Il a été démontré que la réadaptation cardiaque contribue à réduire les taux de morbidité et de mortalité ainsi que les incidents subséquents chez les patients souffrant de différentes complications. Des chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) soutiennent toutefois que les programmes de réadaptation cardiaque ne profitent pas de façon égale à tous les patients. Les patients qui s’en tirent le moins bien sont souvent en surpoids, obèses ou gravement obèses. Selon les chercheurs, ce problème pourrait s’aggraver si on n’élabore pas des interventions adaptées aux besoins de ces patients, dont le nombre est croissant.
Dans un article récemment publié (en anglais seulement) dans l’édition de juin du Canadian Journal of Cardiology, Tasuku Terada, Ph.D., et ses collaborateurs se penchent sur la santé psychosociale et cardiométabolique des patients de consultation externe ayant suivi un programme de réadaptation de trois mois à l’ICUO, l’un des programmes les plus importants et les plus avancés en son genre au Canada. Les dossiers médicaux de 582 patients de consultation externe ont été analysés aux fins de cet article. On a consigné l’indice de masse corporelle (IMC) des patients au début du programme, puis on les a répartis en quatre catégories : poids normal (117), en surpoids (264), obèses (126) ou gravement obèses (75).
« Nous avons spécifiquement cherché à déterminer si l’IMC des patients influençait les avantages qu’ils tiraient de la réadaptation cardiaque en termes de santé psychosociale et cardiométabolique »
- Tasuku Terada, chercheur boursier de niveau postdoctoral, ICUO
« Nous avons spécifiquement cherché à déterminer si l’IMC des patients influençait les avantages qu’ils tiraient de la réadaptation cardiaque en termes de santé psychosociale et cardiométabolique », explique le M. Terada, qui est le premier auteur de l’article et chercheur boursier de niveau postdoctoral au Laboratoire de physiologie de l’exercice et de santé cardiovasculaire de l’ICUO.
Les auteurs ont découvert qu’au début du programme, les patients gravement obèses avaient un indice d’état physique (IÉP) inférieur aux patients ayant un IMC « normal ». L’IÉP est un indice multifactoriel permettant d’évaluer la qualité de vie liée à la santé d’une personne selon ses fonctions physiques, ses limitations physiques, la douleur corporelle qu’elle ressent et sa santé générale. Parallèlement, les patients gravement obèses avaient des taux élevés d’anxiété, de dépression, d’hémoglobine glyquée A1c et de triglycérides, et des taux réduits de cholestérol à lipoprotéines de haute densité. On a aussi observé des taux élevés de douleur chronique chez ses individus au début du programme.
« Ces données nous indiquent que les patients obèses ou gravement obèses entreprennent leur réadaptation cardiaque dans un moins bon état psychosocial et cardiométabolique que ceux ayant un IMC plus faible », explique Jennifer Reed, Ph.D., chercheuse à la Division de prévention et de réadaptation, et directrice du Laboratoire de physiologie de l’exercice et de santé cardiovasculaire de l’ICUO. « Cela implique que ces patients ont un risque accru d’avoir des incidents cardiovasculaires subséquents. »
Et ce n’est pas tout : après le programme de réadaptation de trois mois, l’amélioration de l’IÉP des patients obèses ou gravement obèses était inférieure à celle des patients ayant un IMC moins élevé, et ce, même s’ils avaient pourtant perdu davantage de poids.
M. Terada et Mme Reed en concluent que l’amélioration des soins des programmes de réadaptation cardiaque profiterait aux patients.
« L’ampleur de ce problème va aller en s’aggravant, estime Jennifer Reed. Les programmes de réadaptation cardiaque vont accueillir de plus en plus de patients obèses ou gravement obèses chaque année. La santé psychologique de ces patients va continuer de poser problème. Bref, on doit réfléchir davantage aux programmes qu’on offre aux patients obèses et gravement obèses. Le statu quo n’est pas une option. »
Dans son édition de juin, le Canadian Journal of Cardiology publie également un éditorial (en anglais seulement) appuyant les mêmes conclusions. Les auteurs insistent sur la nécessité absolue d’améliorer les programmes de réadaptation cardiaque au Canada.
« Cet article souligne clairement que les personnes obèses qui suivent une réadaptation cardiaque doivent surmonter deux maladies chroniques concomitantes et pourraient avoir besoin d’un traitement plus individualisé pour optimiser leur rétablissement et leur longévité, explique l’éditorial. Les conclusions de M. Terada et de ses collaborateurs indiquent très clairement qu’une approche unique de réadaptation cardiaque ne fonctionnera pas de la même façon pour tous les patients. Il faut plutôt s’efforcer de personnaliser les traitements en offrant aux patients cardiaques des interventions adaptées à leurs facteurs de risque et à leurs préférences particulières. »
Jennifer Reed est du même avis.
« C’est important de passer du temps de qualité avec les patients et de leur demander quelles activités physiques ils souhaitent pratiquer, a-t-elle indiqué à The Beat. Selon leurs contraintes physiques, ces patients seront plus à l’aise de pratiquer certaines activités que d’autres. En ce qui concerne la santé cardiaque et l’activité physique, en règle générale, plus on est actif, mieux c’est. »
Tasuku Terada ajoute : « On ne peut pas faire les mêmes recommandations à tout le monde et s’attendre à ce que leur progression soit identique. Les données indiquent clairement que ce n’est pas le cas. »
Selon M. Terada et Mme Reed, des interventions conçues pour favoriser de saines habitudes comme une activité physique régulière et des stratégies alimentaires saines après la réadaptation cardiaque représentent un pas dans la bonne direction. Le Centre de prévention et mieux-être de l’ICUO propose plusieurs outils et ressources sur son site Web, dont un guide sur l’activité physique pour les patients en réadaptation cardiaque, ainsi que des conseils pour s’alimenter sainement.
« Chaque patient a un corps différent et des besoins uniques, rappelle Tasuku Terada. Il faut en faire plus pour que les futurs programmes de réadaptation cardiaque soient adaptés à ces besoins divers. »