La nourriture fait rarement l’objet de plaintes. « Ce n’est pas que la nourriture à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) soit meilleure quand dans d’autres hôpitaux. Mais lorsque les patients sont satisfaits des soins qu’ils reçoivent et qu’ils ont le sentiment d’être bien traités, ils n’accordent pas une importance démesurée à leur nourriture », explique Sharon Ann Kearns, gestionnaire de la mesure de la qualité et du rendement.
Et ces propos résument parfaitement la situation des patients de l’ICUO. En fait, l’ICUO compte parmi les hôpitaux ontariens plébiscités par les patients. Un récent sondage réalisé dans les établissements de la province par NRC Picker Canada, un fournisseur national de solutions visant à évaluer le rendement du système de santé, montre que l’ICUO se classe en tête des hôpitaux de soins actifs en Ontario que les patients recommanderaient à leur famille et amis. Le sondage indique également que la satisfaction générale des patients de l’ICUO s’élève à 98 p. 100, ce qui place notre établissement dans un petit groupe de seulement 7 hôpitaux ontariens se situant au 90e percentile ou au-delà.
Mais dans un domaine où tous les hôpitaux sont contraints d’élaborer un plan annuel d’amélioration de la qualité et où chaque établissement de santé concentre ses efforts sur l’amélioration de la satisfaction des patients, en quoi l’ICUO se démarque-t-il?
Miser sur la dimension humaine
L’une des réponses réside dans son personnel. Un autre sondage réalisé récemment pour évaluer le degré d’engagement des employés attribue un score de 70 p. 100 à l’ICUO – le plus haut taux au sein du système de soins de santé canadien, bien au-dessus de la moyenne de 55 p. 100.
Mme Kearns évoque les débuts de l’ICUO pour expliquer la fierté et l’engagement de son personnel. La devise de son fondateur, le Dr Wilbert Keon, a toujours été « les patients sont notre priorité » et, selon Mme Kearns, « chacune des actions du Dr Keon a été guidée par ce précepte. Il en va de même pour notre vice-présidente des Services cliniques, Heather Sherrard, pour qui le patient est au cœur de tout ce que nous faisons ».
Carolyn Cooper est témoin de cet engagement chaque jour à titre de gestionnaire des services cliniques de l’unité H4, où les patients hospitalisés en cardiologie et en chirurgie sont pris en charge.
« Nous nous comportons davantage comme une famille que comme une équipe, précise-t-elle. Nous comprenons que chacun d’entre nous joue un rôle essentiel. Nous nous entraidons et nous traitons avec respect mutuel. Et cette attitude se traduit directement par de meilleurs soins aux patients. »
« C’est en partie lié à la taille de l’ICUO, ajoute-t-elle. Dans un établissement de la taille du nôtre, tout le monde se connaît. Les médecins, membres du personnel infirmier, travailleuses sociales, physiothérapeutes et la foule d’autres professionnels qui interviennent dans les soins des patients ne travaillent jamais de manière isolée. »
Le fait que les membres du personnel infirmier accompagnent les médecins lors de leur tournée permet de bâtir une solide relation de partenariat. Les divers groupes d’intervenants ont de nombreuses discussions dans un esprit décontracté. « Tout ceci, résume Mme Cooper, a permis de grands progrès, par exemple dans la prise en charge de la douleur. » Le recours à des conseillers en soins spirituels, qui participent aussi à nos réunions, a aidé les membres du personnel infirmier à mieux comprendre le point de vue des patients. Ce niveau de collaboration est hautement souhaitable, mais il est malheureusement encore inhabituel dans le milieu des soins de santé.
Mme Cooper souligne également les nombreuses occasions de formation du personnel et confie qu’elle encourage vivement ses infirmiers et infirmières à en profiter au maximum. Alison Evans acquiesce. Cette physiothérapeute n’a que des éloges à l’égard du partage des connaissances. Elle cite en particulier l’attitude des médecins qui n’hésitent pas à diffuser en direct leurs interventions chirurgicales à l’intention des étudiants formés à l’ICUO, et qui vont même jusqu’à interpeler un étudiant pour l’encourager à assister à une intervention au chevet du patient qui présente un intérêt particulier pour lui.
« En définitive, tout est orienté sur ce qu’il y a de mieux pour le patient. » Chaque jour, elle prend le temps de discuter avec les patients, de s’asseoir et d’écouter ce qu’ils ont à dire. Elle encourage les membres de la famille à apporter des photographies, une couverture ou tout autre objet qui pourrait aider les patients à se sentir chez eux. « Ces petits gestes ont un impact énorme », conclut Mme Cooper.
Offrir un continuum de soins
En ce qui a trait à la satisfaction des patients à l’égard de l’ICUO, un autre élément déterminant tient au fait que la prise en charge des patients commence bien avant leur admission et se poursuit bien après leur congé.
Par exemple, dès qu’un patient est orienté vers l’ICUO, il a accès à une coordonnatrice des soins infirmiers qui peut répondre à ses questions sur sa maladie et les soins prévus, et ce, en tout temps, de jour comme de nuit. Le Service de gestion des listes d’attente (voir l’encadré à la page 4) entretient un contact étroit avec les patients, que ceux-ci se trouvent à leur domicile ou dans un hôpital régional, pour surveiller leur état et réévaluer leur position sur la liste d’attente en fonction de l’évolution de leurs symptômes ou de la progression de la maladie.
Les patients des hôpitaux régionaux savent que l’ICUO travaille en étroite collaboration avec le Réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) de Champlain – qui regroupe les établissements de toute la région – pour garantir que ceux-ci ont accès aux mêmes programmes et outils qu’à l’ICUO. « Pour le patient, ce rapprochement est un gage de la continuité des soins », affirme Mme Kearns.
Erika MacPhee, coordonnatrice régionale des soins cardiaques, dirige l’équipe de gestion des listes d’attente. L’automne est une période particulièrement chargée pour son unité, car c’est la saison où les retraités migrateurs préparent leur hivernation dans le sud. Mme MacPhee, qui assure la liaison avec les assureurs en cas d’incident pendant ces séjours à l’extérieur du pays, entend souvent que la première chose que le patient réclame c’est d’être rapatrié chez lui le plus rapidement possible. Et son équipe s’efforce de répondre à ce souhait.
Elle se rappelle le cas d’une patiente ayant subi une crise cardiaque majeure lors de séjour aux îles Turks et Caicos. L’ICUO lui a trouvé un lit sur le champ – un résultat qui peut prendre plusieurs semaines à Toronto, selon l’assureur. Mais, pour cette patiente, il était inconcevable de rentrer au pays sans son chien. L’ICUO a alors accepté qu’elle soit rapatriée en compagnie de son animal à la condition que celui-ci soit pris en charge par un membre de la famille à l’arrivée.
Après leur congé, tout comme avant leur admission, les patients ne sont jamais laissés seuls. Ils reçoivent de l’aide pour gérer leurs dispositifs médicaux, et aussi leur anxiété. L’ICUO continue en effet de leur fournir des soins grâce à son programme de télémonitorage à domicile; un système interactif de réponse vocale qui permet aux patients de transmettre leurs signes vitaux et de faire le point sur leurs symptômes quotidiennement. Si une donnée semble anormale, une infirmière s’adresse immédiatement au patient pour évaluer la situation et réagir au besoin, que ce soit en modifiant l’ordonnance de médicaments ou en prévoyant une réhospitalisation si nécessaire.
L’ICUO offre en outre des programmes de réadaptation de consultation externe. En cet après-midi de janvier, plusieurs patients âgés parcourent ainsi la piste de réadaptation de l’ICUO sans aide ou avec celle d’un déambulateur. Si un physiothérapeute supervise l’aspect physique de leur rétablissement, les patients se chargent eux-mêmes de l’aspect social de l’activité; leurs conversations animées leur procurant certainement autant de bienfaits que les exercices qu’ils accomplissent.
Pour les patients qui n’ont pas la possibilité de se déplacer à l’ICUO, des physiothérapeutes et des spécialistes de la réadaptation fournissent une assistance téléphonique pour les aider à se fixer des objectifs et à surmonter les obstacles qu’ils rencontrent pour y parvenir. Le programme d’exercices « Corps à cœur » de l’ICUO permet aussi aux patients de repérer les programmes approuvés qui sont offerts dans les communautés de l’Est ontarien et de la région du Grand Toronto.
Réagir aux préoccupations
Et il ne faut pas oublier l’importance des structures mises en place par l’hôpital pour réagir aux plaintes des patients.
Lorsqu’un patient soulève un problème ou exprime une préoccupation, Sharon Ann Kearns mène son enquête avant de réunir un comité multidisciplinaire pour en discuter avec les membres du personnel concernés et trouver une solution permettant de faire les ajustements nécessaires pour lever les obstacles à l’offre de soins optimaux. De plus, un comité de la qualité, présidé par un membre du conseil d’administration, David Scott, exerce une supervision générale des enjeux liés à la qualité des soins.
L’opinion des patients est un élément très important du processus. Environ deux tiers des patients remplissent un sondage sur leur expérience à l’ICUO. Tous les quatre mois, les résultats liés à la satisfaction des patients sont affichés sur des babillards bien visibles dans chaque service de l’ICUO. Les résultats trimestriels, qui correspondent précisément à ceux du service, mettent en lumière trois secteurs d’excellence et pointent trois secteurs propices à l’amélioration, toujours selon les patients.
« Anciennement, explique le Dr Lloyd Duchesne, cardiologue et membre du comité de la qualité, la qualité des soins était impalpable, très subjective et difficile à mesurer. Avec les années, toutefois, les hôpitaux ont mis au point des indicateurs de mesure de la qualité. Et lorsque quelque chose peut être mesuré, il peut être amélioré. »
Le processus n’est toutefois pas si simple. De nombreuses réunions, un grand nombre d’intervenants et beaucoup de temps sont parfois nécessaires pour faire place à l’amélioration et s’assurer que les changements apportés dans un secteur n’ont pas de répercussions négatives ailleurs. Mais nous n’observons pas de résistance de la part du personnel. Bien au contraire, souligne Mme Kearns, « les intervenants tiennent tous énormément à améliorer la situation ».
« La qualité des soins et la satisfaction des patients sont la responsabilité de chaque employé, confirme le Dr Duchesne. Être dans la moyenne ne nous satisfait pas. Nos objectifs sont nettement supérieurs à ceux de bien des hôpitaux. »
Les patients savent qu’ils peuvent s’adresser directement à Mme Kearns en cas de problème. Souvent, les patients ou les membres de leur famille veulent obtenir des détails sur ce qui les attend et les types de traitements prévus, en particulier en cas d’événement soudain qui survient dans la communauté, comme un arrêt cardiaque chez une personne jeune. Si les patients ne sont pas satisfaits des soins qu’ils reçoivent, Mme Kearns se charge d’enquêter et de trouver une solution, par exemple en aidant un membre du personnel à mieux gérer une situation précise.
Pour Mme Kearns, deux principes sont fondamentaux : en premier lieu, toujours présenter des excuses au patient et saisir ses attentes pour trouver une solution; et en second lieu, informer le patient ou la famille des résultats de la démarche qu’elle a entreprise pour trouver une solution au problème.
« Parfois, nous passons beaucoup de temps à régler un problème, mais au bout du compte, les patients et leur famille en sont très reconnaissants. Peu importe les préoccupations qu’ils peuvent avoir, elles ne sont jamais ignorées. Nous n’avons aucun intérêt à traiter nos patients avec paternalisme, car ils sont au cœur de leur prise en charge », insiste-t-elle.
La conclusion, selon Mme MacPhee : les patients satisfaits des soins qu’ils reçoivent se rétablissent plus rapidement et cela procure à toute l’équipe un fort sentiment d’accomplissement.