Avec l’âge, les valvules aortiques deviennent plus rigides en raison des dépôts de calcium qui s’y forment au fil du temps. C’est d’ailleurs la principale cause de la sténose aortique. La valvule ne s’ouvre et ne se ferme plus aussi bien, ce qui nuit au flux sanguin vers le reste du corps. Plus de 100 000 Canadiens de plus de 65 ans sont touchés par cette maladie.
Jusqu’à tout récemment, le remplacement de la valvule par intervention chirurgicale à cœur ouvert était la seule option de traitement. Au cours des dernières années, une nouvelle option est apparue, offrant des avantages notables par rapport à la chirurgie : l’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA). Puisque l’ITVA se fait à l’aide d’un cathéter, l’incision est plus petite et les temps de récupération sont beaucoup plus courts que ceux requis après une intervention chirurgicale à cœur ouvert.
Mise au point au début des années 2000, l’ITVA est approuvée au Canada principalement pour les patients qui ne peuvent pas subir de chirurgie ou dont l’état de santé représente un risque élevé. On peut cependant s’attendre à ce que l’ITVA devienne de plus en plus commune au fur et à mesure que la durabilité et la sécurité de cette procédure deviendront de plus en plus éprouvées et que des technologies plus avancées surgiront sur le marché.
The Beat a rencontré le Dr Marino Labinaz pour parler de l’avenir de l’ITVA. Cardiologue d’intervention, Dr Labinaz dirige l’équipe d’ITVA à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). Son équipe pratique des ITVA depuis 2007. L’ICUO reçoit un financement provincial pour pratiquer environ 100 interventions de ce genre par année.
Offrir l’ITVA aux patients à moindres risques?
« Nous traitons les patients pour qui la chirurgie serait très risquée, et souvent, des patients dont les risques sont trop élevés pour les autres centres de traitement de la province, a expliqué Dr Labinaz. C’est la philosophie de l’Institut de cardiologie d’être juste et inclusif avec les traitements que l’on offre. Nous traitons encore des patients aux cas plus complexes qui nous ont été confiés par d’autres hôpitaux pratiquant l’ITVA qui hésitent à aller de l’avant avec la procédure. »
Les patients plus âgés ou plus malades doivent demeurer à l’hôpital aussi longtemps que les patients qui ont subi une intervention chirurgicale. En Europe, où l’ITVA est pratiquée sur un plus grand nombre de patients à moindres risques, la durée de la convalescence est souvent bien plus courte.
« Les patients à faible risque obtiennent leur congé de l’hôpital beaucoup plus rapidement. À Vancouver, il y a un essai en cours dans lequel le congé est accordé 24 h après l’intervention, a ajouté Dr Labinaz. Pour les patients à faible risque qui subissent une ITVA, l’avantage est la durée de la convalescence. Ils arrivent à l’hôpital, on pratique l’ITVA, et le lendemain ils peuvent rentrer chez eux. Nos patients ne peuvent pas encore profiter de cette courte convalescence. »
« Le recours à l’ITVA relèvera en partie du choix du patient. Ça peut également devenir un choix de société, a-t-il continué. En accordant le congé à un patient 24 h après la procédure, l’ITVA devient très abordable en comparaison avec le séjour de cinq à sept jours à l’hôpital requis après une chirurgie. Ce sera d’ailleurs encore plus abordable si le coût des valvules finit par baisser. »
À l’heure actuelle, l’ITVA constitue une option plus coûteuse que la chirurgie en raison du coût des valvules. Cependant, au fur et à mesure que la demande pour les ITVA augmentera et que de nouveaux fournisseurs apparaîtront sur le marché, les prix devraient descendre.
Les résultats d’un important essai clinique sera présenté au congrès annuel de l’American College of Cardiology, en avril, et fournira un aperçu des résultats des ITVA pratiquées chez les patients à risque modéré. « Je m’attends à ce que les résultats soient très bons, s’est enthousiasmé le Dr Labinaz. Un autre essai clinique réalisé auprès de patients à faible risque est en train de commencer aux États-Unis. Cet essai se penchera sur le recours à l’ITVA pour les patients les plus communément traités en chirurgie. »
« Je pense que l’ITVA deviendra la façon standard de réaliser les remplacements valvulaires aortiques d’ici les cinq prochaines années. »
L’avantage de la sédation consciente sur l’anesthésie générale
Un autre avantage de l’ITVA, c’est qu’elle implique le recours à la sédation consciente.
« À l’heure actuelle, nous mettons les patients sous anesthésie générale et les intubons. Avec la sédation consciente, nous ne faisons que leur donner des médicaments à action rapide, a expliqué le Dr Labinaz. Le patient demeure conscient, et n’est jamais intubé. Il n’a donc pas à récupérer de l’anesthésie générale. Ainsi, on économise du temps et on peut traiter davantage de patients dans une même journée. »
Puisque l’Institut de cardiologie se concentre sur les patients à risque élevé, la sédation consciente n’en est qu’à ses débuts à Ottawa.
Une meilleure technologie
L’une des limites de l’ITVA réside dans la taille du cathéter. Pour faire entrer la valvule, le cathéter doit être plus large que ceux utilisés en angioplastie pour poser des endoprothèses.
« Pour les patients, un des gros changements, c’est que les valvules deviennent plus petites, a expliqué Dr Labinaz. Au départ, ces produits étaient plutôt larges et entraînaient des taux plus élevés de dissections ou d’occlusions des artères. Les plus petits tubes entraînent videmment moins de complications vasculaires. »
Les nouvelles générations de ces produits sont plus facilement récupérables. Jusqu’à tout récemment, le cardiologue n’avait qu’une seule chance de positionner et de déployer la valvule correctement. Un mauvais positionnement peut nuire à l’étanchéité du joint et provoquer des écoulements appelés régurgitations paravalvulaires aortiques et entraîner des complications qui peuvent forcer l’installation d’un stimulateur cardiaque. Une valvule récupérable permet en revanche d’effectuer des ajustements immédiats, au besoin.
« Elles ne sont toujours pas offertes sur le marché canadien, mais il existe actuellement trois modèles de valvules récupérables. Pour l’instant, Santé Canada les distribue sur demande spéciale uniquement, a spécifié Dr Labinaz. Deux de ces valvules peuvent se déployer jusqu’à 80 % et demeurer récupérables, permettant au chirurgien d’évaluer son positionnement et son fonctionnement. La seule valvule qui peut se déployer entièrement et être tout de même récupérable est la LotusTM. Nous commencerons à utiliser ce modèle dès ce printemps. »
« Une autre avancée technologique importante pour éviter les écoulements, c’est l’ajout de manchons flexibles à l’extérieur des valvules, ce qui offre un meilleur joint d’étanchéité, notamment lorsque des dépôts de calcium, des nodules ou des fissures créent des surfaces inégales. Les données préliminaires sont fort encourageantes. »
En revanche, un accident vasculaire cérébral (AVC) est une des complications fréquentes lors des interventions chirurgicales et des ITVA. Des parties des dépôts de calcium situés sur ou autour de la valvule peuvent se détacher pendant la procédure, pénétrer dans le flux sanguin et atteindre le cerveau. Dans les interventions chirurgicales et les ITVA, le risque d’AVC est de 5 à 10 %. Dans le cadre d’une ITVA, on utilisera éventuellement des filtres protecteurs dans les vaisseaux sanguins pour capturer ces particules. Les résultats sont mitigés jusqu’ici.
À l’horizon
« L’ITVA a changé bien des choses, a conclu le Dr Labinaz. Nous obtenons beaucoup de données sur la durabilité des valvules chez des gens qui les portent depuis 5 ou 10 ans. Ils présentent de faibles taux de défaillance et semblent être comparables, à ce titre, aux valvules posées lors d’interventions chirurgicales. »