Des chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) ont découvert que des nanoparticules d’or et des peptides synthétiques pouvaient rétablir la fonction, la contractilité et la conductivité électrique du tissu cardiaque endommagé – une prouesse scientifique qui pourrait bien sauver des vies humaines un jour.
Ces recherches avant-gardistes sont en vedette sur la couverture du numéro de mars d’ACS Nano, une revue scientifique à comité de lecture publiée chaque mois par l’American Chemical Society.
Les crises cardiaques et l’insuffisance cardiaque : un paradoxe
Marcelo Muñoz, Ph.D., est chimiste au Groupe de recherche de solutions thérapeutiques et de bio-ingénierie (BEaTS) (en anglais) de l’ICUO. Il est l’auteur principal de l’étude avec sa collègue Cagla Eren Cimenci, scientifique et candidate au doctorat. Il explique qu’en raison des avancées scientifiques, technologiques et cliniques, de plus en plus de gens survivent aux crises cardiaques. Beaucoup d’entre eux finissent toutefois par souffrir d’insuffisance cardiaque, une affection souvent fatale découlant des dommages au cœur causés par la crise cardiaque.
Lors d’une crise cardiaque (ou infarctus du myocarde), une ou plusieurs des artères coronaires se bloquent, ce qui interrompt la circulation du sang et l’apport de nutriments et d’oxygène aux cellules du cœur (cardiomyocytes). Sans une intervention rapide, les dommages sont irrémédiables. Une cicatrice se forme sur le cœur qui, au fil du temps, s’affaiblit jusqu’à l’épuisement. On parle d’insuffisance cardiaque quand le cœur n’arrive plus à pomper suffisamment de sang pour répondre aux besoins de l’organisme.
Paradoxalement, alors que le nombre de personnes qui décèdent d’une crise cardiaque diminue, l’insuffisance cardiaque, elle, fait de plus en plus de victimes. Au Canada, pas moins de 750 000 personnes en sont atteintes, et on compte 100 000 nouveaux diagnostics chaque année. Ces statistiques stupéfiantes mettent les scientifiques comme Marcelo Muñoz devant une importante question : est-il même possible de mettre au point une solution thérapeutique pour réparer les lésions cardiaques et, si oui, pourrait-elle être utilisée pour prévenir l’insuffisance cardiaque après une crise cardiaque?
À ce jour, une telle thérapie n’existe pas. Toutefois, de premiers tests chez la souris sont prometteurs.
À la recherche du cœur en or
Les nanoparticules d’or suscitent depuis longtemps un vif intérêt chez les scientifiques. Ces particules infiniment petites, invisibles à l’œil nu, ont des propriétés qui les rendent idéales pour un éventail d’applications électroniques, nanotechnologiques et biomédicales.
Marcelo Muñoz et ses collègues ont créé des peptides synthétiques (chaînes d’acides aminés) pour encapsuler et stabiliser ces nanoparticules d’or. Les peptides ont été renforcés à l’aide de structures en forme de branches sortant du noyau. Puis, à l’aide d’une buse miniature spécialement conçue (imaginez une cannette de peinture au jet si fin qu’il peut frapper une cible micrométrique), la solution d’or et de peptides a été pulvérisée à un endroit précis du cœur.
« Chez la souris, une semaine après l’infarctus, le traitement pulvérisé dans le cœur a entraîné une augmentation de la fonction cardiaque (multipliée par 2,4), de la contractilité musculaire et de la conductivité électrique du myocarde, écrivent les auteurs. Nos données cumulatives indiquent une action thérapeutique très efficace pour notre nanothérapie pulvérisable qui, dans la pratique, est plus simple à appliquer que d’autres approches régénératrices pour traiter un cœur infarci. »
Les approches étudiées jusqu’à maintenant pour régénérer le tissu myocardique, dont l’injection de cellules souches, les timbres cardiaques, les exosomes et les médicaments ne sont pas encore appliquées en soins cliniques. Bien que fort prometteuses, les thérapies fondées sur les cellules souches sont coûteuses et peuvent prendre des mois. Le système nanothérapeutique à base d’or conçu par l’ICUO se conserve au réfrigérateur, est toujours prêt à utiliser et demeure stable au fil du temps, le tout à une fraction du coût.
Cette solution thérapeutique est encore loin d’être prête pour des essais cliniques chez l’humain, mais Marcelo Muñoz et ses collègues croient avoir fait une découverte potentiellement révolutionnaire.
« Il est possible qu’on puisse un jour freiner la progression de l’insuffisance cardiaque chez l’humain et rétablir la fonction normale d’un cœur endommagé par un infarctus », explique le chercheur. On sait maintenant qu’il est scientifiquement possible d’éviter qu’une personne qui fait une crise cardiaque finisse par être victime d’insuffisance cardiaque, possibilité qui pourrait bien se concrétiser de notre vivant. »
Les scientifiques du laboratoire BEaTS de l’ICUO, sous la direction des chercheurs Emilio Alarcon, Ph.D. et Erik Suuronen, Ph.D., doivent maintenant mener d’autres essais cliniques pour reproduire et valider leurs résultats.