La recherche en anesthésiologie cardiaque a beaucoup évolué en 50 ans, mais est toujours aussi cruciale.
L’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) et la Fondation de l’ICUO ont créé une chaire de recherche d’un million de dollars pour améliorer les soins et l’expérience de centaines de milliers de patients qui subissent des opérations et interventions cardiaques d’une importance vitale chaque année.
La Chaire associée de recherche Dr J. Earl Wynands en anesthésiologie cardiaque a été nommée en l’honneur d’un pionnier de l’anesthésiologie cardiaque au Canada. Bernard McDonald, M.D., nommé chef de la Division d’anesthésiologie cardiaque de l’ICUO en décembre 2021, en sera le premier titulaire.
« Les investissements en recherche renforcent notre capacité de contribuer aux avancées de pointe en anesthésiologie cardiaque tout en continuant de donner des soins de première qualité aux patients cardiaques », a dit le Dr McDonald. « Notre objectif est d’attirer une personne dévouée qui se consacrera en priorité à la recherche clinique tout en motivant et inspirant les autres membres de la Division.
Une riche histoire
C’est en 1976 que Wilbert J. Keon, M.D., a fondé l’Institut de cardiologie, un établissement autonome situé au nord de l’Hôpital Civic d’Ottawa. On y trouvait des salles d’opération, des laboratoires de cathétérisme, une unité de soins intensifs en chirurgie cardiaque, une salle de réveil et une unité de soins coronariens, le tout sur un même étage.
À l’époque, l’anesthésiologie cardiaque en était encore à ses débuts comme surspécialité. Les anesthésiologistes partageaient leur temps entre les opérations cardiaques à l’Institut et d’autres types d’opérations au Civic. On surveillait les patients opérés au cœur jusqu’à ce que leur état soit jugé stable, puis on les transférait dans une unité de soins.
En 1983, l’Institut avait déjà pris de l’expansion. Des cliniques pour les patients de consultation externe, des lits pour les patients hospitalisés, des laboratoires de cardiologie, des unités de recherche clinique et des bureaux administratifs occupaient maintenant les étages supérieurs. La croissance a amené son lot de défis.
« À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de recherche en anesthésiologie, et elle se faisait souvent à la fin de longs quarts de travail ou entre deux responsabilités cliniques, explique le Dr McDonald. Les anesthésiologistes finançaient en grande partie leurs recherches à partir de leurs revenus pour services cliniques. »
Pour le Dr Keon, la meilleure façon d’atteindre le même niveau d’expertise et de productivité en anesthésiologie qu’en cardiologie ou en chirurgie cardiaque était de créer un groupe distinct d’anesthésiologistes cardiaques à l’Institut.
Sa vision a fait l’objet de nombreuses discussions avec le chef de la cardiologie, Donald S. Beanlands, M.D., et le directeur de l’anesthésiologie à l’Unité de soins cardiaques de l’Université d’Ottawa, John Atkinson, M.D.
En mars 1984, une première ébauche d’attributions pour une division d’anesthésiologie cardiaque à l’Institut a été présentée aux membres du service d’anesthésiologie du Civic. Un an plus tard, toutes les parties prenantes avaient accepté la proposition et visaient juillet 1987 pour le début des activités de la nouvelle division.
Entre-temps, l’Université d’Ottawa cherchait activement un nouveau directeur pour son Département d’anesthésiologie. Pour le Dr Atkinson, un nom s’imposait d’emblée.
Earl Wynands, M.D., s’était fait remarquer comme médecin, d’abord à l’Université McGill de Montréal, où il avait fait ses études de médecine et sa résidence en anesthésiologie, puis à l’Hôpital Royal Victoria, où il travaillait depuis 30 ans.
Le Dr Wynands avait la même vision que le Dr Keon. Son arrivée à Ottawa était conditionnelle à la création d’une division d’anesthésiologie cardiaque à l’Institut de cardiologie. C’est ainsi que le Dr Wynands a accepté, en 1988, le poste de directeur du Département d’anesthésiologie à l’Université d’Ottawa, chef du service d’anesthésiologie au Civic et chef de la toute nouvelle Division d’anesthésiologie cardiaque à l’Institut de cardiologie.
Le Dr Wynands a dirigé la Division jusqu’à sa retraite comme clinicien, en 1996. Ce faisant, il a énormément contribué à faire de la division le modèle de soins périopératoires qu’elle est aujourd’hui, modèle qui intègre à la fois l’anesthésie et les soins intensifs en chirurgie cardiaque.
Le Dr Wynands se distingue par ailleurs lui-même par son parcours personnel remarquable.
Un des fondateurs de l’anesthésiologie cardiaque au Canada
Les anciens étudiants et collègues du Dr Earl Wynands mentionnent tous deux choses à son sujet.
La première : « Earl Wynands est un chercheur et un enseignant hors pair, un mentor inspirant et un homme formidable, toujours bienveillant et plein de compassion », a dit Jean-Yves Dupuis, M.D., dans son mot d’ouverture de la Conférence J. Earl Wynands de 2008, maintenant présentée chaque année à l’Institut de cardiologie.
En 1989, le Dr Wynands et les membres fondateurs de la Division ont lancé le programme de fellowship en anesthésiologie cardiaque. Ce programme a valu une renommée nationale et internationale à l’Institut de cardiologie en tant que centre de formation pour les anesthésiologistes cardiaques désireux d’exceller dans cette discipline.
Le Dr Dupuis a été l’un des premiers fellows du programme. Membre de la Division d’anesthésiologie cardiaque depuis 1992 (il l’a aussi dirigée de 2011 à 2016), il a dit : « Earl a été un grand mentor pour moi et pour de nombreux autres fellows qui travaillent aujourd’hui partout dans le monde. Comme médecin, il a sauvé d’innombrables vies pendant sa carrière, mais il a aussi changé la vie de tous ses collègues, et je l’en remercie. »
Un médecin aveugle au sens de la loi en salle d’opération
Le Dr Wynands se distingue aussi par un autre aspect de son parcours. C’est la deuxième chose que mentionnent tous ses anciens collègues et étudiants : le Dr Earl Wynands est aveugle au sens de la loi.
Le Dr Wynands avait 20 ans quand il a reçu un diagnostic de dégénérescence maculaire, une affection qui a embrouillé sa vision centrale. À l’époque, il était en première année de médecine à McGill. Déterminé à poursuivre ses études, il a caché ses problèmes de vision le plus longtemps possible, de crainte de se faire demander (ou forcer) d’abandonner la médecine.
Malgré sa vue qui baissait et la menace de cécité, il s’est rendu compte avec le temps qu’il pouvait s’acquitter des mêmes tâches que les autres médecins en travaillant de près avec les autres et en se fiant à la sensibilité de ses autres sens. Il a développé ses compétences d’anesthésiologiste en salle d’opération. Il a appris à insérer des cathéters intraveineux et à intuber des patients efficacement par le toucher. Il n’avait qu’à écouter attentivement la respiration d’un patient pour détecter les plus subtils signes de détresse.
Fort du soutien indéfectible de son épouse Mary, le Dr Wynands est aussi devenu un chercheur accompli. Son article fondateur « Coronary Artery Disease and Anesthesia » a été publié dans le Canadian Journal of Anesthesiology en 1967 et a été suivi de plus de 100 autres articles en trois décennies, dont une série sur l’utilisation des opioïdes en anesthésie dans les années 1980.
Ses contributions ont été soulignées par de nombreux prix, dont la médaille d’or de la Société canadienne des anesthésiologistes et le tout premier prix de reconnaissance pour services exceptionnels de la Society of Cardiovascular Anesthesiologists.
De plus, après avoir pris sa retraite comme clinicien, le Dr Wynands a établi un centre de simulation à l’Institut de cardiologie pour permettre aux étudiants en médecine et aux résidents de s’exercer aux soins d’urgence sans danger pour les patients. Il a aussi lancé le premier programme d’assistance professionnelle pour les médecins en situation de handicap.
En 1999, le Dr Wynands a reçu l’Ordre du Canada pour ses importantes contributions à la surspécialité et pour son excellence dans l’exercice de sa profession malgré un handicap important.
« La marée qui monte soulève tous les bateaux »
La recherche en anesthésiologie cardiaque a beaucoup évolué en 50 ans, mais est toujours aussi cruciale.
« L’anesthésiologie cardiaque ne se limite plus à la question de la mortalité, explique le Dr Bernard McDonald. Aujourd’hui, nous nous penchons aussi sur la qualité des soins et le rétablissement, la prévention de la morbidité ainsi que l’innocuité et l'issue à long terme des interventions, entre autres choses. »
La Chaire associée de recherche Dr J. Earl Wynands en anesthésiologie cardiaque à l’Institut de cardiologie sera une source de soutien et de motivation pour la division du Dr McDonald. Cette chaire, croit-il, contribuera au développement général de l’Institut.
« La marée qui monte soulève tous les bateaux, dit-il. Au fil du temps, nos recherches se feront connaître à l’Institut et tout le monde finira par s’y intéresser et y participer. »
Au gré des nouvelles questions se produiront d’importants changements.
« C’est en enrichissant nos connaissances, en posant de meilleures questions et en examinant les pratiques actuelles que les médecins peuvent donner de meilleurs soins aux patients, conclut le Dr McDonald. La recherche est vraiment au cœur des soins. »
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