De nos jours, la médecine cardiovasculaire réussit si bien à sauver des gens qui subissent de graves traumatismes, comme un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque, qu’elle doit maintenant composer avec une toute nouvelle difficulté : aider les survivants de ces crises. Dans bien des cas, le cœur de ces patients a été grandement affaibli et n’est plus capable d’assurer un apport sanguin adéquat au corps. Les patients souffrent de symptômes apparents, comme un essoufflement ou une fatigue générale, mais il est probable qu’ils soient aussi plus vulnérables à un éventail de problèmes beaucoup plus vaste.
Le terme clinique qui définit cet état est « insuffisance cardiaque », un sombre diagnostic difficile à entendre pour n’importe quel patient. Pour les médecins et les chercheurs, il représente un état physiologique précis du cœur qu’ils veulent décrire et traiter efficacement.
« Le nombre croissant de patients qui ont un cœur endommagé explique l’émergence de l’une des nouvelles épidémies de maladies cardiovasculaires », affirme Peter Liu, M.D., directeur scientifique et vice-président de la recherche à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.
« Toutes les cinq minutes au Canada, une personne meurt d’insuffisance cardiaque », précise-t-il, ajoutant que plus de 600 000 Canadiens souffrent d’insuffisance cardiaque à divers degrés. « Nous devons trouver des façons de détecter cet état plus tôt – comprendre le processus morbide afin d’offrir un meilleur traitement »
Le Dr Liu a donc fait équipe avec la cardiologue Lisa Mielniczuk, M.D., directrice du programme d’insuffisance cardiaque à l’Institut de cardiologie, pour faire de l’insuffisance cardiaque le thème de la troisième Conférence d’Ottawa sur la recherche en cardiologie, qui a eu lieu les 24 et 25 avril. La Dre Mielniczuk a présidé l’événement, qui a attiré plus de 120 participants de toute l’Amérique du Nord et exposé l’état actuel des connaissances et des traitements existants pour cette maladie complexe.
Certaines des présentations ont offert un aperçu des progrès en science cardiovasculaire, comme les propres travaux du Dr Liu sur les biomarqueurs, indicateurs clés des processus biochimiques discrets mais absolument cruciaux qui préservent notre bien-être.
« Ces marqueurs sont détectables dans le sang et ils peuvent nous dire comment le cœur se porte, explique-t-il. Auparavant, nous pensions que le cœur n’était qu’une simple pompe mécanique, mais il doit perdurer toute la vie. Pour ce faire, ses cellules libèrent des signaux qu’elles échangent entre elles et avec d’autres parties du corps. C’est vraiment fascinant, dans la mesure où nous commençons seulement à mettre à profit cette information pour comprendre le processus morbide pour le patient que nous avons devant nous et mettre au point le bon traitement pour ce patient. »
La signalisation cellulaire joue un rôle important dans des processus comme l’inflammation du tissu cardiaque, un domaine que le Dr Liu a exploré avec Douglas Mann, M.D., chef de la cardiologie à l’Université de Washington, à St. Louis, Missouri. Le Dr Mann était sur place pour prononcer la conférence William L. MacDonald de la Fondation des maladies du cœur, créée il y a 45 ans en mémoire de l’ancien président du conseil d’administration de l’organisme.
« Le cœur a une réponse programmée face au stress », explique le Dr Mann, en faisant référence aux protéines qui provoquent l’inflammation dans le but d’attirer des cellules immunitaires. « Le rôle initial de l’inflammation est de protéger le cœur et de l’aider à guérir. »
Malheureusement, comme il l’a mentionné lors de son discours, ce même procédé peut avoir des effets néfastes. « Quand les gens vieillissent, l’effet de la réponse immunitaire se fait plus intense et le cœur a plus de difficultés à se remettre, peu importe les dommages subis », précise-t-il.
Ces perspectives sur différentes dimensions de l’insuffisance cardiaque ont été mises en lumière pour les cliniciens dès 1994, quand la Société canadienne de cardiologie (SCC) a publié l’un des premiers ensembles de lignes directrices nationales pour le diagnostic et le traitement de cette maladie. Une importante mise à jour a été publiée en 2005.
« Cette année marque le 10e anniversaire des nouvelles lignes directrices canadiennes sur l’insuffisance cardiaque », souligne Jonathan Howlett, M.D., qui dirige les activités cliniques et de recherche pour l’insuffisance cardiaque au Foothills Medical Centre à Calgary, Alberta. Il fait remarquer que les médecins de soins primaires sont parfois submergés par le grand nombre de directives qui émanent de différents organismes médicaux, créant non seulement de la lassitude, mais possiblement aussi un certain cynisme chez les médecins qui devraient pouvoir faire bon usage de ces renseignements. La SCC a tenté de faciliter la vie de tout le monde en s’associant à ces autres organismes afin de créer une seule et unique source pour ces lignes directrices.
« Ç’a été un immense succès, et la Société canadienne de cardiologie s’en sert maintenant comme modèle pour d’autres programmes de lignes directrices », rapporte le Dr Howlett.
Lors de la conférence, il a parlé de certaines des plus récentes approches de traitement pour les patients insuffisants cardiaques, en plus de se pencher plus spécifiquement sur les causes de l’aggravation de leur état pouvant mener à une hospitalisation. Les chercheurs savent que des conditions connexes comme l’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète peuvent aggraver l’insuffisance cardiaque, mais le Dr Howlett reconnaît qu’il y a encore beaucoup à apprendre sur les traitements susceptibles d’améliorer les perspectives pour le patient. Il convient aussi que l’insuffisance cardiaque demeure difficile à expliquer aux patients, parce que même si le concept semble évident, le terme a une connotation assez technique.
« L’insuffisance cardiaque est un état, un syndrome; ce n’est pas un événement précis », explique-t-il, insistant sur l’importance de dire aux patients qu’il y a des progrès qui se font dans ce domaine. « Pour de nombreux patients insuffisants cardiaques, il y a de nouveaux traitements qui voient le jour presque sans arrêt et qui peuvent améliorer non seulement leur qualité de vie, mais aussi la durée de leur vie. »
La conférence a donné un aperçu de ces traitements, qui incluent de nouveaux médicaments et des dispositifs implantés chirurgicalement qui peuvent restaurer la capacité de pompage du cœur en remplaçant des valvules cardiaques affaiblies ou en favorisant la circulation sanguine. Les conférenciers ont aussi abordé des questions relatives au soutien dont ont besoin les médecins dans la communauté pour pouvoir identifier et traiter l’insuffisance cardiaque de la meilleure manière possible.
Par exemple, Mark Fraser, M.D., un médecin de l’équipe de médecine familiale de West Carleton à Carp, Ontario, a expliqué comment son groupe s’y est pris pour faire de l’insuffisance cardiaque une priorité. En établissant des normes, pour des médecins comme lui, afin de détecter et de traiter cette maladie dans le cadre de leurs pratiques, ils espèrent dépister des cas d’insuffisance cardiaque le plus tôt et le plus souvent possible pour que les patients puissent bénéficier de soins optimaux.
De même, Rob Beanlands, M.D., chef de la Division de cardiologie de l’Institut de cardiologie, a présenté un exposé sur le formidable assortiment de technologies d’imagerie médicale disponibles, des outils essentiels pour valider la qualité de ces soins.
« L’imagerie joue un rôle central pour déterminer l’état de la fonction cardiaque et répondre à différentes questions qui se présentent lors de l’évaluation d’un patient insuffisant cardiaque », explique le Dr Beanlands. Il a dirigé une étude dans le but d’établir quel type de système d’imagerie est le plus efficace pour diagnostiquer et traiter ces patients. Les résultats de cette étude devraient démontrer la valeur de cette technologie en milieu clinique, où les médecins seront de mieux en mieux équipés pour soigner ces patients.
Par-dessus tout, insiste le Dr Liu, ces présentations ont permis d’offrir aux participants une vue d’ensemble de la direction que prend le domaine de l’insuffisance cardiaque et une invitation à façonner son avenir.
« C’est une excellente occasion de rassembler des chercheurs, des cliniciens, des étudiants et d’autres intervenants qui peuvent tirer profit de nouvelles connaissances, et de les appliquer aux patients, dit-il. Et ensemble, ils trouvent de nouvelles idées, de nouvelles approches pour répondre aux questions qui nous laissent souvent perplexes. »