Tout comme il faut un village pour élever un enfant, il faut les efforts de bien des gens pour maintenir la santé et la qualité de vie d’une personne atteinte d’insuffisance cardiaque. Les spécialistes de la santé cardiovasculaire sont essentiels, mais les médecins de famille et les autres professionnels de la santé qui prodiguent des soins continus, les parents et les amis qui accompagnent les patients au quotidien, et les patients eux-mêmes qui doivent jouer un rôle actif pour prendre soin de leur santé ne le sont pas moins.
Soutenir, mobiliser et informer ce réseau de soins est fondamental pour soigner avec succès l’insuffisance cardiaque. L’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa a mis en place une série d’initiatives justement pour faire cela dans l’Est de l’Ontario. Ces initiatives font partie de la stratégie régionale intégrée pour l’insuffisance cardiaque, financée par le Réseau local d’intégration des services de santé de Champlain, dans le but d’assurer la continuité des soins et d’offrir une meilleure qualité de soins et de vie aux patients atteints d’insuffisance cardiaque tout en réduisant les réadmissions à l’hôpital, et en préservant par le fait même les ressources limitées du domaine de la santé.
La province a fait de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque une priorité pour l’Ontario. Mais la stratégie de l’Institut de cardiologie est unique dans son approche qui vise à mettre en relation et à soutenir toutes les personnes concernées par l’insuffisance cardiaque, rapporte la cardiologue Lisa Mielniczuk, M.D., directrice du programme d’insuffisance cardiaque. C’est un élément clé de l’engagement de l’Institut de cardiologie d’accompagner les patients « à chaque étape de leur périple sur le chemin de l’insuffisance cardiaque ».
Aider les patients à gérer leur santé
« Bien vivre avec l’insuffisance cardiaque n’est pas si simple. Il faut changer son mode de vie et se plier à une routine de suivi d’indicateurs clés, comme le poids corporel », souligne la superviseure du programme Bonnie Quinlan, infirmière de pratique avancée en cardiologie. Certains des plus importants changements apportés au mode de vie touchent à l’alimentation, notamment par la réduction de la consommation de sodium et de liquide. Bien que ces changements puissent sembler assez mineurs, cela veut souvent dire changer les habitudes de toute une vie, et ce n’est pas une mince affaire.
Plusieurs des initiatives qui sous-tendent la stratégie sur l’insuffisance cardiaque visent à informer les patients et à leur fournir le véritable soutien dont ils ont besoin pour apporter de tels changements. L’infirmière Amy Charlebois est l’intervenante pivot des soins de transition pour les patients qui reçoivent leur congé de l’Institut de cardiologie, qu’ils partent pour la maison, un établissement de soins de longue durée ou un autre hôpital.
Mme Charlebois veille à ce que les patients partent avec tout ce dont ils ont besoin, y compris leurs rendez-vous de suivi. Si un patient n’a pas de médecin de famille, elle l’aidera à en trouver un. Elle communique aussi avec la pharmacie pour s’assurer qu’il n’y a pas d’interaction médicamenteuse, et veille à ce que le patient sache ce qu’il a à faire une fois à la maison. Elle remet aux patients un outil de surveillance quotidienne du poids, qui leur indique quand ils doivent appeler leur médecin ou se rendre à l’urgence.
« Je règle les derniers détails et j’essaie d’accélérer les choses pour faciliter le congé », raconte Mme Charlebois quand elle parle de son rôle. « Je travaille avec le personnel des unités et je m’assure que rien n’a été oublié. Nous avons de formidables infirmières qui entreprennent d’éduquer les patients sur l’insuffisance cardiaque dès leur admission. Chaque patient est une personne unique, avec des besoins différents; il faut donc que l’expérience soit adaptée à chaque patient. »
Les patients savent aussi qu’ils ne sont pas seuls quand ils quittent l’hôpital. La plupart sont suivis par le système de réponse vocale interactive ou, dans le cas des patients les plus à risque, par le programme de télémonitorage à domicile (voir « Le télémonitorage à domicile aide les patients à prendre soin d’eux »). Sauf pour les patients du programme de télémonitorage qui parlent régulièrement à une infirmière, Mme Charlebois appelle tous les patients dans les 24 à 72 heures suivant leur retour à la maison pour s’assurer que tout se passe bien.
« Nous passons en revue les médicaments, l’importance des stratégies d’autogestion de la maladie, les restrictions en sodium et en liquide, les signes et symptômes de l’insuffisance cardiaque et les circonstances où il faut appeler le médecin », explique-t-elle.
Si le patient est transféré dans un autre hôpital, Mme Charlebois travaille avec cet hôpital pour s’assurer qu’il a tous les renseignements nécessaires, mais aussi que l’alimentation du patient est adaptée et qu’il est pesé chaque jour, des détails importants et essentiels pour une bonne prise en charge de l’insuffisance cardiaque.
Les patients peuvent communiquer avec une infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque s’ils ont des questions ou des inquiétudes. « Les patients adorent le soutien qu’ils reçoivent », précise Mme Quinlan.
Soutien pour les médecins de soins primaires
Nous en demandons beaucoup aux médecins de soins primaires. Ils sont les premiers à voir les patients qui souffrent d’insuffisance cardiaque, une maladie difficile à diagnostiquer, et ce sont eux qui gèrent les soins de ces patients dans la communauté. Si ces patients sont hospitalisés, c’est aussi à ces médecins que revient la responsabilité de leurs soins après le congé. Et comme l’Institut de cardiologie dessert tout l’Est de l’Ontario, les médecins sont souvent loin des spécialistes et des ressources de l’institut.
La stratégie régionale intégrée pour l’insuffisance cardiaque vise à offrir aux médecins de soins primaires le soutien dont ils ont besoin pour offrir des soins de qualité supérieure. Et cela commence en demandant à ces médecins ce dont ils pensent avoir besoin.
« Nous ne travaillons pas en vase clos. Nous voulons être sûrs que la stratégie comble les besoins des médecins », explique la chef de projet de la stratégie pour l’insuffisance cardiaque, Norvinda Rodger. « Pour l’Institut de cardiologie, la collaboration dans de telles initiatives est la clé du succès. »
L’apport des médecins a aidé à identifier deux éléments clés pour lesquels un soutien était nécessaire : ils voulaient approfondir leurs connaissances de l’insuffisance cardiaque et savoir comment prendre soin de leurs patients insuffisants cardiaques. En vertu de la stratégie, un soutien éducatif est désormais offert sous différentes formes :
- Les lignes directrices sur la prévention et la gestion des maladies cardiovasculaires dans la région de Champlain: un document de référence à l’intention de la communauté de soins primaires qui couvre toutes les maladies cardiovasculaires, incluant l’insuffisance cardiaque
- Une unité de formation médicale continue (FMC) sur l’insuffisance cardiaque, offerte par l’Association médicale canadienne
- Un centre de ressources en ligne sur l’insuffisance cardiaque pour les professionnels (en développement), qui inclura : des renseignements sur les services à l’Institut de cardiologie; des lignes directrices sur la pratique clinique pour aider à diagnostiquer, classifier et traiter l’insuffisance cardiaque; du matériel pédagogique pour les professionnels; des renseignements sur la recherche et d’autres projets en cours à l’Institut de cardiologie; et des liens vers d’autres organismes qui œuvrent dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, comme le Réseau canadien d’insuffisance cardiaque.
Pour que la transition des soins de l’hôpital à la communauté soit la plus harmonieuse possible, l’Institut de cardiologie a mis au point un résumé de sortie complet pour mieux épauler les médecins de soins primaires. L’élément le plus important est le résumé normalisé d’hospitalisation qui inclut des renseignements clés sur les traitements reçus, les médicaments et autres détails pertinents. Le médecin reçoit un document d’une page présentant « les 10 meilleurs conseils pour le traitement de l’insuffisance cardiaque » en plus d’avoir accès à une infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque s’il a besoin de plus de renseignements.
« Ces outils ont été développés après consultation avec des médecins de soins primaires, précise Mme Rodger. Des médecins interrogés après la mise en œuvre du résumé nous ont dit être très satisfaits de l’exhaustivité [du résumé] et du soutien. »
Collaborer avec les médecins de soins primaires constitue « un élément important du traitement de l’insuffisance cardiaque », rappelle la Dre Mielniczuk. « C’est la clé du succès de la stratégie régionale. »
Garder les patients hors de l’hôpital
Bien que plusieurs de ces initiatives aient pour but d’aider les patients insuffisants cardiaques après leur hospitalisation, les garder loin de l’hôpital est la priorité.
Les cardiologues de l’Institut de cardiologie peuvent maintenant diriger les patients atteints d’insuffisance cardiaque qui ont besoin d’assistance immédiate, souvent en raison d’une surcharge hydrique, vers la Clinique d’intervention rapide, où les médicaments requis peuvent être administrés par voie intraveineuse en mode ambulatoire. Avant l’avènement de cette clinique, la seule option était d’envoyer le patient à l’urgence ou, dans certains cas, de l’admettre directement à l’hôpital.
L’un des autres avantages, selon Mme Charlebois, qui reçoit les patients à la Clinique d’intervention rapide, c’est la possibilité d’offrir aux patients les mêmes soins de transition qu’aux patients hospitalisés. Soigner des patients en mode ambulatoire permet aussi d’alléger la pression sur les ressources de l’Institut de cardiologie et de diminuer les coûts pour le système de santé.
Pour les patients qui vivent à l’extérieur d’Ottawa, l’Institut de cardiologie travaille à mettre en place des cliniques régionales de la fonction cardiaque dans des hôpitaux locaux ou d’autres établissements afin de réduire les déplacements nécessaires pour rencontrer un spécialiste en insuffisance cardiaque. Ces cliniques agiront en complément de la télémédecine, grâce à laquelle les patients sont vus par liaison vidéo à l’Institut de cardiologie.