Les patients en état de choc cardiogénique avec régurgitation mitrale grave sont parmi les personnes les plus malades que soigne l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). Le choc cardiogénique est une défaillance du muscle cardiaque qui le rend incapable de pomper assez de sang pour répondre aux besoins de l’organisme. Il survient généralement en lien avec une grave crise cardiaque. La régurgitation mitrale est une défaillance de la valvule mitrale qui cause un reflux de sang dans le cœur, qui doit alors travailler plus fort pour expulser ce surplus. Les personnes qui ont la malchance de présenter ces deux problèmes en même temps n’ont souvent pas un bon pronostic. La chirurgie n’est généralement pas une option pour ces patients dont le taux de mortalité avoisine les 60 %.
Selon une équipe multidisciplinaire de cardiologues, de chirurgiens et d’anesthésiologistes de l’ICUO, les résultats d’une analyse internationale et multicentrique publiée dans la revue JACC: Cardiovascular Interventions pourraient bien offrir un nouvel espoir pour ces patients.
Notre analyse indique que la RTVM est associée à une baisse significative de la mortalité à l’hôpital, de la mortalité après 90 jours et du taux d’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque.
- Dr Benjamin Hibbert
Le Dr Benjamin Hibbert, chercheur principal et cardiologue interventionniste, et les auteurs principaux, le Dr Richard Jung et le Dr Vincent Chan, chirurgien cardiaque et spécialiste de la valvule mitrale, souhaitaient déterminer si la réparation transcathéter de la valvule mitrale (RTVM), une intervention courante pour traiter la régurgitation mitrale fonctionnelle chez les patients stables, pouvait servir de traitement de sauvetage chez les patients souffrant aussi d’un grave choc cardiogénique. Les résultats semblent indiquer qu’en ciblant la source de la régurgitation et en implantant un dispositif MitraClip (petite « pince » qui empêche le reflux de sang dans le cœur), il est possible d’augmenter les chances de survie de ces patients.
« Notre analyse indique que la RTVM est associée à une baisse significative de la mortalité à l’hôpital, de la mortalité après 90 jours et du taux d’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque, explique le Dr Hibbert. De plus en plus, nous offrons cette intervention à nos patients les plus malades. Notre étude appuie cette stratégie, mais nous avons besoin d’autres données. »
« Nous voulions déterminer si la RTVM était un bon traitement de dernier recours pour les patients en état de choc cardiogénique souffrant aussi de régurgitation mitrale grave, indique le Dr Jung. Nos résultats laissent supposer que nous disposons d’un traitement de sauvetage viable pour ces patients, typiquement jugés trop malades pour être opérés. Notre analyse offre un espoir aux plus malades de nos malades, qui ont peut-être maintenant une chance de sortir de l’hôpital pour retrouver leurs proches. »
En effet, les résultats de l’analyse sont prometteurs. Historiquement, le taux de mortalité à l’hôpital des patients en état de choc cardiogénique avec régurgitation mitrale grave est de près de 60 %. Or, les auteurs de l’étude ont observé un taux de mortalité réduit de 15,6 % chez les patients de cette cohorte ayant subi une RTVM avec succès. La cohorte observée comprenait 141 patients en état de choc cardiogénique avec régurgitation mitrale modérée ou grave ayant subi une RTVM entre janvier 2011 et février 2019 après avoir été jugés inadmissibles à une opération chirurgicale en raison de risques trop élevés. L’âge moyen des patients étudiés était de 68,9 ans.
« Les patients souffrant à la fois d’un choc cardiogénique et de graves problèmes valvulaires forment un groupe particulièrement à risque qui n’a pas un bon pronostic et dont les options thérapeutiques sont limitées », dit le Dr Thierry Mesana, président-directeur général de l’ICUO et l’un des plus éminents spécialistes de la chirurgie valvulaire mitrale au monde. « L’implantation percutanée d’un dispositif MitraClip semble être un traitement de sauvetage viable et sûr pour réduire la régurgitation mitrale chez les patients en état de choc cardiogénique avec régurgitation mitrale grave. »
Le Dr Mesana a cofondé le programme d’implantation percutanée de dispositifs MitraClip à l’ICUO en 2012 avec le Dr Marino Labinaz, cardiologue interventionniste, et le Dr Mark Hynes, anesthésiologiste cardiaque. Ce programme offre un traitement moins invasif qu’une opération à cœur ouvert. Pendant l’intervention, le dispositif MitraClip est inséré dans la veine fémorale au niveau de l’aine à l’aide d’un cathéter. Des techniques d’échographie permettent de suivre son cheminement jusqu’au cœur. Le MitraClip est ensuite fermement fixé aux feuillets de la valvule mitrale pour les solidariser. Une fois en place, il permet à la valvule de s’ouvrir et de se fermer de façon plus normale à chaque battement, ce qui réduit considérablement la quantité de sang qui reflue dans le cœur.
Les auteurs de l’étude travaillent à la mise sur pied d’un essai randomisé international pour confirmer de façon définitive que l’implantation d’un dispositif MitraClip est une cible thérapeutique dans les cas de choc cardiogénique.
L’article, intitulé Transcatheter mitral valve repair in cardiogenic shock and mitral regurgitation:
A patient-level, multicenter analysis est accessible en ligne.