Le 26 juillet dernier, deux cardiologues de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) ont implanté un défibrillateur cardiaque. Rien là d’extraordinaire, direz vous. C’est une chose qu’ils font presque chaque jour pour sauver la vie des patients à risque de mort subite d’origine cardiaque.
Mais, ce cas était hors de l’ordinaire, parce que ce n’était pas un défibrillateur cardiaque classique. Le dispositif qu’ils ont implanté est si nouveau que son usage n’a même pas encore été approuvé au Canada. C’était la troisième fois seulement qu’on en implantait un au pays en vertu du Programme d’accès spécial de Santé Canada . Il marque une différence majeure dans la manière de concevoir et d’utiliser les défibrillateurs cardiaques.
Les défibrillateurs cardiaques classiques, connus sous le nom de « défibrillateurs transveineux », sont implantés avec des fils, que l’on appelle « sondes », qui serpentent à travers les veines jusqu’au cœur. Quand le défibrillateur cardiaque détecte un rythme cardiaque dangereux, il utilise les sondes pour envoyer une impulsion afin que le cœur reprenne son rythme normal et recommence à pomper le sang régulièrement dans tout le corps. Ces défibrillateurs cardiaques sont utilisés depuis des décennies et ils ont contribué à prolonger la vie de centaines de personnes.
« C’est un traitement bien établi », déclare le Dr Pablo Nery , électrophysiologue à l’Institut de cardiologie, qui, avec son collègue le Dr David Birnie , a procédé à l’implantation du nouveau dispositif. « Mais, il n’est pas toujours possible d’implanter un dispositif transveineux. »
Ce ne sont pas tous les patients qui peuvent recevoir un défibrillateur cardiaque classique. Chez certains patients aux prises avec une cardiopathie congénitale , il n’est pas possible d’introduire les sondes dans le cœur en passant par les veines. De plus, les sondes peuvent poser problème en raison du risque de caillot sanguin ou d’infection. Pour profiter des bienfaits d’un défibrillateur cardiaque, ces patients doivent souvent subir une intervention chirurgicale plus complexe et plus effractive pour fixer les sondes sur l’enveloppe extérieure du muscle cardiaque.
Ce qui donne son caractère particulier au nouveau dispositif, c’est qu’il est entièrement sous-cutané. Aucun élément du dispositif ne touche au cœur. À la place, une électrode est implantée sous la peau tout près du cœur. Le défibrillateur cardiaque est relié à l’électrode et surveille le rythme cardiaque en tout temps. Au besoin, il envoie une impulsion au muscle cardiaque pour rétablir son rythme normal. Mis au point par la société Cameron Health, le défibrillateur automatique implantable sous-cutané, ou « DAI-S » comme on l’appelle, est approuvé pour usage en Europe; son utilisation fait actuellement l’objet d’un examen aux États-Unis et au Canada.
Les défibrillateurs cardiaques classiques utilisent des sondes qui vont du dispositif jusqu’à un point d’ancrage dans le cœur en passant par les veines principales. Ces sondes transveineuses peuvent être source de problème à long terme. Malgré des décennies de progrès en matière de conception, les sondes peuvent mal fonctionner, se briser ou cesser de fonctionner. Ces défaillances des sondes se traduisent soit par des impulsions inappropriées ou par une absence de régulation appropriée du rythme cardiaque. Pire encore, les sondes défectueuses doivent souvent être retirées, exposant les patients à des risques importants. Des risques que le Dr Birnie connaît bien. Il a grandement participé aux recherches sur les dispositifs pourvus de sondes sujettes au bris.
L’objectif avec les DAI-S est de réduire ou d’éliminer potentiellement ces problèmes. « Le DAI-S offre un traitement efficace aux patients qui ne sont pas de bons candidats ou qui présentent des risques élevés avec un défibrillateur cardiaque classique. Ces patients peuvent maintenant bénéficier de la protection d’un DAI-S sans les risques associés aux sondes standards », explique le Dr Nery.
C’est ce qui faisait du receveur du DAI-S de 18 ans de l’Institut de cardiologie un candidat parfait. « Le DAI-S offre des avantages pour des sous-groupes de patients donnés, explique le Dr Nery. Cette technologie est maintenant une option pour les jeunes patients, en partie parce qu’on peut éviter le retrait des sondes plus tard. »
L’autre avantage est plus d’ordre esthétique, mais non moins important pour les jeunes. Un défibrillateur transveineux classique est placé à l’avant de la poitrine, juste sous la clavicule, et il est assez apparent. En comparaison, le DAI-S est implanté sur le côté, sous le bras du patient, par une incision beaucoup plus petite que pour le défibrillateur transveineux. Selon le Dr Nery, c’est un point important pour plusieurs patients sur le plan de l’image corporelle et de la qualité de vie.
Ce nouveau dispositif présente toutefois certaines limites. D’abord, il n’agit pas comme un stimulateur cardiaque comme le fait un défibrillateur transveineux. Bien que le DAI-S soit efficace pour gérer les palpitations cardiaques (rythme cardiaque accéléré) − la cause la plus courante de mort subite d’origine cardiaque −, il ne traite pas les ralentissements du rythme cardiaque. Ce n’est pas nécessairement un problème, selon le Dr Nery, mais cela a une incidence sur le choix des patients pour chaque traitement; c’est l’une des principales raisons pour lesquelles le DAI-S ne sera qu’un complément au défibrillateur cardiaque transveineux, et non une solution de remplacement.
Quant au patient de 18 ans qui a reçu le DAI-S, il avait un problème congénital, un trou dans le cœur. Les Drs Nery et Birnie l’ont revu récemment pour un suivi. Il va très bien et il est très heureux de son rétablissement. Pour l’instant, les médecins n’ont pas encore identifié un autre patient susceptible de bénéficier du DAI-S, mais ils sont prêts à l’utiliser de nouveau dès qu’une occasion se présentera.