L’Institut de cardiologie fête 40 ans de transplantations cardiaques

29 mai 2024
Image décorative

Une prouesse scientifique et une innovation remarquable : la transplantation d’un cœur humain dans un autre humain.

Sur le plan symbolique, c’est une deuxième chance de vivre pour un malade. C’est aussi un événement qui fait le pont entre le chagrin d’une famille et la joie d’une autre.

Cette semaine, l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) fête 40 ans de vies sauvées grâce à la transplantation cardiaque, la première ayant eu lieu le 29 mai 1984.

L’opération qui requiert la plus grande coordination

Le Dr Marc Ruel est professeur et titulaire de la chaire de recherche en chirurgie à effraction minimale à la Division de chirurgie cardiaque de l’ICUO. Il compare la transplantation cardiaque à la direction d’orchestre. Les deux, affirme-t-il, requièrent un haut degré de précision et de coordination afin de produire un résultat harmonieux.

Le Dr Marc Ruel, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
Le Dr Marc Ruel est un chirurgien cardiaque de renom et un pionnier à l’échelle mondiale de techniques de chirurgie et de pontage aortocoronarien à effraction minimale basées sur des données probantes et donnant de meilleurs résultats pour les patients.

« Le chirurgien est le chef d’orchestre et les autres membres de l’équipe, les musiciens, dit-il. Pour réussir une transplantation cardiaque, ça prend toute une équipe qui exécute ses tâches à la perfection. De toutes les opérations, c’est celle qui demande la plus grande coordination. »

Le Dr Ruel sait de quoi il parle.

En effet, il a lui-même dirigé la Division de chirurgie cardiaque de l’ICUO pendant 11 ans. En 2012, alors qu’il était directeur chirurgical du programme de transplantation cardiaque, il a orchestré les 498e, 499e et 500e transplantations de l’Institut de cardiologie, toutes trois réalisées en moins de 24 heures. Cet exploit a marqué la carrière du Dr Ruel ainsi que l’histoire de l’ICUO.

« Je m’en souviens parfaitement », s’est-il confié en entrevue à The Beat. « J’étais euphorique! Honnêtement, ça reste un des plus beaux jours de ma vie. »

In 2012, Dr. Marc Ruel (back facing camera) performs one of three heart transplants in 24-hours. To the left, the donor heart rests in a bucket covered by a green towel. A typical transplant operation can take six or more hours on average.
En 2012, le Dr Marc Ruel (dos à la caméra) réalise une transplantation cardiaque, la première des trois à être effectuées en moins de 24 heures. On peut voir à gauche le récipient couvert d’un linge vert dans lequel repose le cœur du donneur. Une transplantation cardiaque prend au moins six heures en moyenne.

Un « concert médical » de calibre mondial

Si la transplantation cardiaque se compare à une symphonie —  ou à un « concert médical », selon l’expression du Dr Ruel — le programme de transplantation cardiaque de l’ICUO est digne des plus grandes scènes du monde.
Dans un premier temps, les patients sont vus à la Clinique de transplantation cardiaque pour y être évalués. L’équipe multidisciplinaire de la clinique doit vérifier leur admissibilité, ce qui passe par de nombreux tests dont les résultats seront soigneusement examinés.

Chaque patient est jumelé à une infirmière qui peut répondre à ses questions et préoccupations. L’infirmière assure aussi le lien avec l’équipe médicale afin d’assurer la prestation des soins en temps opportun.

Une fois tous les tests terminés, un comité composé de cardiologues, de chirurgiens, d’infirmières, d’une psychologue, d’une travailleuse sociale et de membres de professions paramédicales se réunit pour confirmer l’admissibilité des candidatures. Une fois sur la liste d’attente, les patients continuent de passer des tests afin de vérifier que leur état reste stable.

Les patients du programme de transplantation cardiaque, affirme Kyla Brown, infirmière, participent étroitement à leurs soins. Cette dernière est la coordonnatrice du programme depuis 2020. Les patients, dit-elle, manifestent beaucoup de force et de courage face à leurs problèmes de santé.

Kyla Brown, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
Infirmière de pratique avancée du programme de transplantation cardiaque de l’ICUO, Kyla Brown fournit des soins spécialisés aux patients en attente d’une transplantation cardiaque ou ayant reçu leur nouveau cœur. 

Grâce aux avancées médicales, particulièrement en ce qui a trait aux soins dans les semaines, mois et années précédant et suivant la transplantation, les personnes greffées du cœur vivent maintenant plus longtemps et jouissent d’une meilleure qualité de vie.

La Dre Sharon Chih, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
La Dre Sharon Chih s’est jointe à l’ICUO en 2014. Elle est directrice médicale du programme d’assistance circulatoire mécanique et codirige l’équipe visant à améliorer l’état de santé des patients en état de choc cardiogénique.

La Dre Sharon Chih est cardiologue spécialiste du traitement de l’insuffisance cardiaque avancée et directrice médicale du programme de transplantation cardiaque de l’ICUO.

« Dans la dernière décennie, plusieurs changements ont élargi le bassin de donneurs, comme les dons suivant un décès circulatoire, la perfusion ex vivo des organes et l’utilisation sécuritaire de cœurs de donneurs porteurs du virus de l’hépatite C », explique-t-elle.

La perfusion ex vivo, en particulier, peut grandement augmenter le nombre de cœurs utilisables et la durée de vie de ces organes à l’extérieur du corps, précise le Dr Hadi Toeg, directeur chirurgical du programme de transplantation cardiaque de l’ICUO. La technologie du « cœur en boîte », comme il l’appelle, est une avancée qui permet d’aller chercher des organes plus loin et de les préserver plus longtemps que ce qui était jadis possible.

Le Dr Hadi Toeg, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
Après avoir travaillé aux États-Unis à la Clinique Mayo (Rochester, Minnesota) et au Northwestern Memorial Hospital (Chicago, Illinois), le Dr Hadi Toeg est revenu s’établir dans sa ville natale à Ottawa, où il pratique tous les aspects de la chirurgie cardiaque chez l’adulte, en mettant l'accent sur les traitements chirurgicaux avancés de l’insuffisance cardiaque.

À l’Institut de cardiologie, l’utilisation de dispositifs pour prolonger la vie des personnes en état d’insuffisance cardiaque avancée pendant qu’elles attendent leur transplantation cardiaque est de plus en plus courante.

Ces dispositifs — comme un cœur mécanique ou un dispositif d’assistance ventriculaire gauche — prennent le relais des valves et des ventricules endommagés afin de maintenir la bonne circulation du sang dans l’organisme.

Les soins post-transplantation, indique la Dre Chih, ont aussi connu d’importantes avancées, comme le recours à l’immunothérapie pour prévenir et traiter le rejet, et l’utilisation de tests non effractifs comme les analyses sanguines et la tomographie par émission de positons (TEP), pour surveiller l’émergence de complications.

L’ICUO utilise des techniques d’imagerie avancée pour détecter les différentes complications possibles, dont la vasculopathie du greffon cardiaque, une dangereuse affection qui cause un rétrécissement et le blocage des vaisseaux sanguins qui irriguent le cœur.

Un travail d’équipe

La Dre Chih et le Dr Toeg, respectivement cardiologue et chirurgien cardiaque spécialisés en transplantations, coordonnent ensemble le travail de l’équipe de transplantation afin d’assurer la sélection des bons organes et la coordination des soins périopératoires.

Tout comme le Dr Ruel, les deux attribuent le succès du Programme de transplantation cardiaque au travail d’une équipe interdisciplinaire.

« Nous avons une grande équipe qui réunit plusieurs disciplines : cardiologie, chirurgie cardiaque, anesthésiologie, soins intensifs, soins infirmiers, travail social, psychologie et réadaptation cardiaque, dit-elle. Chacun des membres de cette équipe est un morceau du casse-tête et joue un rôle vital dans la réussite de la transplantation cardiaque et le maintien à long terme de la santé du patient. »

« La planification, la sélection du donneur et les discussions de l’équipe de transplantation pour se préparer à une éventuelle opération peuvent prendre des jours », précise le Dr Toeg. En tant que chirurgien transplanteur, il doit lui-même posséder une technique et des compétences parfaites pour assurer le succès de l’opération. « À chaque transplantation, je ressens une fébrilité, une joie et une poussée d’adrénaline qui me propulsent », dit-il.

« Le seul cœur que j’aie jamais connu »

Jeffrey Gleeson est la preuve vivante de la qualité et de l’efficacité du programme de transplantation cardiaque de l’ICUO.

Le jeune homme est né avec deux graves malformations cardiaques : le syndrome d’hypoplasie du cœur gauche, dans lequel le côté gauche du cœur est sous-développé, et la dextrocardie, dans laquelle le cœur se trouve du côté droit de la poitrine plutôt que dans sa position normale, à gauche.

Jeffrey Gleeson, greffé du cœur, et sa partenaire en Colombie-Britannique en 2019.
Jeffrey Gleeson, 34 ans, a subi une transplantation cardiaque lorsqu’il était nouveau-né. Il dit mener aujourd’hui une vie « relativement normale ». On le voit ici avec sa partenaire en Colombie-Britannique en 2019.

En 1989, à six semaines, Jeffrey a subi une transplantation cardiaque à l’ICUO. L’opération lui a sauvé la vie. Aujourd’hui âgé de 34 ans, il est le plus ancien survivant du programme de transplantation de l'ICUO à être toujours en vie.

« Je suppose que je détiens le record de longévité », lance-t-il à la blague. Son cœur, dit-il, est le seul qu’il ait jamais connu. Jeffrey est encore suivi et soigné à l’ICUO, mais sinon mène une vie relativement normale.

« Je peux faire à peu près les mêmes choses que tout le monde, dit-il. Je tonds la pelouse, je pellette la neige l’hiver. À part le fait que je prends des médicaments deux fois par jour, la transplantation cardiaque n’affecte pas tellement mon mode de vie. »

Il tient à féliciter l’équipe de l’ICUO pour ses 40 ans de transplantations cardiaques.

« Je remercie l’ICUO pour les soins que j’ai reçus et le soutien donné à mes parents depuis toutes ses années. Félicitations pour le 40e anniversaire d’un exploit qui a changé des centaines de vies au fil des ans. Je suis heureux de faire partie de cette histoire. »

« Il est impressionnant de constater le profond impact qu’a eu notre établissement sur la vie de centaines de personnes comme Jeffrey Gleeson. De la première transplantation réussie en 1984 aux avancées continuelles dans notre compréhension du cœur et de son fonctionnement, l’Institut de cardiologie est aujourd’hui une source d’espoir pour les personnes en attente d’un nouveau cœur, dit le Dr Rob Beanlands, président-directeur général de l’ICUO.

« Cette étape importante témoigne du dévouement et de l’expertise de toute notre équipe. Son engagement à prodiguer des soins empreints de compassion, son grand souci du détail et sa recherche constante de l’excellence ont joué un rôle déterminant dans notre réussite. »

Quelques statistiques

  • 738 : Transplantations à l’ICUO depuis les débuts du programme en 1984
  • 272 : Personnes greffées du cœur toujours en vie et traitées à l’ICUO
  • 15 : Espérance de vie moyenne, en année, après une transplantation cardiaque
  • 35 ans : Record de longévité après une seule transplantation cardiaque à l’ICUO
  • 6 : Durée typique, en heures, d’une transplantation cardiaque du début à la fin
  • 8-9 : Nombre de membres de l’équipe en salle d’opération durant une transplantation cardiaque : un chirurgien, un chirurgien préleveur, un assistant chirurgical, un anesthésiologiste, un technicien en anesthésiologie, un perfusionniste et deux ou trois membres du personnel infirmier

Un leader des soins post-transplantation en Amérique du Nord

L’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa est un des meilleurs centres de transplantation cardiaque du Canada.

« Il n’y a qu’une poignée de centres au Canada et aux États-Unis qui peuvent se vanter d’avoir réalisé plus de 700 transplantations cardiaques, indique le Dr Hadi Toeg. C’est vraiment parce que nous avons une équipe d’un dévouement exceptionnel que nous avons pu réaliser cet exploit. »

« Je nous souhaite 40 autres années d’excellents résultats pour les patients, d’innovation et de travail d’équipe dans la cohésion, le dévouement et la bienveillance. »

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