Dans un monde parfait, l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) n’aurait aucune utilité. Dans un monde parfait, les gens mangeraient tous sainement, feraient suffisamment d’activité physique et ne fumeraient pas – leur mode de vie les protègerait contre le risque de maladie cardiovasculaire.
Mais le monde n’est pas parfait et les maladies cardiovasculaires demeurent la principale cause de décès dans la région de Champlain – laquelle couvre 15 000 km2 et compte 1,2 million d’habitants de l’Est ontarien. Dans cette région, 90 000 résidants sont aux prises avec une maladie cardiovasculaire et parmi eux, 8 sur 10 présentent un ou plusieurs facteurs de risque, notamment le tabagisme, l’hypertension, l’embonpoint, l’inactivité physique ou le diabète. En fait, en Ontario, trois des zones « propices » à la maladie cardiovasculaire se trouvent dans la région de Champlain.
En résumé, le nombre de personnes qui recourront aux services de l’ICUO ne cessera de croître – à moins que la population se laisse convaincre de laisser tomber ses mauvaises habitudes pour adopter des comportements sains et obtenir le soutien dont elle a besoin pour y parvenir.
C’est là la mission du Réseau de prévention des maladies cardiovasculaires de la région de Champlain (RPMCC), un partenariat mis sur pied par l’ICUO avec les bureaux de santé d’Ottawa de l’est de l’Ontario, le Réseau local d’intégration des services de santé de Champlain et la Fondation des maladies du cœur, entre autres. Depuis 2007, le RPMCC est à l’origine de réalisations marquantes parmi lesquelles, l’introduction du Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac dans 19 hôpitaux et 16 équipes de santé familiale de la région, l’élaboration de lignes directrices visant à aider les cliniques de soins primaires à prévenir et à prendre en charge les maladies cardiovasculaires, la campagne pour la réduction du sodium « Secouez-vous! » et l’initiative Écoles saines 2020.
« L’accent est réellement mis sur le milieu. Nous essayons de faciliter l’adoption de comportements sains dans la population. »
– Mme Laurie Dojeiji Gestionnaire, Promotion de la santé, ICUO
Actuellement, le RPMCC s’apprête à lancer la deuxième phase de son projet – qui comptera encore plus de partenaires. Ce programme de trois ans, chapeauté par l’ICUO, se concentrera sur les domaines prioritaires en santé et les lacunes mises au jour lors de l’évaluation de la première phase.
Les cinq programmes prioritaires du RPMCC pour 2013-2016 sont les suivants :
- Programme sur la prévention et la gestion des maladies cardiovasculaires pour soutenir les équipes de santé familiale, les centres de santé communautaire et les services d’information sur la santé dans la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires grâce à des pratiques fondées sur des données probantes;
- Programme régional d’abandon du tabac pour encourager un plus grand nombre de résidants de la région de Champlain à cesser de fumer en recevant du soutien;
- Initiative Écoles saines 2020 pour encourager davantage d’établissements scolaires à favoriser une alimentation saine et l’activité physique en milieu scolaire;
- Programme pour l’introduction d’aliments sains dans les hôpitaux de la région de Champlain (Champlain Healthy Foods in Hospitals Program) pour créer des milieux favorables à une saine alimentation en milieu hospitalier;
- Programme régional intégré de lutte contre les maladies cardiovasculaires pour mettre en œuvre un système plus efficace et mieux coordonné pour traiter l’insuffisance cardiaque.
« Cette nouvelle phase, déclare Sophia Papadakis , directrice du programme, consiste à former des chefs de file inspirants au sein de la communauté et à leur donner les ressources dont ils ont besoin pour créer un milieu qui encourage la population à faire des choix sains. » Cette stratégie s’harmonise en outre avec les priorités et les initiatives de la province décrites dans le Plan d’action de l’Ontario en matière de soins de santé et d’autres stratégies. Le RPMCC compte utiliser ces programmes comme modèles qui pourront être reproduits tant à l’échelle provinciale que nationale.
Le RPMCC a réuni plus de 110 chefs de file dans les domaines de la santé publique, des soins spécialisés et des soins primaires, et dans les milieux hospitalier, scolaire, communautaire, universitaire et de l’industrie pour former des groupes d’experts qui ont examiné les résultats et les succès de la stratégie initiale afin de la remodeler. « Le problème, c’est que la stratégie n’a pas trouvé “ancrage” dans la communauté, explique Mme Papadakis. Par conséquent, notre stratégie a été repensée pour renforcer les capacités dans les établissements communautaires, y compris les équipes de santé familiale, les écoles et les hôpitaux. »
Par exemple, dans le cas de l’abandon du tabac, la stratégie initiale lancée en 2007 qui était centrée sur les hôpitaux et les équipes de santé familiale a permis de rejoindre 20 % des fumeurs de la région de Champlain. Le nouveau programme régional d’abandon du tabac continuera son expansion dans le milieu des soins de santé, mais il s’étendra pour s’établir dans la communauté et rejoindre directement les fumeurs, en ciblant particulièrement les lieux de travail et les quartiers centraux. Ainsi, la stratégie prévoit un partenariat avec des syndicats pour instaurer le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac sur les chantiers. Le réseau s’adressera aussi directement au public par le biais des médias sociaux et d’autres voies.
Pour l’initiative Écoles saines 2020, 9 conseils scolaires de la région de Champlain – lesquels regroupent 550 écoles – ont signé une déclaration confirmant leur engagement à offrir des aliments sains dans leur établissement et à encourager un niveau accru d’activité physique quotidienne. Selon Laurie Dojeiji, qui supervise pour le RPMCC les activités proposées dans le cadre d’Écoles saines 2020, « cela ne s’est jamais produit et constitue un important signe de progrès ».
« L’accent est réellement mis sur le milieu, insiste Mme Dojeiji. Nous essayons de faciliter l’adoption de comportements sains dans la population. »
Pour ce faire, le réseau appuie les écoles grâce à des idées concrètes et des solutions de rechange pour introduire un plus grand choix d’aliments sains et encourager l’activité physique. Les mesures de facilitation comprennent l’octroi d’un fonds initial et le soutien d’un animateur pour contribuer à la mise en œuvre d’activités de promotion de la santé, comme les programmes de collations santé ou de pédibus scolaires, lesquels encouragent le transport actif.
Les succès de la première phase en matière d’amélioration de l’alimentation dans les écoles ont conduit le RPMCC à centrer ses efforts sur un autre milieu où les choix alimentaires sont souvent limités, soit les hôpitaux. Le programme pour l’introduction d’aliments sains dans les hôpitaux (Healthy Foods in Hospitals Program) a réuni les présidents-directeurs généraux de six hôpitaux de la région autour d’une table ronde. Ceux-ci se sont engagés à mettre en œuvre les activités de ce programme sur le terrain et à servir de chefs de file.
Un autre secteur prioritaire est celui des soins primaires, en particulier le soutien des professionnels de la santé qui sont sur la ligne de front en matière de prévention. Lors de la première phase du projet, le RPMCC a élaboré des lignes directrices destinées à aider plus de 1 300 médecins de première ligne à prévenir et à prendre en charge la maladie cardiovasculaire dans leur pratique. Le réseau compte maintenant centrer ses efforts sur les médecins de 22 équipes de santé familiale de la région pour rejoindre plus de 250 000 résidants par le biais du Programme de prévention et de gestion des maladies cardiovasculaires. L’accent sera mis sur l’amélioration de l’offre de soins préventifs grâce à des pratiques fondées sur des données probantes et à des modèles novateurs de soins collaboratifs. Le programme mise en outre sur une collaboration avec les maillons santé, une nouvelle structure visant à assurer une bonne coordination entre les soins actifs et les soins primaires.
Les activités de promotion des comportements sains sont courantes. Mais comme Mme Papadakis le souligne, « elles se font souvent à petite échelle ou sans financement adéquat et elles ne parviennent pas à rejoindre un grand nombre de personnes. Celles qui ciblent les populations qui présentent le plus grand risque, comme les habitants des régions rurales, sont souvent celles qui ont le moins de ressources », ajoute-t-elle.
« Grâce à la collaboration, nous pouvons faire davantage, insiste-t-elle. Notre pouvoir est accru lorsque nous travaillons de pair, en combinant nos budgets, notre expertise et nos ressources humaines. »