Un appel à l’action pour mieux soigner le cœur des femmes au Canada

28 janvier 2025
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L’Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes lance un appel à l'action pour s’attaquer au manque criant de programmes de santé cardiaque s’adressant spécifiquement aux femmes.

L’Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes (ACSCF) lance un appel à l'action pour s’attaquer au manque criant de programmes de santé cardiaque s’adressant spécifiquement aux femmes.

Première cause de décès chez les femmes au Canada, les maladies du cœur demeurent sous-diagnostiquées et insuffisamment traitées et étudiées chez cette population. Tant les professionnels de la santé que le public ont peu conscience des risques, ce qui a entraîné d’importantes disparités dans le traitement et l’issue de ces maladies chez les femmes.

Des initiatives comme la journée Tout le monde en rouge, qui se tient chaque année le 13 février, ont beaucoup aidé à changer le discours sur la santé cardiaque des femmes. Toutefois, l’ACSCF revendique maintenant des changements systémiques qui vont au-delà des activités de sensibilisation.

Pilotée par le Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes (CCSCF) à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), l’ACSCF appelle les décideurs, les prestataires de soins de santé et les communautés à s’unir pour augmenter le nombre de programmes de santé cardiaque des femmes au Canada.

Les femmes désavantagées

Malgré les avancées en médecine, les maladies cardiaques sont encore considérées comme des « maladies d’hommes », ce qui entraîne des erreurs de diagnostic, des retards dans les traitements et des soins inadéquats chez les femmes. Leurs symptômes de crise cardiaque (dont la nausée, la fatigue, des vertiges, une sensation d’indigestion, des douleurs au dos ou à l’épaule), par exemple, sont souvent ignorés ou mal interprétés. Bien des femmes ne reçoivent donc pas les soins dont elles ont besoin à temps, ce qui fait qu’elles s’en tirent moins bien que les hommes.

Les disparités ne se limitent pas aux crises cardiaques. Certaines affections cardiaques sont plus courantes chez les femmes que chez les hommes, comme la dissection spontanée de l’artère coronaire, le spasme coronarien, la dysfonction microvasculaire et la cardiomyopathie provoquée par le stress (ou « syndrome du cœur brisé »).

Ces difficultés sont exacerbées par le manque de programmes complets adaptés aux besoins cardiovasculaires uniques des femmes.

Charlotte Girard
« La maladie est un parcours, et non une destination », Charlotte Girard, militante et femme ayant une expérience vécue.

Charlotte Girard est membre de l’ACSCF depuis 2019. Elle a souffert d’une série de symptômes invalidants — douleurs à la poitrine, fatigue extrême, problèmes de vision et autres — pendant deux ans avant de recevoir un diagnostic d’angor microvasculaire et de spasmes coronariens.

L’angor microvasculaire est une douleur à la poitrine causée par le mauvais fonctionnement des petits vaisseaux sanguins qui irriguent le cœur, ce qui fait que le muscle cardiaque ne reçoit pas assez d’oxygène. Les spasmes coronariens sont des contractions soudaines et passagères des vaisseaux sanguins, ce qui restreint la circulation du sang et entraîne des douleurs à la poitrine et d’autres symptômes. Les deux affections peuvent causer de la douleur et des problèmes de respiration.

« Les douleurs thoraciques, l'essoufflement au moindre effort, les spasmes cardiaques et le brouillard mental, accompagnés d'une fatigue extrême omniprésente, étaient mon lot quotidien », a déclaré Charlotte Girard à propos de son expérience. « Pendant 18 mois, j'ai subi de nombreux examens pour tenter d'obtenir des réponses. »

Même si elle a consulté une ribambelle de spécialistes, ce n'est qu'après s’être jointe à un groupe de soutien et être tombée sur un cardiologue dévoué qu'elle a reçu le bon diagnostic. Après un congé de maladie de trois ans, elle a repris le travail dans un rôle plus sédentaire qu’elle conservera jusqu’à sa retraite.

En tant que membre de l’ACSCF, elle milite maintenant pour que les femmes aient accès à des soins de qualité en temps opportun.

Plaidoyer pour des programmes spécialisés

Malheureusement, les histoires comme celles de Charlotte Girard sont encore monnaie courante.

Lisa Comber, ICUO
Lisa Comber supervise divers projets de sensibilisation, d’éducation et d’action locaux et nationaux visant à combler les lacunes en matière de soins, de recherche et de soutien dans le domaine de la santé cardiovasculaire des femmes au Canada.

En ce moment, il n’existe dans tout le Canada que sept programmes de santé cardiaque s’adressant spécifiquement aux femmes, précise Lisa Comber, gestionnaire de l’ACSCF et responsable des activités d’application des connaissances du CCSCF.

Ces programmes sont : le Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes et la Women’s Cardiovascular Health Initiative en Ontario, la Maritime Heart Centre’s Women’s Heart Health Clinic à Halifax (Nouvelle-Écosse), Cardio F et le Programme pour la santé cardiaque des femmes à Montréal (Québec), la Women’s Heart Clinic à Saskatoon (Saskatchewan) et la Leslie Diamond Women’s Heart Health Clinic à Vancouver (Colombie-Britannique).

L'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et les territoires n’ont pas encore de programme spécialisé pour les femmes.

Or, la recherche a démontré que ce type de programme se traduisait par de meilleurs soins et de meilleurs résultats, car ils ciblent les affections et facteurs de risque propres aux femmes, comme la cardiomyopathie du péripartum, le syndrome des ovaires polykystiques et les impacts cardiovasculaires de la ménopause et d’autres changements hormonaux.

Kerri-Anne Mullen, UOHI
Kerri-Anne Mullen, Ph.D., est codirectrice de l’équipe de santé cardiaque des femmes à l’ICUO et coprésidente de l’Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes. En recherche, elle s’intéresse tout particulièrement aux effets des interventions préventives sur les services de santé, l’économie et la santé.

Ces programmes offrent non seulement des traitements, mais aussi de la réadaptation cardiaque, un soutien à long terme et des ressources culturellement appropriées. De plus, ils contribuent à la mise sur pied de bases de données essentielles pour la recherche.

« Ces programmes font bien plus que traiter la maladie », confirme Kerri-Anne Mullen, Ph.D., scientifique et directrice du CCSCF à l’ICUO. « Ils fournissent des ressources adaptées au genre et un soutien sur mesure pour que les femmes reçoivent les bons soins à toutes les étapes de leur vie. »

« Les solutions pour lutter contre les maladies cardiaques doivent tenir compte des besoins particuliers des femmes. Il est temps d'agir : ensemble, nous pouvons bâtir un meilleur avenir pour le cœur des femmes d’ici et d'ailleurs. »


- Kerri-Anne Mullen, Ph.D., Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes

Un appel à agir pour la santé cardiaque des femmes

Kerri-Anne Mullen et ses collègues croient que leur appel à l’action amènera rapidement des changements fructueux. En informant les professionnels de la santé et les femmes elles-mêmes des disparités liées au sexe et au genre, l’ACSCF espère que les femmes recevront plus rapidement le bon diagnostic et les bons soins.

« L’amélioration du devenir des femmes passe par une approche collaborative et intégrée dans la recherche, le partage des données et les soins cliniques, précise Kerri-Anne Mullen. Il faut travailler main dans la main avec les cliniciens et cliniciennes, les chercheurs et chercheuses et, surtout, avec les femmes atteintes d’une maladie cardiaque. Ces femmes sont des partenaires essentielles dans toutes nos activités. En mettant en commun nos ressources et en utilisant les données de la pratique clinique, nous pourrons répondre plus efficacement aux questions qui nous occupent. »

À l’heure actuelle, les lignes directrices pour traiter les maladies du cœur sont encore largement basées sur des études réalisées chez des hommes, rappelle la chercheuse. Les besoins des femmes sont donc mal représentés. En organisant et en partageant mieux les données — et en incluant les femmes dans les discussions sur leurs soins — on pourra mettre au point des protocoles de traitement plus efficaces qui répondent vraiment aux besoins et aux priorités des femmes.

À venir ce printemps : le Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes

Ce printemps, le Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes à Ottawa rassemblera des spécialistes et des sommités pour discuter d'une éventuelle stratégie nationale pour la santé cardiaque des femmes. Des responsables des programmes dédiés aux femmes seront sur place, de même que d’autres membres de l’ACSCF.

« Nous planchons en ce moment sur des lignes directrices opérationnelles basées sur les meilleures pratiques de tous les responsables de programmes au Canada. Ceci nous aidera à brosser un portrait général de ce qui s’est fait jusqu’à maintenant et à élaborer une stratégie nationale pour encadrer d’autres projets d’amélioration de la santé cardiaque des femmes au Canada. »

« Au cours des cinq prochaines années, nous espérons que l’augmentation du nombre de programmes encouragera la collaboration, la recherche et l’adoption d’une approche cohérente pour mieux comprendre et traiter les différences liées au sexe et au genre en santé cardiaque. »