Le Dr Peter Liu dirige les activités de recherche de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) depuis 2012.
En juillet, le Dr Liu terminera son mandat et passera le flambeau à la chercheuse Katey Rayner, Ph.D., qui lui succédera au poste de directeur scientifique et vice-président à la recherche ainsi qu’au podium où il a présenté d’innombrables conférences, rencontres et événements scientifiques au fil des ans.
Choisi personnellement par le Dr Wilbert J. Keon pour ses contributions scientifiques et son leadership à l’Institut de la santé circulatoire et respiratoire des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Dr Liu est le principal artisan de l’esprit d’équipe et de collaboration qui règne à la division de recherche de l’ICUO. En encourageant la collaboration en recherche entre nos murs et même par-delà les frontières et les océans, le Dr Liu a transformé l’ICUO en centre de découverte scientifique et d’application du savoir d’envergure mondiale.
Le Dr Liu est renommé partout dans le monde pour ses recherches sur l’insuffisance et l’inflammation cardiaques. Il a découvert comment les virus peuvent pénétrer le tissu musculaire du cœur et déclencher un processus appelé l’inflammation. Ses découvertes ont eu des retombées mondiales en permettant de mieux comprendre les effets de la COVID-19 sur le système cardiovasculaire.
Nous avons récemment rencontré le Dr Liu pour discuter de son bilan. Voici un résumé de la conversation.
The Beat : Qu’est-ce qui vous a décidé à faire carrière en recherche cardiovasculaire?
Dr Peter Liu : J’étais en première année de mes études de médecine. Je cherchais un emploi d’été et j’avais envie d’étudier le système immunitaire. On m’a dit que la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC avait un programme de bourses qui permettait de faire de la recherche. Le chef de la chirurgie cardiaque au Toronto Western Hospital — le Dr Ronald Baird — était à la recherche d’un étudiant motivé. Je suis donc arrivé là un peu par hasard. J’avais aussi consulté ma mère, qui trouvait les maladies cardiaques très importantes.
Comment votre carrière à l’ICUO a-t-elle commencé?
Avant d’arriver à l’ICUO, j’étais directeur scientifique de l’Institut de la santé circulatoire et respiratoire des IRSC. Je passais la moitié de mon temps à Ottawa et l’autre moitié, à Toronto. J’ai aussi participé comme directeur scientifique à la Stratégie canadienne de santé cardiovasculaire du gouvernement fédéral. À l’époque, le sénateur Wilbert Keon était président du Comité permanent des affaires sociales, de la science et des technologies, et du sous-comité sur la santé des populations. Nous avons travaillé en étroite collaboration à plusieurs projets et stratégies. À la fin de mon mandat aux IRSC, le Dr Keon tenait à ce que je reste à Ottawa. Il m’a proposé d’aider à diriger la recherche à l’ICUO. En collaboration avec l’équipe et le président-directeur général de l’époque, le Dr Robert Roberts, nous avons lancé une nouvelle stratégie de recherche et recruté de nouveaux talents. Ce fut une expérience très gratifiante.
Quels sont vos souvenirs de ces débuts, et qu’est-ce qui a changé dans les années qui ont suivi?
J’organisais beaucoup de séances de remue-méninges chez moi, ce qui plaisait beaucoup. Nous avons créé des cellules d’innovation, et les gens ont commencé à travailler en équipe et à monter des projets et des demandes de subventions. Nous étions de plus en plus habiles pour décrocher du financement de haut niveau. Nous avons aussi recruté des talents de partout dans le monde, noué des partenariats avec différentes facultés de l’Université d’Ottawa et multiplié par cinq le financement obtenu par voie de concours dans la dernière décennie, ce qui est tout un exploit. Nos publications ont aussi gagné en nombre et en influence, et nos chercheurs ont été invités à prononcer des conférences à l’étranger. Nous avons travaillé tous ensemble. Pour réussir en recherche, il faut beaucoup de gens qui mettent l’épaule à la roue en même temps.
Parlez-nous d’un défi que vous avez dû surmonter pendant votre mandat et de ce que vous en avez tiré comme leçon.
À l’apogée de la pandémie, nous avons dû fermer beaucoup de nos laboratoires de recherche et interrompre des études cliniques. Les gens devaient travailler de la maison. Faire de la recherche par Zoom ou MS Teams, ce n’est vraiment pas évident. Beaucoup de nos chercheurs et chercheuses avaient de jeunes enfants à l’école ou en attente du vaccin. Je me préoccupais beaucoup de leur bien-être. Je prenais régulièrement de leurs nouvelles. Ils me parlaient de leurs difficultés, de leurs victoires personnelles. J’ai été très touché par leur dévouement et leur engagement, et par la chance que nous avions d’avoir une telle équipe.
Pouvez-vous nous parler de réalisations ou d’innovations importantes qui ont eu lieu pendant votre mandat de directeur scientifique et vice-président à la recherche?
La liste est longue!
Je pense entre autres au travail avant-gardiste de la Dre Ruth McPherson en génétique cardiovasculaire. Ses découvertes ont inauguré une nouvelle ère en recherche cardiovasculaire, ce qu’on appelle aujourd’hui la médecine de précision. Nos plus récentes initiatives dans ce domaine nous aident déjà à donner les bons traitements au bon patient au bon moment.
Nous avons aussi fait d’importantes avancées en imagerie cardiaque. Le Dr Rob Beanlands et le chercheur Rob DeKemp, Ph.D., ont beaucoup contribué à l’avancement des technologies d’imagerie et des applications possibles pour nos patients. Nous avons développé nos activités de TEP [tomographie par émission de positons] grâce à un important financement du fédéral pour les projets d’infrastructure. Nous avons recruté des chercheurs étoiles comme Benjamin Rotstein, Ph.D., un radiochimiste de Harvard, et Adam Shuhendler, Ph.D., un chercheur de Stanford, pour diriger notre programme d’innovation.
Ces dernières années, nous avons également beaucoup amélioré la chirurgie valvulaire grâce à de nouveaux programmes et technologies. Nous mettons en place des équipes et des pôles de recherche pour relier la recherche fondamentale aux applications cliniques. Nous avons également mené des essais cliniques décisifs qui ont modifié la façon dont nous soignons les patients à l’hôpital et influencé les lignes directrices dans le monde entier.
Ça me rappelle un vieux proverbe chinois qui dit : « Quand tu bois de l’eau, pense à sa source ». La recherche que nous menons aujourd’hui est à la source des réalisations cliniques de demain.
Un autre phénomène intéressant est ce qu’on appelle l’effet « pot de miel ». Lorsque vous réunissez les meilleures personnes et que vous disposez de la meilleure infrastructure, vous attirez les meilleurs talents, que ce soit pour se joindre à notre équipe ou pour collaborer à l’échelle régionale, nationale ou internationale. L’ICUO continue également à attirer les meilleurs stagiaires, qui viennent y parfaire leur formation.
Quelle importance accordez-vous au travail d’équipe et à la collaboration, et quel en a été l’impact sur la performance de l’ICUO en recherche?
La collaboration et les partenariats sont la clé de l’impact en recherche.
Par exemple, pendant la pandémie, nous avons commencé à nous rendre compte que certains patients souffraient de complications cardiovasculaires liées au virus. Nous avons rapidement constitué une équipe pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’origine de ces complications. Nous avons travaillé avec des épidémiologistes, des spécialistes des données massives et des chercheurs en sciences fondamentales. Nous avons bâti une équipe dont le caractère avant-gardiste a été souligné par la Dre Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada. Cette dernière a constitué un groupe d’experts au sein duquel nous avons pu contribuer à la compréhension des effets de l’infection sur le système cardiovasculaire. Nous avons ensuite travaillé avec l’Agence de la santé publique du Canada à la création d’un registre pancanadien. Il en est ressorti tout un ensemble de collaborations et d’initiatives qui ont fait évoluer la prise en charge de ces affections.
À mon arrivée à l’ICUO, le travail se faisait encore souvent en vase clos. Nous avons rapidement compris qu’une plus grande collaboration avec l’Université d’Ottawa et sa faculté de médecine, avec l’aide du vice-recteur à la recherche et à l’innovation Sylvain Charbonneau, Ph.D., du doyen Bernard Jasmin, Ph.D., du vice-doyen Jocelyn Côté, Ph.D. et de bien d’autres, était essentielle. Nous avons fait tomber les barrières. Nous travaillons maintenant avec des personnes extraordinaires recrutées conjointement par l’ICUO et la Faculté de médecine, la Faculté des sciences et l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa, entre autres. Certaines de ces personnes, comme Christopher Sun, Ph.D., Erin Mulvihill, Ph.D., Kyoung-Han Kim, Ph.D., Mireille Ouimet, Ph.D. et Wenbin Liang, Ph.D., entre autres, sont tout simplement des étoiles de la recherche.
Le but est de rassembler les meilleurs talents. C’est aussi l’idée à la source de nos travaux sur la connexion cœur-cerveau. La collaboration enrichit la recherche. C’est ce qui nous a aidé à décrocher un investissement de 109 millions de dollars du Fonds d’excellence en recherche Apogée du Canada — un des deux seuls consacrés à la recherche en santé au Canada.
En tant que directeur scientifique sortant, quels conseils avez-vous pour la personne qui vous succédera à la gestion de la recherche à l’ICUO?
Nous avons jeté des bases solides pour assurer la réussite future de l’ICUO. Tout ce que nous faisons aujourd’hui a un but précis en prévision de l’avenir. Il est toujours bon d’avoir de nouvelles perspectives et de nouvelles approches pour résoudre les problèmes. C’est là qu’une stratégie axée sur la collaboration et le rassemblement de multiples perspectives peut accélérer l’innovation. L’essentiel, dans ces moments de transition, est de prendre du recul et de se demander : « Comment ferons-nous pour atteindre le prochain niveau d’excellence? » La recherche est passionnante, mais c’est une activité compétitive. Il est important d’avoir une bonne stratégie en tout temps. Katey Rayner est très douée pour développer ces possibilités. Elle les abordera sous un angle différent et d’un point de vue qui lui est propre, ce qui est parfait. Elle amènera l’ICUO à un autre niveau.
Y a-t-il des compétences ou des domaines de recherche spécifiques que l’ICUO devrait, selon vous, privilégier à l’avenir?
Pour utiliser une métaphore, le cœur est « au cœur » du système corporel, du système biologique. En fait, il est au cœur de la santé. Le cœur communique avec de nombreux autres systèmes : le cerveau, les poumons, les reins, par exemple. Il permet aux autres organes de fonctionner efficacement. En même temps, le cœur reçoit des signaux de ces organes et joue un rôle dans la santé et la maladie. C’est bien plus qu’un simple organe de pompage. Le cœur est « au cœur » de la santé de notre corps.
Il est important de traiter les maladies d’aujourd’hui, mais aussi de prévenir les maladies de demain. L’objectif est d’utiliser des outils pour mieux comprendre l’évolution de la maladie afin que les gens puissent modifier efficacement leurs habitudes pour rester en bonne santé et profiter de la vie sans avoir à craindre une crise cardiaque ou un AVC.
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