.
Mme Tulloch et Mme Bouchard déclarent : « Le développement d’approches pratiques pour améliorer la qualité de la relation aidant-patient grâce à des programmes de prévention secondaires et l’évaluation des effets de ces interventions sur l’amélioration des résultats cliniques du patient et de la santé globale de l’aidant sont des étapes nécessaires ».
Mme Tulloch et ses collègues évaluent actuellement ce concept à l’aide de Guérir les cœurs ensemble, un programme éducatif de huit semaines axé sur l’amélioration de la relation entre patients et partenaires dans le cadre duquel ils peuvent explorer leur relation et la santé cardiaque ensemble. Durant cette intervention de groupe, les participants partagent leur expérience unique de la maladie cardiaque à leur partenaire et à leurs pairs et ils apprennent à s’exprimer quant à leur besoin d’établir des liens et d’être rassurés.
Les premiers résultats du programme confirment que celui-ci permet d’améliorer la qualité des relations, la santé mentale et certains indicateurs de la qualité de vie chez les participants. Cependant, une évaluation contrôlée de l’incidence du programme sur les facteurs de risque cardiovasculaire est toujours en cours.
Le programme Guérir les cœurs ensemble à l’ICUO pourrait bien représenter un pas dans la bonne direction. « La conversation sur le rôle d’aidant évolue », ajoute Mme Bouchard. « Nous sommes de plus en plus conscients des risques, mais nous pouvons en faire plus pour aider ces personnes. »
« Dans la plupart des cas, le système traite les aidants comme des invités supplémentaires à la table », dit Mme Tulloch. « Ils s’assoient à la table, ils occupent une place, mais personne ne les regarde et encore moins ne leur adresse la parole. »
Pour plus d’information, consultez l’article de Karen Bouchard et de ses collaborateurs intitulé « Reducing Caregiver Distress and Cardiovascular Risk: A Focus on Caregiver-Patient Relationship Quality » et l’éditorial de Monica Parry « Caregiver Burden and Cardiovascular Disease: Can We Afford to Keep the Health of Caregivers in Canada Invisible? » qui l’accompagne. (Ces deux documents ne sont disponibles qu’en anglais.)
Heather Tulloch et ses collègues recrutent activement des patients de l’ICUO et leurs conjoints aidants pour qu’ils participent au programme Guérir les cœurs ensemble. Pour savoir comment vous inscrire au programme, communiquez avec la coordonatrice de recherche au 613-696-7000, poste 15406, ou envoyez un courriel à couples@ottawaheart.ca.
Un guide complet destiné aux aidants de patients de l’ICUO est en cours de rédaction. Vous pouvez suivre l’Association des anciens patients de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa sur Facebook. Vous trouverez également, sur le site Web de l’Association, des liens vers des ressources importantes pour les aidants.