Une étude publiée dans la revue Advanced Functional Materials indique que des scientifiques de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) ont conçu un nouveau traitement prometteur ciblant efficacement le méthylglyoxal, une molécule toxique qui s’accumule dans le cœur à la suite d’une crise cardiaque.
En temps normal, le méthylglyoxal est métabolisé par une enzyme et éliminé du cœur par divers processus physiologiques naturels. Toutefois, après une crise cardiaque (ce qu’on appelle un « infarctus du myocarde » dans la pratique clinique), le méthylglyoxal atteint des niveaux tels dans le cœur que le corps n’arrive plus à s’en débarrasser.
« Cette accumulation toxique de méthylglyoxal contribue à des changements indésirables dans la taille, la forme, la structure et le fonctionnement du cœur, et conduit dans bien des cas à de l’insuffisance cardiaque », explique Erik Suuronen, Ph.D., directeur du Programme sur les biomatériaux et la régénération de l’ICUO et concepteur du nouveau traitement avec son collègue Emilio Alarcon, Ph.D., et la doctorante Cagla Cimenci.
Dans leur étude récente, intitulée Combined Methylglyoxal Scavenger and Collagen Hydrogel Therapy Prevents Adverse Remodeling and Improves Cardiac Function Post-Myocardial Infarction, les auteurs expliquent comment l’injection dans les tissus endommagés du cœur d’un gel à base de collagène contenant de la fisétine, un flavonoïde naturel, réduit considérablement l’accumulation et les effets négatifs du méthylglyoxal après une crise cardiaque.
« La fisétine, le composé thérapeutique que nous avons choisi d’utiliser en raison de ses propriétés antioxydantes et de sa capacité à réduire l’inflammation, est ajoutée à un gel à base de collagène qui aide à la maintenir dans le cœur, explique Erik Suuronen. Sans ce gel, le cœur expulserait tout simplement la fisétine en pompant le sang, ce qui en limiterait fortement les bienfaits. »
Le méthylglyoxal cible le gel de collagène, qui l’emprisonne et l’empêche de s’accumuler à des niveaux toxiques dans les tissus cardiaques. L’hydrogel est décomposé dans la semaine qui suit l’injection, ce qui a pour effet d’éliminer le méthylglyoxal qui y est « emprisonné ».
Des études portant sur des maladies neurodégénératives ont démontré que la fisétine réduit les taux de méthylglyoxal et améliore les résultats cliniques, mais, à ce jour, les effets thérapeutiques de la fisétine dans le contexte des maladies du cœur, et en particulier des crises cardiaques, ont été peu étudiés.
« À notre connaissance, notre étude est la première à évaluer les effets de la fisétine injectée directement dans le tissu cardiaque endommagé à un moment cliniquement propice après un infarctus du myocarde », explique Emilio Alarcon. Ce dernier, tout comme Erik Suuronen et le Dr Marc Ruel, est membre fondateur du Groupe de recherche de solutions thérapeutiques et de bio-ingénierie (BEaTS) de l’ICUO, groupe innovateur bien connu pour avoir mis au point le premier gel injectable à base de collagène humain du monde.
Dans le nouveau traitement expérimental, l’effet « absorbant » du gel de fisétine est à son maximum lorsqu’on l’injecte six heures après une crise cardiaque. Cette observation est cliniquement pertinente du point de vue des protocoles de traitement, puisque cette fenêtre correspond au moment où une personne en état de crise cardiaque aiguë arrive typiquement à l’urgence.
Ce traitement expérimental est d’autant plus intéressant que le gel de fisétine est injecté dans le cœur à l’aide d’une technique à effraction minimale guidée par échographie, ce qui ouvre la perspective d’un recours aux interventions cardiaques par cathéter, des interventions de plus de plus courantes dans la pratique clinique.
« Globalement, tous ces résultats suggèrent qu’en ciblant le métabolisme du méthylglyoxal après une crise cardiaque, on pourra peut-être réduire le nombre de personnes qui finiront par faire de l’insuffisance cardiaque et augmenter le nombre de celles qui se rétabliront complètement », résume Erik Suuronen.
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause sous-jacente de décès dans le monde et tuent plus de 17 millions de personnes chaque année. Le traitement expérimental mis au point par Erik Suuronen et ses collaborateurs est une source d’espoir pour les personnes qui subissent une crise cardiaque.
« Uniquement au Canada, environ 600 000 personnes sont atteintes d'insuffisance cardiaque avancée, indique le chercheur. Cette recherche qui nous rapproche d’un traitement basé sur les biomatériaux pour traiter les dommages causés par les crises cardiaques pourrait grandement contribuer à la santé de la population du Canada et du reste du monde. »